avoient réglé les formes de leur culte et
qui consàcroient les animaux, que l’on
exposoit à la vénération- du peuple.
Que faut-il penser d’une contradiction
aussi manifeste entre leur théologie et
leur philosophie ? Que la contradiction
n ’étoit que pour le vulgaire ; et
pour l'étranger, à qui on n’expliquoit
pas les principes de la science religieuse
; mais que toute cette monstruosité
, qui révoltait dans les objets du
culte n’étoit qu’apparente - et que sous
ce voile bizarreries Egyptiens cachoient
leur science saGFée. Si en-consacrant
les animaux , ils n’eussent eu d’autre
motif que d’en consacrer l’utilité , comme
on pouroitle supposer dans Apis(r),
ou dans le boeuf agriculteur r compagnon
des travaux del’homme, pourquoi
ont-ils aussi révéré les serpents , les
loups, les singes , les musaraignes , les
lions, &c N’est-il pas évident,.comme
l ’observe très-bien Elien (i2.).que ce sont
les qualitées symboliques de ces animaux
qui les firent consacrer. Cet auteur
ajoute une réflexion très - vraie ,
savoir, qu’ils trouvoient dans ces animaux
et dans leurs parties des traits de
rapprochement avec la nature et avec le
monde, auxquels ees emblèmes,, se rapportaient
r c’est par là qu’on peut expliquer
la consécration défigurés d’animaux
, qui n’ont point leur type dans- la
nature , tels que le Sphinx. Ges animaux
n’éteiènt que les symboles des animaux
célestes ou des dieux naturels,, et conséquemment
le boeuf fut consacré en
Egypte,,non pas d’après son utilité pour
l ’agriculture, mais d’après les rapports
qu'il avoitavre lé monde,ou le ciel, dans
lequel l’Astrologie avoitpeint autrefois
l ’au.imal; taureau. Aussi Çolumelle, (3)
parmi les. différentes-raisons qu’il apporte)
du respect des- hommes pour le
boeuf, n aTt-il pas oublié ce lle -c iq u i
est la principalejet j ’oserais dire làTlëule
sous 'erapport 1 eligieux, savoir,.que
6 0 Diod. Sîcit p. 77—70, 60 Sctol- d’Àrat. p. m r .AEli,r.,l. 12. c. y, *
c’est parce que cet animal a sa place
aux cieux parmi les astres les plps
brillans. Et en effet , si l’intention des
Egytiens, en consacrant le boeuf dans
leurs temples-, n’eût été que d’inculquer
aux peuples un-grand respect pour un,
animal aussi utile, il eût-suffi de-consacrer
un boeuf quelconque , on. peut-
être le plus beau qu’on pût trouver,
pour, représenter toute l’espècq^, à laquelle
on- vouait ce respect et cette reconnaissance;
Pourquoi exiger pour condition dan&
l’animal sacré , qu’il eût sous la langue
la figure du Scarabée , sur le dos celle-
de l’aigle, sur l’épaule droite l ’image
du croissant de la*: lune;, que-ses poils
fussent dressés à- rebours, qu’il eût sur
le fpont une tache blanche quadrilatère
, et un« foule de marques qui caractérisassent
là faculté génératrice!
N’est-il' pas évident, que ee n’est pas
simplement l’espèce des boeufs et leur
utilité,.qu’on-.a- voulu consacrer parle
culte d’Apis, mais bien les qualités
bienfaisantes d’ùn autre être infiniment
plus puissant et plus utile à l'homme
que ne l’est le boeuf.. Le boeuf sacré
n’étoit-donc comme l’a très ,-bien
dit Elien, dans le passage déjà cité plus
haut ,. que le fond principal d’un
assemblage d’emblèmes relatifs au
soleil, à Ta lune , aux astres , au Nil ,
au monde , à la lumière et>aux ténèbres
et en général à la nature et à ses
agens ( 4*), Ainsi ce n’était point au
boeuf définitivement que s’adressoient
les hommages des prêtres de l ’Egypte,
mais à, i’ame du monde au* soleil,.!
la lune et à la force féconde et organisatrice
delà nature, qui. se dévelop-
poit sous, le boeuf, céleste , dont Apis
réunissait sur tout son corps les principaux
emblèmes.- C’était le boeuf, chef
de la révolution annuelle , durant laquelle
la terre éprouve les vicissitudes
de bien et de mal, qui en partagent!*
(3) Columellè. I. 6. in proemia.-
(4) AEiian. !. 11, c- io.-
durée, de manière que la chaîne du bien
-soit attachée au Taureau équinoxial de
printemps et s’étende jusqu’ au point
opposé , où finit son activité bienfaisante
et féconde.
Considéré sous ce point de vue , qui
Lest le véritable-et le seul sous lequel
Ion puisse l ’envisager, le culte des boeufs,
f sous quelque dénomination qu’ils soient
[connus , n’a plus rien qui doive mous
surprendre, et -sa grande universalité
sest une suite naturelle de-celle des fonctions
bienfaisantes de la nature , et surtout
de la nature agissante sous ,1e signe
[équinoxial du printemps. Ainsi nous
ne traiterons pas séparément l ’article
ides taureauxou boeufs, Mnevis , Om-
l.phis, Pabacis, & C . qui tous retraqoient
Je-Taureau céleste, considéré soit seul,
; soit uni au soleil seulement, soit uni à
[la lune, soit^enfîn uni au soleil et à la
lune , comme dans Apis.
Il paroît, parles témoignages des auteurs
déjà cités , que le boeuf Mnevis
•n’avoit de rapport qu’au soleil et non
à. la lune , tandis qu’Apis en àvoit avec
ces deux astres ; il étoit en quelque
sorte le boeuf solaire. Aussi était-il consacré
au dieud’Héliopolis, ou delà ville
Fdu soleil, comme nous l’ont dit Ma-
jerobe, Porphyre , Plutarque, Strabon,
:&C{ i). ■ •: ■
1 Ces auteurs ne nous donnent pas
sur le Taureau Mnevis autant de détails,
que nous en avons sur Apis, Am-
mien Marcelli annonce , qu’i l n’a rien
de bien remarquable à nous en. dire.
Elien (a) , qui s’est fort étendu sur les
attributs caractéristiques d’Apis,donne
a entendre que Mnévis avoit aussi les
siens , auxquels on reconnoissoit qu’il
était cher au soleil, et qu’il lui était
[spécialement .affecté ; mais il laisse à
e autres le soin de les décrire. Au moins
0 ) Suidas ( V. Memp'hi) Ammian Marcel.!, aa,
f- *45- AEiian I. 11 . c. 11. Porphyre apud Euseb. !• 3,
•c, 13. Macrob. !. i .c . 21. Plut, de Md. p. 364.
( i) AEiian de animal. I. ri. c. 11.
( j j Plut, de Jfid, p,
résulte-t-il de cet aveu, qu il étoit aussi
marqué de caractères distinctifs , et que
conséquemment ce n’étoit pas simplement
un boeuf, que l ’on révéroit dans
Mnévis, mais un symbole vivant consacré
au dieu Soleil, dont il portait tous
•les caractères ; ce qui nous suffit ici
pour notre dessein. Seulement Plutarque
(3) nous apprend, qu’il était d'us
noir très-foncé; ce qui le distingué
d’Apis blanc et noir, ou au moins qui
avoit une tache blanche au front, et
qui avoit sur lui des marques distinctives
, qui exprimoient les vicissitudes
de lumière et de ténèbres, suivant
Elien (4)- 1 . i l
Porphyre (5) s’accorde aussi à dire,que
le boeuf Mnévis était très-noir , & il
prétend, que par cette couleur on indi-
quoit celle que donne aux corps l ’ardeur
brûlante du Soleil. Il ajoute encore un
caractère, qui est relatif au mouvement
du soleil en sens contraire du mouvement
journalier, ou du mouvement du
monde, et il trouve l’expression symbolique
de ce mouvement dans le rebroussement
des poils de son corps et de sa
queue. C’est le même caractère, que
Macrobe (6) donne au boeuf Bacis, consacré
dans le temple d’Apollon à Her-
munti ; et il l’explique de la même manière,
par le mouvement propre du
soleil en sens contraire de celui du
monde.
Outre ces marques caractéristiques ,
relatives à la direction du mouvement
du soleil dans le zodiaque ou dans sa
carrière annuelle , dont le Taureau lui
ouvre la porte, le Taureau (7) d’Hélio-
polis ou Mnévis avoit aussi des caractères
bien prononcés de la force active
et féconde, que cet astre créateur communique
à la nature soumise à son
action puissante. Ces marques étaient
.(4) AEiian 1. 11. c. 10.
(5J Porphyr. apudEuseb. I. 3. c. 13.
(d) Macrob. Satur. I. J. c. ai. (73 Porphyr. Ibid,
E a ,