noir ; elle tenoit un Dauphin d’une main,
•et une colombe de l ’autre. Le Dauphin
peut désigner la mer où se couche
Cérès ; la Colombe, l’oiseau de Vénus ,
qui a son exaltation aux Poissons , oùi
est supposé le Soleil, lorsque la Vierge
se trouve à l’occident le matin , après*
avoir été toute la nuit sur l’Horizon;,
c’est cette dernière circonstance , qui,
lui fait prendre le vêtement noir, et le
surnom de Cérès Noire. C’est par le
même principe , et d’après cet aspect
de Cérès , ou de la Vierge., qui. en
descendant au sein des flots, fait lever
le Pégase, ou le Cheval céleste, .qui, disoit
on , devoit son existence à Neptune,
qu’on expliquera comment Cérès , s’unissant
à Neptune,' étoit devenue mère
d’un Cheval, nommé Arion , corruption
ou contraction d’Aerion (1) , nom
du Pégase , mm kepioç, Aefius Eguus ,
dit Stoffler, ( L. 14). Ce qui confirme
notre explication , ce sont les variantes
mêmes des traditions (r) ; car d’autres
mettaient cette aventure , sur le compte
de Thémis. Or Thémis est la Vierge
céleste ; c’est même un de ses noms
les plus connus. Ce qui semble être une
différence , devient donc une identité ,
et une confirmation de notre explication.
C’est pour cela , que Cérès a
passé pour avoir donné des lois , parce
qu’elle est appelée Thémis , Jusii-
tia et justa (2) ,- ce qui vient , de ce
qn’antrefois on l ’unissoit à la Balance,
que l’on peignoit suspendue à sa main.
De là les Thesmophories , ou fêtes de
Cérès , dans lesquelles on portait le
livre des lois. Voilà pourquoi la Vierge,
soit Isis , soit Cérès , fut censée avoir
donné des lois aux mortels ; et pourquoi
les idées et les symboles de la
justice se mêlèrent à ses mystères. Ainsi
nous avons vu le quatrième personnage
de la procession d’Isis porter'la main
de justice.
( 1) Ibid. p. îJ7.
(») -Hygin. 1- *1 ,.c. s.6. Gsrm. Cas, c. 8. (3)-Pans. Arsad. 256— 157.
. Cette Cérès métamorphosée en Cavale,
, grosse du fait de Neptune qui
prit la même figure, se lava, dit-on, daps
les eaux du Ladon (3) , et devint mèra
dé deux enfans, dont l’un étoit un Cheval
Quant à l’autre, il n’est pas permis
de le nommer à ceux qui ne sont pas
initiés, dit Pausanias. Elle étoit représentée
comme une furie (s)., sous le nom
d’Erj'/mis, ayant-dans une main un flambeau,
et dans l’autre, la Ciste sacrée. Les
attributs du Serpent ou de l’Hydre , qui
l ’accompagne par-tout dans les Cieux ,
et qui tantôt tresse sa chevelure, comme
on le voit par la Cérès des Phigaliens, et
tantôt lui sert d’attelage, ce qu,i arriva
plaa. ordinairement , l'ont fait prendre
pour Erynnis. , Les habitans de Lente,
qui, sans doute, a voient grande vénération
pour le Serpent de Gérés , ou pour
l’Hydre céleste , honoraient d’un culte
particulier cette Déesse (4)- On donnoit
à ses mystères le nom de Lernéens.
On y honoroit conjointement avec Cérès,
Bacchus , et Prosèrpine , comme il pa-
roîtparune inscription ancienne. On attribuent
leur institution à un certain Phi-
lammon , ou ami d’Ammon ; c’était
près de Lerne, disoit-on, que Pluton étoit
descendu, après ayoir enlevé Proserpine.
On saura que la queue de l’Hydre de
Lerne se termine au premier Décan de
la Balance 3 que; su .dernière Etoile se
trouve au bord Oriental , en même
temps que la Couronne, notre Proserpine,
avec le huitième degré ApLibra,
où Firaiicus nous dit , qu’on pla-
çoit le u Styx ( t) . Ceci rend raison
de la fiction des habitans de Lerne
(5), On montre en ce. lieu un bosquet
de platanes, où coule la fontaine
d’Amymone. Près de la fontaine est
un Platane , au pied duquel la tradition
porte , que fut nourrie F Hydre de
Lerne , fameuse dans la fable d’PIer-
cule , et conséquemment ;,çelle qui est
(4) Faus. Coriath. p. 79. Meurs. Græc. Fer. !•
5 . P- '9+- (5) Pansan. p, 80.
placée
placée sous la Vierge céleste, notre Cérès
, puisque ,. suivant Tlréon (1) , c’est
la même, qui est dans cette constellation.
C’étoit près de cette fontaine, dans
ce bois j qu’était la statue de Cérès.
Elle avoit donc dans ce lieu les mêmes
rapports de voisinage avec l’Hydre ,'
qu’elle a dans les Cieux ; et l’Hydre
elle-même , placée au pied d’un arbre,
ressembloit à celle des constellations ,
qui montoien t avec cette partie du Ciel.Le
Planisphère Egyptien de Kirker (2) y
peint un arbre : et dans la description
des Paranatellons , que nous donne lé
même Kirker en cet endroit, on lit-,•
ibi asçendit Aspis magna, lbi Astro-
logi Indorum ponunt arborepi magnam.
Il est assez vraisemblable , que les
anciens , dont le. génie imitatif se
porta sur la nature , dans la construction
de leurs temples , et des antres
sacrés ,' auront aussi imité à Lerne
les distributions du Ciel , et placé le
berceau de l ’Hydre, près d’iur arbre ,
pour imiter la figure céleste. On y
voit aussi la figure de Bacchus , sans
doute du Bacchus, dont Cérès étoit la
mère (u). Il avoit plus loin une autre
statue ; on l’honoroit, sous le nom de
Sauveur , ou. Saôtes. On y montrait
aussi le lieu, par où ce Dieu étoit descendu
aux Enfers , pour en retirer sa
mère Sémélé , avant de placer dans les
Cieux la couronne Boréale, appelée
couronne d’Ariadne. Chaque année
on y célébrait une fête nocturne, en
honneùr de Bacchus, et Pausanias (3) ne
croit pas devoir révéler ce qui s’y pas-
soit. Cette fête nocturne , célébrée dans
un marais , pourrait bien ressembler à
celle que l’on célébrait, dans le temple
d’Isis à Saïs, près du lac, et où se pas-
soient aussi des choses , sur lesquelles
Hérodote tire le voile , comme nous
l’avons dit plus haut.
Les rapports astronomiques que nous
Venons d’établir, entre le culte et les
f i) Theon, p. 150.
(a) CEdip. t. 1 , part, a , p. ao i.
Rel. Unit. Tome I I .
emblèmes mystérieux de Cérès , et les
figures du Ciel, se confirment encore
par d’autres réflexions. Comment se
peut-il , que des mystères | que nous
avons déjà fait voir, par plus d’une
preuve, se rapporter àla marche de l ’ame
dans le monde , et à la circulation du
Soleil, de la Lune et des autres astres,
ayent réuni tant d’emblèmes relatifs à
l ’Agriculture ? La raison s’en devine
aisément, quand on voit, que ces hommages
s’adressoient à la constellation
de l’Epi, ou de la femme porte-épi ,
qui est peinte dans le Zodiaque , et qui
représentoit la Lune , qui féconde les
moissons avec le Soleil. Sesrapportsavec
l’Agriculture sont établis dans un traité
particulier , que nous allons faire bientôt
suivre,sur l’origine des constellations;
mais indépendamment de cela, il est certain
, que la constellation portant des
attributs caractéristiques de l’Agriculture,
il devoit résulter nécessairement,
que les statues , qui représentaient ce
signe céleste , en eussent aussi , et que
ces emblèmes, qui n’étoient qu’acces-
soires , se mêlassent à d’autres plus essentiels.
En un mot, comme on crut
devoir peindre les Serpens , qui accompagnent
la Déesse dans le Ciel, on
fit aussi allusion aux moissons, qu’elle
désigne par son épi. Comme on la fit
présider à la justice , à. cause de sa Balance,
on la fit présider aux moissons ,
et au labourage, par allusion à son épi.
C’est encore par la même raison, qu’étant
toujours accompagnée du Vaisseau,
on la fit présider à la navigation, sous
le nom d’Isis.
Il nous reste maintenant à donner
les raisons du rôle important, que
cette constellation joue dans les religions
anciennes, et la cause des différentes
fables faites sur elle, sous différentes
dénominations. Car il n’est point
de signe, observe Théon , sur qui on ait
eu des traditions si variées, et si ab-
(|) Pman. p. 85 ; Hygin;
Gg*