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Cht voit clairement ici, que le besoin
de secours.dans la maladie, et-dans
les malheurs, et que la curiosité de pénétrer
1 avenir, besoins auxquels l ‘As-.
tralogie promettait de satisfaire, ont
donne à ces idoles , à ces images symboliques
des astres, vrais Talifmans
pour le peuple, toute la considération
dont ils 'jouissoient en . Egypte , en
Chaldée, et dans tout l ’Orient, où la
religion astrologique régnoit avec lé
plus grand éclat. . ,
La theorie des Talismans étoit fondée
sur les mêmes principes d’analogie
et de ressemblance, entre les substances
célestes et les substances terrestres,
et sur faction des unes sur les
autres, que provoquoit la consécration,
que 1 on faisoit ici .bas de cette espèce
de réceptacle de. la divinité. Synefius
pensoit (.1) que , comme il, y a une certaine
affinité, une certaine sympathie
entre les parties de l ’animal, qui ne
sont point contiguës, de manière que,
quand 1 une est offensée, l ’autre ressent
de la douleur ; il y a de même
de la sympathie entre les parties de
notre monde terrestre et, entre certains
Genies fort elevés. Ainfi lorsqu’on chor-
Jit certaines plantes, certains métaux,
certaines 'pierres, et que l’on joint à
ces matières certaines paroles ,. certaines
figures, on touche ces Génies,
on les intéresse, on les attire, par la
sympathie qu’ils ont avec ces choses.
On doit appliquer ce même préjugé
•religieux aux idoles et aux images
consacrées aux dieux.
Un payen, dans Arnobe (a) , répond
aux frivoles objections, que i ce vain
déclamateur faisoit contre le culte des
idoles 5 et il lui clit, qu’il se trompe
sur la nature, des,hommages qu’on leur
rend. Nous, ne croyons, pas, ajoute
cet homme plus sensé que le chrétien
son adversaire , que l ’or , l ’argent,
( 0 Beaufobr- t. 2. p. 4^.
(2) A mob. contr. gent.
( 3) Minut, Félix, p. 220.
US LES CULTES*
l ’airain, ni les autres matières, dont
on forme les simulacres, soient des
dieux 5 mais nous honorons les dieux
mêmes dans ces simulacres ; parce que
du moment qu’on les leur a dédiés,
ils y viennent habiter.
Leur erreur étoit donc, non pas d®
croire que le simulacre ou l’idole fût
on dieu-, mais que la divinité sanctifiât
son image par sa présence, ert y®,
nant y résider, ou en plaçant une
vertu divine , qu’elle n’âvoit pas avant
la consécration, et qui étoit toute en-
tière.l’effet de cette consécration (3). Ce
préjugé fut d’autant plus aisé à établir
, que l ’opinion sur la divinité ou
sur l’aine universelle répandue clans
toutes les parties de la nature, favo-
rifoit merveilleusement cette illusion
religieuse , qui elle-même n'étolt qu’une
conséquence du dogme astrologique
sur .les influences des astres,, dirigées
vers tous les corps sublunaires , qui
avoient avec" eux quelqu’analogie , et
quelque ressemblance. C’est sur ce fondement,
que s’appuyèrent la magië, et la
theurgie, dans leurs opérations mystérieuses,
’et dans les divers.. sacrifices
(4).
L ’empereur Julien nous a donné l’idée
la plus exacte, que l ’on puisse se
former, du culte des idoles, tel qu’il
fut dans son origine, et dans l’intention
primitive des inventeurs des simulacres.
« Les, statues,des dieux, dit,,ce sa-
» vant empereur (5), les autels qu’on
» leur a élevés, le feu sacré qu’on
»• entretient en leur honneur, et en gé-
» néral tous les symboles de cette espèce,
ont été consacrés; par nos pè-
» res, comme des signes de la pré-
» sence des dieux, non pas afin que
»■ nousyles regardions comme des dieux,
* mais afin .que nous honorions les
» dieux par leur moyen ».
CG Procïpsde magif& sacrificiif.
C5) lul.imp'.firagm, p. 537,...
OU RELIGION UNIVERSEEL É. 297
k En effet, étant nous-mêmes unis au
» corps, nous avons dû rendre aussi
„ un culte corporel aux dieux. Ces
» dieux, incorporels par leur nature,
33 nous ont présenté leurs premiers
3, simulacres dans le second ordre des
» dieux , ou dans ceux qui circulent
3» éternellement sur la voûte céleste.
33 Mais ne pouvant point rendre irn-
33 médiatement de culte corporel à ces
s. premières images de la divinité, qui
33 par leur nature n’ont aucun besoin,
3> nous avons établi un troisième ordre
33 de dieux sur la terre, dans les.statues
33 etles images des dieux, et le cuite, par
33 lequel nous les honorons, sert à nous
33 rendre les' dieux eux-mêmes favora-
33 blés Car de même que ceux qui ré-
33 yèrent et honorent les" statues des
» princes , captent par là leur bien-
33 veillance et leur faveur, quoique
» cet hommage n’ajoute rien au bonis
lieur des princes -t de même le culte,
» que l’on rend aux simulacres des
i3 dieux, qui par leur nature n’ont
» aucun besoin , ne laisse pas de pro-
» curer à celui qui le rend, la fait
veur et la protection de ces mêmes
» dieux ( 1 ),: C’est la marque d’une
» ame vraiement religieuse, de rendre
» avec empressement à la divinité tout
» l’honneur qui dépend de nous......
» Quoique dieu n’ait besoin de rien,
» il ne s’ensuit pas pour cela . que
» l’homme ne doive rien lui offrir. Car
» s’il n’a pas même besoin de l ’hom-
» mage, qu’on lui rend dans les cirants
>* et les hymnes, s’ensuit-il, qu’on doive
» aussi l ’en priver ? Il ne faut donc
* pas lui refuser non plus celui que
» les hommes lui rendent, dans les
» ouvrages de leurs mains, et retran-
» cher un cnlte établi, nonpas.de-
“ puis trois mille ans seulement, mais
'J' de toute antiquité, chez tous les peu-
» pies du monde ».
Le même empereur poursuit et répond
victorieusement aux mauvaises
objections de ceux qui les accusent
d’adorer des pierr es et du bois : « Nous
» ne sommes pas assez aveugles, pour
» regarder, comme des dieux , les ou- ° 1 . _ 7 , » v.rages de nos main5 (-2). Ln jettant
1%les yeux sur les statues des dieux,
» nous ne les envisageons donc point,
» ni comme du bois ou de la pierre
» simplement, ni d’un autre côté com-
» me de véritables dieux. En effet,
» nous ne regardons pas les statues
» des princes , comme de simples mor-
» ceaux de bois , comme de simples
» masses de pierres , ou de bronzé j
» nous ne les regardous pas non plus
» comme nos Rois ou nosPi inces, mais
» bien comme leurs effigies, leursima-
» ges. Quiconque donc aime son prin-
» ce, voit avec plaisir sa ressemblance;
» le père, qui aime son fils, le fils qui
» aime son père, considèrent avec satis-
» faction tout ce qui leur en retrace
» l’image. Par la même raison, celui
» qui aime les dieux contemple avec
» plaisir leur image & leur ressémblan-
» ce , révérant avec une religieuse
» frayeur les dieux invisibles, qui ont
» les yeux fixés alors sur lui.
» Ces statues, formées de la main de
» l’homme , peuvent être détruites ;
», mais celles que les dieux ont for-
» mées, comme des images vivantes de
» leur substance invifible, c’est-à-dire
» ces corps célestes qui roulent sur
» nos têtes, sont des images incorrup-
» tibles et éternelles de ia divinité (3).
Au reste, non seulement les statues
des dieux, mais leurs temples, leurs
autels , leurs prêtres mêmes méritent
nos respects -
On voit par ce passage de ce savant
empereur , que les images consacrées
dans les temples ne furent point honorées
comme de vrais dieux j mais comme
des ressemblances des dieux, acco-
modéesàlafoiblesse de l’homme. Qu’att-
(1) M lmp. fragm. p. £20,
CG Ibid. p. 539.
(3) Ibid. p. S40.