tition et dn prestige. Car cet Epimé-
nide étoit un" vrai charlatan. Comme
le Zamolxis des Scythes (1 ) , qui s’enterra
dans une caverne, oh il fei-
gnoit d’être mort et ressuscité, Epimé-
nide- débitait, qu’il avoit eu un long
sommeil dans une caverne, pendant
lequel il avoit été instruit par les Dieux,’
et à son réveil il instruisit à son tour
les hommes, et écrivit la génération des
Curètes et des Corybante.s,. et une longue
Théogonie (a). Il passoit pour
vivre sans prendre aucune nourriture,
sans être assujetti aux besoins de l’humanité.
Tel étoit autrefois l’usage , que
les prétendus sages faisoient de la safess'e
; elle se réduisoit souvent à l’art
e tromper, pour un plus grand bien,
ceux qu’on croyoit incapables d’atteindre
aux leçons sublimes de la morale et
de la philosophie.
On peut croire, qu’il ne négligea pas
le grand ressort politique et religieux,
qu’on .empruntait des mystères et de
la fiction des peines de l’enfer, qui
en étoit un dés principaux dogmes. En
effet , il fit construire à Athènes le
temple des Divinités infernales (~3) ,
vengeresses du crime ; et on voyoit
sa statue à l’entrée de l’Eleusinium, au
rapport de Pausanias (4). Solon avoit
senti le besoin de s’associer un tel
homme, qui avoit la réputation d’être
ami des Dieux, et d’en être inspiré.
Car Epiinénide ( 5) s’attribuoit aussi
la divination , et même le merveilleux
talent de mourir et de renaître plusieurs
fois , à moins qu’on n'entende
par là le dogme de la métempsycose,
qui te ri oit aussi aux secrets de la Mys-
tagogie. Le sage Lycurgue donna moins
d’influer]ce à la superstition dans la
législation ; il compta plus sur l’éducation,
sur les moeurs et les loix, que sur
le prestige. Aussi les moeurs et les loix
de Lycurgue, ayant une base plus so- 1 2 3
(1) Hérod, 1. 4, c. 95.
(2) Laertius 1. t , Epimeaid.
(3) Laert. Epim. 1. J , p. 75. ' .
lide, se conservèrent plus long-temps.
Néanmoins, il fut encore forcé de faire
parler les Dieux en faveur de ses loix.
Avant d'exécuter son projet de législation
, il va à Delphes ( i ) consulter
Apollon, et il reçoit cet oracle si célèbre
, dans lequel la Prêtresse l’ap-
peloit l'ami des D ie u x , et Dieu plutôt
qu’homme. Il fait un sacrifice à Apollon,
pour eu obtenir de bonnes loix, et la
Prêtresse lui dit, que le Dieu exauce
sa prière , et qu’il lui donnera la plus
excellente République qui ait jamais été.
De retour à Sparte , Lycurgue fait recevoir
ses loix, et déclare que pourtant
il y manque un point, qui étoit
le plus essentiel et lé plus important;
mais qu’ii ne pouvoit le leur communiquer,
avant que d’avoir consul tél’oraçle
d’Apollon; qu’ils dévoient donc observer
ses loix inviolablement, sans y rien
changer , ni altérer , jusqu’à ce qu’il fût
de retour de Delphes ; et qu’alors il
exécuteroit ce que le Dieu lui auroit
ordonné. Il fait jurer à tons ces citoyens,
qu’ils ne toucheront point à ses loix
jusques à son retour. Arrivé à Delphes,
il fait un sacrifice à Apollon ; il en obtient
la ratification de ses loix, qui sont
déclarées bonnes par le Dieu, qui promet
à Sparte la gloire et la félicité,
tant qu’elle les observera. Lycurgue
fait écrire cette prophétie ; il l’envoie à
Sparte et prend le parti de mourir, afin
que son retour ne dégage pas ses citoyens
de leur serment. Voilà donc encore
des loix données au nom de la Divinité.
Pythagore, pour mieux en imposer
à ses Disciples , et donner plus île poids
à sa doctrine (6) , assure qu’il a eu
commerce avec les Dieux; et qu’il a
appris d’eux ce qui pouvoit leur être
agréable , et ce qui pouvait .leur déplaire.
C’est le même langage que Tite-
Live fait tenir à Numa. Il prétend, que
les secrets de la Nature, que les autres
(4) Pausan. in Att..
(5) Ibid. Laert. 1. i.
(6) Püii. 1. i , c. i. Vit. Apolk
ne
ne savent que par opinion et par conjecture
, il les tenoit des Dieux çux-
tnâmes ; que souvent Apollon lui ayoit
apparu, ainsi que Minerve et les Muses.
Ses Disciples, trompés parles discours,,
conçurent pour lui autant de respect
que s'il eût été le fils de Jupiter. .
Nous nous contenterons des exemples
que nous avons cités, et qui suffisent
pour nous mettre à portée de bien con,-
noître le génie des chefs de législation
et de morale chez les peuples anciens ,
et l’usagç qu’ils ont cru devoir faire
des fictions rèligièuses, pour perfectionner
les moeurs et ies loix. Pour
nous qui vivons dans un siècle , où les
Français ne peuvent et ne veulent plus
être; trompés, c’est dans leh,, sources
de la justice et de la raison étemelle,
que nous devons puiser nos loix. Il est
enfin temps de voir , si le peuple , en
rentrant dans les droits de sa souveraineté,
souffrira qu’on le trompe encore
, comme un enfant, ou comme un
esclave. Il a droit de prétendre à l éga-
lité, de la raison et de la sagesse qui ,
si notre éducation est bonne , ne seront
plus le privilège de quelques hommes.
C’est, par .ce caractère de vérité , que
notre^ouvëllè,législation doit se séparev
des autres, qui ont presque foutes été
établies sur le prestige, lequel n’est
qu’une atroce calomnie, qui oiitrage
également la justice, dont elle semble
révoquer en doute les principes sacrés
, et la raison, humaine, qu’elle ne
croit pas toujours capable de les comprendre.
Après ce que nous venons de
dire, il ne nous sera pas difficile de
sentir , quel a été le grand but de l’initiation
et des mystères, dont le premier
et le plus grand fruit fut, de l’aveu de
tous tps anciens, de civiliser les hordes
sauvages , d’adoucir leurs rijoeurs'’ féroces
, de les rendre sociables, et de
leur procurer un genre de vie le plus
digne de l’homme. Cicéron met au
nombre des plus grands bienfaits, (font (0 Pausan. phoc. p. 348.
(') F.uripui. Bacck; v. 460.
Relig. l/aiv. Toute I5Ç
Athènes ait procuré la jouissance aux
autres sociétés, l’établissement de se»
mystères d’Eleusis , dont, l’effet, dit-
il,, a, été de civiliser les hommes, d’a-
dqueir leurs moeurs sauvages et féroces ,
et de leur faire connoître ies: véritables
prinpipes de moralejqui initient l’homme
à un genre de vie , qui seul soit digne de •
lui. Le même Orateur Philosophe, dans
nn autre endroit où il apostrophe Cérès
et Proserpine,dit qu’on doifàces Déesses
les premiers élemens de la vie morale,
comme les premiers alimens de la vie
physique , la conripissancë des loix , la
policé des moeurs, et les- exemples de
civilisation , qui ont adouci lés’ moeurs
des homme.s. et des villes.
Leur but moral a été bien appérçu
par Arrien , lorsqu’il nous dit, que tous
ces mystères ont été établis par les anciens
, pour perfectionner notre éducation
et réformer nos moeurs. ,
Pausanias parlant des mystère» d’Eleusis
( x ) prétend , que les Grecs, dès la
plus haute antiquité, ,, avoient établi
l’initiation d’Elëusis, comme l’institution
la plus- propre à inspirer aux
hommes le respect pour les Dieux.
Parmi les réponses que Baçchus fait à
Penthéë ( 2 ) , dont il a piqué la curiosité,
en jetant le voile dû mystère
sur ses Orgies, il lui dit que çette nouvelle
institution mérité d’être’ connue ,
et qu’un des grands avantages de cè
culte, c’çst de proscrire toute, impiété. ’
Que ce sont les rnysfères de la. sagesse ,
dont ij seroit imprudent de parler à’Cëux
qui rie sont pas initiés. Que cesUrgies sont
établies chezleé Barbares,qui en cela, ont
montré plus de sagesse qûé les GrëcS', qiii
ne lés‘avoient point encore reçues- Cë
double but politique etfeligieux, sa voir la
justiceéflaReugiorifdontl’une àppferid
ce, qü’.pn. doit , aux,hommes., et l’autre ce
qu’on doit aux Dieux , ou plutôt le
respect pour les Dieux, destiné à maintenir
celui qu’on doit aux loix, se trouve
renfermé dans ce vers de Virgile (3) si
Cl) jyàg- Æaeiil- 1. 6-,.
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