non pas simplement comme signes,
mais comme causes des effets sublunaires.
C’est dans ce sens, qu'Apis fut
réputé cause.de la fertilité des champs,
et de l ’abondance , qui devoit régner
dans toute l’année ( i ) , parce qu’il étoit
l ’idole et l ’image des astres principaux,
de l'influence desquels dépend la végétation,
On tiroit des pronostics d’Apis
ou du Taureau , qui sur la terre retra-
coit le Taureau céleste , comme on en
tiroit de la Canicule et de son lever.
C’étoit sous l’aspect de ce Taureau, que
le Nil ; éprouvoit cette fermentation
intérieure dans ses eaux , d’où résultoit
leur intumescence et le débordement
qui engraissoit les terres de l’Egypte et
décidoit de l ’espérance des récoltes.
Les rapports du boeuf Apis avec le Nil
étoient consâcrés, par l’inauguration de
ce dieu dans le temple de Nilopolis
ou de la ville du Nil , ville dediéè
à la divinité de ce fleuve. (2) C’étoit
là qu’il étoit d’abord conduit et nourri
par les prêtres , durant quarante jours ,
jusqu’à la cérémonie de sa consécration
, après quoi on le ramenoit à
Memphis. C’étoit aussi dans les eaux
du Nil ou dans des puits remplis de
l ’eau du N il, qù’il terminoit sa vie ;
tant ses rapports avec le N il, principale
cause de la fertilité de l’Egypte , étoient
marqués. De - là l’origine des indications,
que l ’on tiroit du boeuf sacré pour
l’abondance de l ’Egypte et pour la crue
des eaux, qui commençoit tous les ans
sous ce signe , comme nous l ’avons dit
ailleurs, en parlant de la statue fameuse
d’Eléphantine.
Ü On consultoit aussi Apis sur les évé-
nemens humains et surtout ce qui est
caché sous le voile de l ’avenir. Pline (3)
parle de deux chambres ou logemens
contigus,dans lesquels passoit Apis pour
rendre ses oracles. L’une étoit affectée 1
(1 ) AÉÎian- de animal. ï. 11. c. le .
f i j Diodor. I l.,p.. 96..
O ) Plin. i. 8. c. 46.
PO Soiin. g- 32.
f5LAmïn 1. 22. p. 245.
aux pronostics heureux, et l’autre aux
pronostics sinistres. Là étoient les augures
des peuples , suivant l ’expression
de Pline. Les particuliers, qui alloient
le consulter, jugeoient de ses réponses
par la manière dont il prenoit de leur
main la nourriture, qu’ils lui présen-
toient (4). Il avoit relùsé de rien pren-
dre de la main du fameux Germani-
cus , et ce prince malheureux mourut
quelque temps après. Ainmien Marcellin
(5) atteste la même chose, à l’occasion
des signes qu’Apis donnoit de l’avenir
, lorsqu’il étoit introduit dans oes
espèces de sanctuaires où il rendoit ses
oracles. Il parle sur-tout de la manière,
dont il se détournoit de ceux à qui ses
pronostics n’étoient pas favorables , etil
cite pour exemple Germanicus, dont 11
annonça, la mort prochaine, par le refus
qu’il fit de prendre la nourriture que
ce prince lui présentoit. Solin observ
e , (6) que parmi les indications qu’Apis
donne de l’avenir , celle qui tient
à la manière, dont le boeuf sacré reçoit
la nourriture qu’on lui offre, est des
plus signifiantes et des plus usitées;
mais cette indication n’étoit pas la
seule. Diogène Laerce (7) prétend, que
le .savant Astronome Eudoxe , se trouvant
en Egypte, fut visiter le boeuf
Apis avec . un prêtre d’Héliopolis ; et
que le boeuf sacré lécha le manteau
du philosophe. Les prêtres-en tirèrent
un augure de la célébrité, que ce savant
devoit acquérir un jour. Le commentateur
de Stace ( 8.) parle de certains
gestes ou monvemens du corps , pai lesquels
Apis annonçoit l ’avenir aux Egyptiens.
C’est ainsi- qu’autrefois les oracles
du dieu bélier ou d’Ammon ; se
manifestoient ( g ) par des signes d’ap-
probation ou d’improbation. Car les
oracles ne s’énonçoient point toujours
par des réponses verbales , mais sou-
(6) Solia, c. 32.
(7 ) Diogene Laerce 1. 8, p. 9.
. Lutatiusad Statii Thebiid. 1. 3.^ . 478. . •
(9) Eufthat. in DiorijiY perieget. v-211.
vent par des signes , ou gestes, et par
des marques symboliques , comme on
en peùt jriger par ce que dit Strabon (r)
;de l’oraclè d’Ammon , ou du dieu dont
les formes furent empruntées du bélier
Ides constellations. Telles forent aussi
dès réponses de l’oracle dé Memphis ou
[du dieu aux formes empruntées du
[boeuf, et soumis à l’influènce du Taureau
céleste , comme l’oracle d’Ammon
l’étoit à celle du bélie'r céleste. C’est
le même principe astrologique , qui
régi oit la nature de cès difVérens erra-
fcles dé pend ans des aspects célestes ,
comme il décidoit des formes des images
ou des idoles soumises à l ’influence
[de ces aspects. Car nous devons raisonner
sur les idoles animées ou sur les
'imiges vivantes des astres, çommesurles
[statues inanimées ; et même avec d’au-
ïant plus de raison , que l’être animé
possëdoit une portion du feu éther in-
jtelligentj.qui brille dans les astres, etquir
forme l' me ‘ intelligente de la nature.
Or voici quels étoient les. principes
[adoptés par les adorateurs des astrès et
des images, qui leur étoient consacrées,
pans la religion un iverselle, connue soùs
Ie nom de Sabisme. Si nous en croyons
Maimonide (2)’ , le plus savant des Rab-
fbins , lequel avdit étudié à fond les
[principes du Sabisme, les Sabéétis oit
les peuples livrés au culte des astres
pvoient .élevé aux planètes et aux autres
astres de petites chapelles où
ils avoient consacré des idoles et des
pmages , dans lesquelles ils croyoient
Rue les astres versorent leur influence
pt la faculté' intelligente , qui- les ren-
Poit propres à prédire l’avenir, et à
leur indiquer les choses, qui peuvent
kur être utiles et salutaires/ Leur respect
religieux pour les arbres étoit fon
|e sur ce que tel arbre étoitcbnsacré à tel
Rstre, et qu’il étoit planté sous le nom de
R divinité de cet astre ; et il étoit honof
l ) Strabon. I. 17. p. ego.
m raoretieïoch.c.29. p. 429.
( i ) Ibid. c .6. 3 .gart, u p , j j j . v ’ y
ré de telle ou!telle manière, parce que
les vertus spirituelles de l’astre étoient
censées' descendre dans l'arbre.
Le même auteur nous dit ailleurs, (3) ^
que tous les hommes, à l ’exception d’un,
tiès-petit nombre, ont été livrés au culte
dès imagés et des sta'tues ; et qu’ils
attribuoient des qualités divines et
spirituelles aux chapelles et aux images
qu’ils consàcroient ; et qu’enfm iis se
vantoient d’y recevoir l’irifluence cé--
leste des étoiles , Ou des intelligences
qui y résidoient. Abitlfârage (4)éu dit à-
peu-près autant sur l’origine des images
, des statues et de tous les objets
consacrés aux astres et destinas à attifer
ici bas les émanations célestes, dont
la divination empruntoit toute sa force.
Il ajoute, quèlesChaldéens sur-tout propagèrent
Cet ! art dans .tout l’Occident.
M iis les Chaldéens avoient fondé sur
l ’Astrologie toutesies bases de la science,
qui a pour but de nous dévoiler l ’avenir.
Ce qui s’accorde parfaitement avec
cequenous dit-aussiLuctendela divination
établie [chez les Egyptiens , et des
rapports quelle avoit avec les signes célestes.
Il résulte dé cés principes connus
de la divination , que l’oracle d’Apis
et les signes de l’avenir, qu’il donnoit,
étoient attribués à l'influence que ver-
soit le Taureau céleste sur le taureau sacré
et vivant, qui étoit son idole et son
image à Memphis. C’étoit l’oracle d’A pollon
ou dù Soleil agissant sous la constellation
du'boeuf et communiquant sa
vertu prophélique au boeuf terrestre, qui
reprësentoit le boeuf céleste, dans lequel
il slenveloppoit aux cieux. C’est ainsi
que l’ame d’Osiris passoit dans Apis,
suivant l ’opinion dés Egyptiens rapportée
par Diodotè(5). C’estuinsi que, suivant
Plutarque, (6) le corps des divinités
Egyptiennes étoit sur la terre en
Egypte,et que leurs âmes brilloientdans
les feux sacrés et éternels des astres.
(4) Abuïfar. hifl. des dyn. p. 2.
(5) Diod. 1. 1. p. 76.
^6} Plut, de IJid» p. 359*