Dioscures } Castor et Pollux (t), que nous'
avons souvent vu , sous le nom de Dieux
Cabires , accompagner Gérés et Proserpine;'
On mit au rang des Divinités infernales
Cérès, Bacchus et Proserpine,
sans ilon te, parce que, dans les mystères
de ces Divinités , on établissoit le dogme
religieux des récompenses et des peines ,
qui attendoient les hommes-aux enfers.
Nous avons déjà trouvé, en Grèce,
Cérès désignée sou$ l’épithète de Chtonienne
, épithète que Pluton ou Jupiter
Chtonius et Proserpine ont prise souvent.
Rlacrobe, en parlant de la bonne
Déesse „ dit qu’elle passoit pour être la
même qu’Hécate Chtonienne (2).
C’est à ce titre , que l’on consacra à
ces Divinités les biens confisqués sur
certains coupables (3). Ainsi les- biens
de Sp. Cassius furent consacrés à Cérès,
et on les appliqua à l’offrande d’une
statue à la Déesse. C’est par la même
raison ( 4 ) , que l’on ordonna , que
quiconque auroit nudtraits un Tribun
du peuple , un Edile, ou quelqu’un des
Magistrats du Peuple (5), serait voué à la
vengeance de Jupiter, etses biens vendus
à la porte du Temple de Cérès,de Bac-
chus et dé Proserpine, à qui cette.confiscation
ét lit acquise , suivant l’ancienne
loi d’inviolabilité des défenseurs du peuple.
On employa aussi à cetusage l’argent
des amendes (6). C’estainsi que , sous le
consulat de Pub. Coriiel. Scipion , et
de Cn. Manlius Vulso, après la défaite
de Philippe , roi de Macédoine , les
Ediles consacrèrent trois statues à Cérès ,
Baçchus et Proserpine , provenant du
fruit dès amendes.
On chercha souvent à appaiser la
colère de Cérès , dans les temps de calamité
, pour détourner l’effet des prodiges
les plus funestes. C’est ce qui arriva
à Rome , l’an 561 de sa fondation,
(1) Ibid. p. 351 , ex Tit. Liv. 1. 2, c. 20.
(-2) Sàturn. I. 1 , c. 12.
(3) Dion. Haï. 1. 8, i l 546.
(4) Tit. Liv. 1. 2, c. 41.
(5) Dionys. Haï. 1.10, p. 667. idem. 1. 6, p. 410.
(6) Tit, Liv. h 33 , c. 25.
au commencement de la guerre Côntre
Antiochus (7). LesPontifes, dépositaires
des livres Sibyllins , ordonnèrent un
jeûne en honneur de Cérès, lequel se
renouvela tous les cinq ans ; et une neu-
vaine et une procession , en honneur
de la même Divinité. Les dévots y pa-
roissoient couronnés. On remarquera
encore, que ce sont les prêtres dépositaires
des livres Sibyllins, qui prêchent
ici le culte de Cérès ; ce qui s’explique,
si ht-Sibylle'de Cumes est la fameuse
Thémis , la Vierge céleste , ou plutôt la
Prêtresse , qui, sous son influence , ren-
doit des oracles , comme l’indique le
passage de Lucien sur les oracles , que
l'Astrologie rend oit d’après cette constellation
(S). C’étoit d’ailleurs des environs
de Cumes, c’est-à-dire, de Naples
et de-Vélia, que les Romains tiraient
les Prêtresses de Cérès , comme
nous l’avons déjà remarqué.
Proserpine , -fille de Cérès , étoit honorée
, dès là plus haute antiquité , chez
les Sabins, sous le nom de Déesse de
Féronic ou d'Anthesphore , ornée de
guirlandes et de couronnes; de Philosté-
phanie , enfin de Pherséphone : les
Latins et les Sabins lui rendoient en ce
lieu le culte le plus religieux ( 9 ). Tous
. les peuples voisins s’y rendoient à certains
jours marqués, les uns pour déposer
leurs offrandes dans son temple,
les autres pour y faire le commerce :
c’étoit une des foires les plus brillantes
de fout ce canton (10).
Nous avons déjà vu une Assemblée
religieuse assez semblable à celle-ci,
tenue à Tithorée en Phocide , près de
Delphes, au temple d’Isis.
Les Sabins avoient conservé le souvenir
de l’origine Grecque de ce culte
de la Déesse Fêronie , ou plutôt P baronie
(11). Ilsprétendoient qu’il leuravoit
(7) Ibid. 1. 36, c. 37.
(S) Lucian. de Astrol. p. 993.
(9) Dionys. Hdy. I. 3 , p. 373.
(10) Tit. Liv. 1. I , c. 30.
(n) Dion. Halyc. I.i) p. 113.
e'té apporté par une colonie de Lacédémoniens,
émigrés au temps de Lycurgue.
Effectivement, on trouve la ville- de
l'haris en Laconie, près d’Amyciée et
Je l’Eurotas. Dans tout ce pays , Cérès
et Proserpine étoient adorées. Peut-être
Je nom de Pharonie nous retrace-t-il
son origine ; c’étoit la Déesse de Pharis
ouPharonienne. Rien de plus ordinaire,
que de voir les Dieux prendre leur nom
du lieu o à ils sont spécialement honorés.
Ainsi Cérès s’appela Eleusinienne
ou Eleusinie , chez les peuples du Latium
, qui juraient en son nom l'observation
de leurs traités (1). Us en durent
faire autant de la Déesse de Pharis , en
Laconie.
La Déesse de Phéronie avoit un bois
sacré et une fontaine : on l’appeloit aussi
la Vierge ou Junon-Vierge, suivant Sèr-
vius(s).C’étoit, sans doute , 1a chaste Proserpine
, celle qui, suivant Sanchonia-
ton, mourut vierge. Cependant Virgile,
dans son huitième livre , la fait mère du
Géant Hérilus à.trois corps. Elle étoit
une des Nymphes de Campanie ,
pays fameux par le culte des Déesses
d’Eleusis. Les Affranchis la regardoient
comme leur Divinité tutélaire f et ve-
noientprendredans son temple lebonnét
de la liberté, après s’être fait raser la
tête. Le surnom de Libéra, sans doute,
mérita à Proserpine ce titre de Divinité
tutélaire de ceux qu’on mettôit en liberté.
On retrouve , dans différens endroits
de l’Italie, des monumens du culte de
Cérès , et des inscriptions, qui attestent
, que ses mystères et ses initiations
n’y étoient point inconnus. On lit quelquefois
sur ces monumens les noms
de Héraut sacré , ou - d’Hiérocérux et
d’Hiérophante (3). On -y trouve même
la qualité d’Hiérophante des Eleusi-
niennes. Néanmoins on ne peut pas dire,
que par-tout où le culte de çes Divinités
etoit établi, là fussent aussi célébrés les
(1) Inscrip. Apud. Ghîshull. ant. Asiat, p. 135.
C1) Sery. ad Ænçid. 1.7, v. 799. id. 1. 8, v. 564.
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mystèrés ; car il y a une grande différence
entre le culte simple de Cérès et
de Proserpine , et la célébra lion de leurs
mystères. Dans l’énumération que nous
avons donnée des différentes villes de
Grèce , de Sicile et d’Italie , où ces
Déesses ont été révérées , et ont eu des
autels, des statues et des temples, nous
n’àvons pas prétendu dire, que par-tout,
en général, on y célébrât dés mystères,
lorsque les Auteurs anciens ne le disoient
pas. Mais nous avons cru devoir
donner de l’extension à nos recherches,
et marquer tous les points où les traces
du culte dé cès Divinités sont empreintes
, afin d’avoir quelques données , qui
puissent nous conduire à la filiation des
cultes , et même des mystères , dans
différens pays. Car nous sommes persuadés
, qu’il y a eu souvent des initiations
dans les lieux où les Auteurs anciens
n’en placent pas. Leur silence ne
nous paroît pas être toujours une preuve
contreleur existence; et il est à présumer,
que le culte de ces Divinités ne s’est ainsi
propagé, qu’à.la faveur des initiation s ou
sociétés religieuses des dévots attachés au
culte de ces Déesses. La Société d’Eleusis
a été la plus fameuse ; mais elle n’a
pas été , à beaucoup près , la seule ; et
nous pouvons en soupçonner , où nous
voyons cès Déesses révérées. Peut-être
viendra-t-on à bout de les reconnoître,
à travers les formes et les dénominations
variées qui les déguisent. La-sainteté
de ces mystères ne se soutint pas
par-tout comme à Eleusis.
Dès le temps de Plaute , les fêtes de
Cérès et les cérémonies nocturnes, qui
les accompagnoient, étoient à Rome (4)
des occasions de débauche , au point
que. lé Sénat, pour le bien des moeurs,
fut obligé dé défendre ces sortes d’assemblées
nocturnes , et ne toléra que
celles qui se faisoient pour le salut du
peuple , conformément aux rits prescrits.
De cette espèce étoient ceux de
(3) Inscript..Grutt. p. 28. Murator. p. 387..’
“ M; Plant; Aul'. Proiég. v. 36.
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