par nue procession aux flambeaux,
durant la célébration des Mystères d’Eleusis
(i). C’étoit aussi à Saïs,que l’on cé-
léhroit les Mystères de la mort d’un
Dieu (2) , qui ressuscitait ensuite et où
l'on donnoit la représentation de ce
qu’il avoit souffert, dans une céréhionie
secrète , qu’on appeloit les Mystères de
la nuit. On y voyoitson tombeau,comme
on voyoit celui d’Osiris dans plusieurs
provinces d’Egypte ( 3 ) , et celui de
Christ dans nos calvaires : et Osiris
mouroit et ressuscitoit, comme Christ.
_ Il est donc fort naturel de
croire avec Diodore de Sicile (4), que
les cérémonies des Mystères étoient les
mêmes à Athènes, qu’en Egypte , d’où
Orphée les avoit apportées en Grèce ,
quel que fût cet Orphée , et que la fable
de Cérès ne différoit de celle d’Isis, que
par les noms. Il est aussi naturel dè
penser, qu’un peuple émigrant emporte
avec lui ses Dieux et son culte , et que
ce n’est qu’avec le temps , que les ressemblances
s’altèrent. Les peuplades
Grecques, sauvages et barbares, se trouvant
mêlées aux hommes civilisés , qui
vinrent d’Egypte.s’établir parmi elles ,
reçurent peu-à-peu leurs dogmes religieux
, et les travestirent en partie, faute
d’être assez instruits pour entendre les
formes savantes,dés Mystères Egyptiens,
qui d’ailleurs étoient cachés à dessein
sous le voile de l’allégorie. De là vint,
qne le sens ne put être parfaitement
connu que d’un petit nombre d’hommes,
et qu’il se perdit aisément, sur-tout par
le secret même qu’on en faisoit. Néanmoins
les Grecs n’oublièrent jamais, que
l’époque de ces institutions remontait
à celle de leur civilisation , et qu’ils leur
étoient redevables des biens les. plus
précieux de la vie sociale , et de l’affranchissement
de la barbarie. Car, la bonne
organisation de la société, dans laquelle
(1) Meursias Plein, c. 15.
(a) Herod. 1. 2, c. 171.
(3) De Iside, p. 36/,.
(4) Diod. !.. 1 , §. 96.
on vit, est un bien au moins aussi grand
que l’heureuse température du climat sous
lequel on habite et de l’air que l’on respire;
l’une entretient la santé, et l’autre le bonheur
; les désordres et les orages de l’un
et de l’autre enfantent tous nos maux.
Les noms d’Erechtée , d’Orphée , de
Mélampus , de Musée , d’Eumolpe ,
de Danaiis et de ses filles , et en général
de tous, ceux qui passoient pour
avoir contribué à régler les loix civiles
et religieuses , furent toujours chers
aux Athéniens ; et on confondit souvent
, dans le souvenir et la reeonnois-
sance pour les Auteurs de cés Mystères,
le nom des Dieux et Déesses,en honneur
de qui ils étoient établis. Ainsi les Egyptiens
faisoient honneur à Osiris d’avoir
inventé le labourage (5) , -d’avoir fait
connoître aux hommes le blé ; de leur
avoir donné des loix , établi les cérémonies
religieuses , et de les avoir par-
là civilisés et retirés de l’état de barbarie
où iis étoient primitivement. Ils en disoient
autant d’Isis ; ils lui faisoient souvent
honneur de mêmes établissemens ,
et lui attribuoient les mêmes bienfaits.
Les Grecs pensoient également, que
c’étoit Cérès qui les avoit retirés de la
vie sauvage et grossière qu’ils menoient,
avant que son culte fût établi parmi eux ,
et qu;e c’étoit elle qui en avoit fait véritablement
des hommes (6).
Ils fixent au règne d’Erechtée, ou à
l’an 1420 avant- l’ere Chrétienne , l’établissement
des Mystères d’Eleusis.
Plusieurs pensent (7) , que Cérès arriva
dans l’Attique sous le règne de ce Prince,
-et qu’elle institua les cérémonies .-religieuses
d’Eleusis, connues sous le nom
de Mystères.
D’autres,que ce fut Erechtée lui-même ,
qui les établit, d’après le modèle qu’il
en avoit vu en Egypte, dont il copia les
loix religieuses. Suivant Diodore de Si-
(5) De Iside, p. 356.
1 (6) Isocrat. in Panegyr. Arlstid. Eleu.
(7) Diod. Sic. 1. 1,
cile , ce Prince étoit né en Egypte , d’où
il passa dans l’Attique avec .une quantité
considérable de grains , dans un
texnps où cette partie de la Grèce éprou-
voit une affreuse disette , occasionnée
par une grande sécheresse. Un service
aussi important lui fit déférer la couronne
par les Athéniens. Erechtée,
devenu Roi, leur fit un présent encore
plusiinportant, en établissant parmi eux
les Mystères de Cérès ou de l’Isis Egyptienne
, qui avoient tant contribué à la
félicité de sa patrie , et qui avoient une
influence si grande sur les moeurs et les 1 Ainsi le bienfait des Mystères,dans
celte tradition, se trouve encore lié à
celui de l'agriculture et des fruits dn
labourage. Mais c’est toujours à l’Egypte
qu’on en fait honneur. Erechtée
étoit Egyptien , au moins dans la tradition
que nous venons de rapporter, et
Cérès elle-même n’étoit que l’Isis Egyptienne
, dans l’opinion d’Hérodote et
des autres Auteurs. Au reste , nous
qui ne croyons ni à Cérès , ni à Erechtée.
, comme personnages réels , nous
ne nous occuperons guères de fixer la
date de cette institution (c) ; nous conclurons
seulement, qu’elle paroît venir
du pays d’où l’on faisoit partir Erechtée,
pour aborder dans l ’Attique , et où Cérès
était depuis long-temps adorée, sous
le nom d’Isis. Or, ce pays est l’Egypte,
la mère patrie de toutes les religions.
Cette origine se trouve encore confirmée
par d’autres traditions,telles que celle qui
fa-t Orphée l ’auteur de cette institution
cirez les Grecs. Théodoret (1),s’appuyant
des témoignages de Démosthène , de
Diodore de Sicile et de Plutarque , prétend
qu’Orphée, né en Thrace, fut en
Egypte, et apporta de-là dans la Grèce ,
les fêtes Dionysiaques, les Panathénées,
|î|s Thesmophories, et les Mystères d'E-
lei sis ; qu’il copia ces derniers sur les
Mysières d’Isis , et les premières, ou les
Dionysiaques, sur les Mystères d’Osiris,
fi) Theod..Therapeut. 1.
(>) Diod. I, 1, p. 60; et h 4 , p. té î.
7
qui me paroissent êtreincontestablement
une copie les uns des autres. Effectivement
Diodore de Sicile (2) dit, qu’Orphée
, étant allé en Egypte , y apprit
beaucoup de choses, et sur-tout la Théologie
et la science des initiations , de
même que la poésie et la musique, et
qu’il se distingua , plus qu’aucun autre
Grec ; par ces sortes de connoissances ;
quiil en apporta la plûpart des Initiations
mystiques , les Orgies et les Fables
sacrées sur les enfers, qui, comme nous
le .verrons, faisoient partie des leçons
que l’on donnoit à Eleusis.
Il est aussi certain , que les Thesmophories
(3) , ou les Mystères célébrés en
honneur de Cérès législatrice par les
filles et les femmes Athéniennes , ve-
noient d’Egypte, et en avoient été apportées
, suivant Hérodote , par les hiles
de Danaüs. Plutarque lui-même convient,
que ces fêtes se célébroient en Grèce,
dans le même temps que l’on célébroit
en Egypte des fêtes semblables à l’occasion
de la mort d'Osiris (4) , qui ve-
noit d’être ravi à Isis , comme Proserpine
l’avoit été à Cérès. Tout nous reporte
donc vers l’Egypte (ci).
On retrouve également dans le Sacerdoce
, dans les pratiques et le cérémonial
de ces Mystères, beaucoup de choses,
qui décèlent une origine Egyptienne.
L ’hérédité dans les fonctions sacerdotales
étoit certainement une coutume
Egyptienne. La première Caste de l ’E-
ypte étoit composée des familles sacer-
otales , qui, à l’exclusion de toutes les
autres , s’occupoient des fonctions du
culte. Pour inspirer plus de respect pour
les Ministres de la religion , les Egyptiens
consacrèrent certaines familles par
une inauguration particulière , et c’étoit
à elles seules, que les Dieux sembloient
avoir confié le soin de leurs autels.Lelégislateur
des Juifs imita cet usage , en consacrant
la Tribu de Lévi au ministère
sacré. Par la même raison, le Législa-
(3) Herod. 1. », c. 17».
U) De Iside, p. 37S. m