lir celles qui leur étoient offertes dans
les corps sensibles et animés, qui avoient
des passions, des habitudes, et en quelque
sorte un caractère et des moeurs.
Au reste, ajoute le même Plutarque,
nous devons approuver, non ceux qui
adorent ces objets en eux - mêmes ;
mais ceux qui, par leur moyen, honorent
la divinité, dont ils semblent présenter
une image, puisqu’elle - même
les a placés en quelque sorte sous les
yeux de l’homme, comme un miroir,
où viennent se peindre les différens
tiaits du dieu puissant, qui embelli!
le monde. Ce passage de Plutarque
contient la véritable origine du culte
symbolique des animaux sacrés de l ’E-
gypte, que l’on plaça dans les temples,
non pas à cause des rapports
qu’ils avoient avec les besoins de
1 nomme, mais plutôt à cause de ceux
qu’ils avoient. avec la divinité, ou avec
ïa Dature, dont ils retraçoient partiellement
quelque propriété.
Pour achever de s’en convaincre,
il suffit de jetter un coup d'oeil sur
un des animaux symboliques , dont le
caractère semble le plus.favorable à l’opinion
de ceux qui pensent, que le culte
eut pour base l’utilité, que l’on retiroit
des animaux que l’on crut devoir honorer
dans, les temples. Cet animal, c’est
le boeuf, honoré en Egypte sous le nom
d ’Apis. Si, comme on l’a répété Souvent,
le boeuf n’a mérité les hommages
de l’Egypte, de l’Inde, et de tout
l ’Oiient, qu’à cause de l ’utilité singulière,
dont il est pour les travaux agricoles,
on adu honorer le premierboeùf venu,
ou au moins le plus beau de l’espèdéj
puisque tous rendent le même service, et
qu’unseul les représente tous. Ce n’est
pas là cependant, ce qu’on a fait, comme
nous l’avons déjà observé et les condi-
tionssingulières,qu’on exigeoit dans le
choix de l’animal sacré, étoient telles ,
que sa qualité de boeuf semble- avoir été
CO Ci-defT. I. 3. c 8.
(0-A£Haiî. de anim. 1.2 s. c. 7.
U S L E S C U L T E S ;
la moindre qu’on ait cherché à consacrer.
On vouloit, qu’il eût empreinte
sous la langue la figure du Scarabée-
sur le dos , celle de l ’Aigle ; sur l’épanle
l’image de la Lune en croissant, et sur
tout le corps, une foule de marques caractéristiques
de la faculté génératrice.
Elien compte jusqu’à vingt neuf marques
ou attributs symboliques, nombre
égal à celui des jours de la Lune, à laquelle
Apis étoit consacré. Nous n’entrerons
point ici dans l ’examen du sens
de ces divers symboles ; nous en avons
parlé ailleurs dans notre article Apis :
nous dirons seulement, qu il résulte de
là , que Ce n’étoit point un boeuf purement
et simplement qu’on adoroit en
Egypte,sous le nom d’Âpis (1), mais un
ensemble d’emblèmes relatifs , comme
le dit Elien, à lvordre du monde et à
la Nature (;) ; et que le boeuf n’étoit
que comme le fond de ce tableau ,
chargé de dessins hiéroglyphiques. Nous
avons fait voir,que le boeuf céleste étoit
le type de l’animal consacré dans les
temples , sous les noms d’Apis et de
Mnéyis, et sur lequel on avoit imprimé
tant de caractères symboliques.
En suivant la même théorie dans ses
conséquences , que nous pouvons appliquer
. avec encore plus de vraisemblance
, aux animaux plutôt nuisibles
et redoutables , qu’utiles à l’homme ,
tels que le Loup, le Lion , le Serpent,
dont nous trouvons lés types parmi
lès constellations , il ne sera pas difficile
de conclure, que leur culte est absolument
symbolique , et que nous devons
en chercher l ’origine aux deux,
comtne le prétend Lucien (3). Prenons
pouf exemple le Lion , qui certainement
n’a pas été consacré dans les
tem plès de l’Egypte, à càuse des services
qu’il rendoit à l’humanité , si ce n’ést
chez les habitansd’Ambracie, qui accordèrent
lés honneurs divins à la Lionne,
qui avoit mis en pièces leur tyran^)-
Lucïan de aftrol.p. 986.
(4) A El un de »aimai. 1. ja . c. 40.
- C es*
C’est effectivement le seul service que
les animaux féroces puissent rendre aux
hommes. Partout ailleurs le Lion n’a
pû être qu’un emblème de quelqu’at-
tribut de la divinité, soit de la force,
soit de. la vigilance, soit de quelque
qualité élémentaire , pu astrologique (1).
Ecoutons ce que nous en disent les
anciens. Elien prétend, (a) que le lion
renferme en lui une quantité abondante
de matière ignée 5 ce qui l’a fait
consacrer au dieu du feu;, ou à VuL-
cain, par les Egyptiens | qui l’ont
placé aussi. aux cieux, pouy en faire
le domicile du Soleil, et le signe auquel
arrive cet astre, dans les plus grandes
ardeurs de l ’été. J’ignore si c’est là
le motif qu! a fait placer primitivement
an nombre des constellations l’image du
lion ; mais je sais qu’au moins le lion
des temples et celui des signes étoient
liés par clés rapports d’influence, comme
le boeuf Apis l’étoit au Taureau céleste,
et que le culte de ces deux animaux a
Je même objet, Savoie- le ciel et les
imagés des constellations. En sa qualité
de signe affecté pour domicile au
soleil par les Astrologues, dans la théorie
des domiciles , 1 que nous avons développée
ailleurs (3) , et de signe, sous
lequel le Nil en Egypte commençoit
à se déborder, il dut jouer nécessairement
un rôle important chez un
peuple, dont le culte astrologique se
tnêloit an culte des élémens , et surtout
à celui des eaux du fleuve , qui
fertilisoit le sol Egyptien par ses inondations.
Aussi trouvons-nous, qu’il fut
consacré par un culte religieux , sous
ce double rapport. On sait qu’Adonis
etoit le soleil , la grande divinité des
Phéniciens et des Syriens. Il y avoit,
an rapport d’Elien , dans le pays des
Elyméens ( 4 ) > un temple d’Adonis,
dans lequel on nourrissoit des lions
apprivoisés. Ils venoient carresser ceux
(1) Hor Apolt. I. Iç . 17-28-29.
(a)AEIian de anim. 1. 2 2. c. 7,
(3) Livre t.
(4) AElian de animal, i. 12. c. 25.
•Helig. Univ. Tome Ht
2.6b
qui se présehtoient au temple , pour
adorer le dieu auquel ils étoient consacrés,
c’est à-dit e , Adonis ', ou le Soleil
: car Adonis étoit le Soleil, comme
nous l’avons prouvé; et. d’ailleurs Eiien
dit en termes formels , que le lion
étoit l ’animal sacré du Soleil ( 5 )ii
Voilà pourquoi ces animaux étoient
nourris en Egypte, dans le vestibult-
du temple de la ville du Soleil, ou
d’Héliopolis (6)., et y. étoient regardés
Comme les interprètes des volontés
du dieu d’Héliopolis. Ils remplissoient
les fonctions d’orgarxes de cet oracle,
que le serpent rempiissoit en Grèce ,
dans le temple du Soleil, ou d’Apollon
, à Delphes. C’est par la même
raispn , que no.us voyons des lions
soutenir le tiône d’Orus , ou de l’Apollon
Egyptien (7), c’est à-dire , le
tiône du dieu qui préside à la distri«
bution de la lumière et des saisons,
et qui avoit son siège le plus élevé au
Lion solstitial. Nous trouvons même,
dans les monumens Egyptiens, le lion
ou le quadrupède solaire, uni à l’oiseau
symbolique du Soleil, ou à l ’aigle,
et formant un animal monstrueux,
dont le corps est un lion, et la tête
celle d’un épervier, ou d’un aigle,
que nous avons déjà vu destiné à
représenter aussi le Soleil. On trouve ce
monstre symbolique répété plusieurs fois
parmi les tableaux de la table Isiaqne,
et uni à un autre symbole , ou à un
Canope, emblème tiré du signe du
Verseau, opposé dans les cieux au
signe du Lion. Quant à son second rapport,
savoir à celui de signe, dont l’influence
ramenoit l’inondation périodique
du N il, il est consigné dans les
monumens mêmes de l’Egypte, et dans
les explications que Plutarque, Théon
et Hor-Apollon nous en donnent. Voici
ce que dit Plutarque (8) : les Egyptiens
honorent Sirius, parce qu'ils attribuent
(5) Ibid, de animal. 1.5. c. 39.
(6) Ibid. i. ïa. c. 7.
(7 ) Hor A poli i, I, cr 17,
( i) Plut, de lüde p, 367,
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