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mais il s'embellit par les charmes des
formes admirables qu’il reçoit, et (lui
séduisent, au premier aspect, celui qui le
voit. D’un autre côté,il n’offre qu’obscuri-
té et ténèbres è la réflexion de celui qui
considère la matière, qui en est la base ;
en sorte, que la couche extérieure , qui
s’oHVij la première à nos regards , est
séduisante et agréable ; limais la subs-
tance intérieure , qui forme l’épaisseur
profonde de s,es couches:, est entièrement
ténébreuse.
Ç.’efet d'après cette idée philosophique
sur la nature du monde, que les Perses,
pour représenter aux Initiés (/a) ,, d’une
manière mystérieuse , la descente dès
tunes ici bas , i1 et leur retour vers les
cieux ’continue toujours fo'rpiiyre ,
donnpnt le nom d’antre au sanctuaire
obscur , oùik‘ intrôdüiàerit l’Iéitiél Éo-
roàstre fht le premier, suivant Lufude ,
qui consacra unf de ‘ces antres mystérieux1,
dans les inôrttagnès voisines dé la
Perse. La nature s,éml)îbït avoir préparé
Ce lieu j.’p'àr ,lé£ Charinés dont 'elle tévoit
émbelli. On y voyoit couler différentes
sources, au milieu de là, verdure émaillée
dé fleùrS. Il le consacra çn hqnneiir de
Mfihva 1 père é f modérateur de l’inii-
Vérs qu'il organisé é'tcidnt î’ahtré
étoit une imagé représerttatiÿè (.cj.Dariy
l’intérieur de’ rantre'' ‘etoiënf disposes ,
dans .un ordrè-"régulier,', et .daqs fies
intervalles Symétriques^,! çifférfehs emblèmes.
relatifs,kux,,'constelîaÉîons et' | ja
division des'éfimats. Depuis, Zoroa'strp ,
l ’usage s’établit . dans!béaùcôup diauirès
endroits, de céfëty èr les rnyptëçes,éif de
faire les, cérémonies dp 1,’initiationï dans
des cavernes' et dès antres drèusqs', soi t
par la nature , soit‘,paf la uiain. des
hommes' Çoihme.;lès temples et "lès
autres édihces rengieux.j ëtleâ,!autels j
furent consacres- aux Dieux du ciel ;
les fosses et les souterrains! aux Dieux
des enfers, ; de même. Ips cavernes et
(i) Porphyr. ibid. p. i rb.
(z) Cicev. Som, Sera. c. 3. ,
M V E R S E L I, E. ,
les antres furent consacrés au monde
et aux Nymphes , à cause des eaux qui,y
distillent , et auxquelles .les Nymphes
président. Nous verrons bientôt, que
par Nymphes on entendit aussi les
âmes humaines, qui descendent dans ce
monde , pour être liées à la matière par
la génération, tv
Cette comparaison du monde avec un
entre ôbsbniV,. dans lequel les âmes
descendent, n’est pris une imagination
de Pprphyre , ni une supposition gratuite
de sa- part. Platon , dans, son
septîêmélivre de la République , comme
- l’observe très-bien Porphyre (1) , s’eu
'est servi. 11 représente l'homme ici
bas, comme dans une caverne profonde,
et un antre obscur, qui a une large entrée
dû côté de la lumière. Il reprend
plus loin sa! comparaison et ,jl compare
cette, habhatiqiy, piprtçlle à une
]iri.vm-, et la lumière dit feu, qu’on y
kllumè pà celle'; dûlSolèilqui éclaire ce
inonde. , r ne I -1 :-.i; i n ■ . , ..
"Cicélron, dans le songe de Scipion (2)3
compare lé corps, que l ’arne habite, à mi»
prison. Virgiiè, dans son sixième livre ,
(b) se sert do ia même ©otriparaisbn.
Ên:gdnqral f|tàus beux qui ont parlé ,
soit du inonde , soit du corps relata ve-
mémsejà ifàmtejfqyti'descehé du'ciel pont
y haiâtei; , ne l ’ont jamais peint autrement
:pf) ,s que comme un antre obscur
et eoipifie tmè prifcenÛ:eé qui justifié les
explications que nous don ne Porphyre
de i ’antr'é sacré , destiné à représenter
le inondé , dans lequel -descendent no*
àiiifèsy'Hén’ÿ a rieii en bêla, qûbSâte «bit
absolument conformé au- génie mystique
et pllégorique des anciens observateurs
de la nature du mondes et de celle de
l ’ame-, çt aux -principe* de la Théologie
ancienne.
Ernpédocle, faisant parler les Dénies,
qui conduisent ici bas lés âmes, leur
(5) Virg. 1. 6, V." 734.
(4) Hierosl. xurea Cupt, >ir, 70,5
R E L I G I O N U N I V E R S E L L E.
fait dire (1) : nous sommes descendus
dans cet antre souterrain.
C’est par une suite de cette imitation ,
(2) que les plus anciens peuples, avant
même de construire des temples , consacrèrent
des antres et des cavernes aux
Dieux (a). Les Curètes en a voient consacré
en Crète à Jupiter ; on en avoit
aussi consacré à là Lune et à Pan , en
Arcadie ; à Bacchug à Naxe ; et partout
oà le culte de Mitlira fut reçu , ce
fut dans des antres, qu’on célébra les
mystères de ce Dieu (3 ). L ’antre d’Ithaque
, dont Homère a donné la description
, étoit aussi un de ces antres
mystiques , qui représentoient l ’ordre du
monde, et les voyages des âmes qui ,
sous le nom de Nymphes, y viennent habiter
(4).'On voyoit dans cet antre deux
ouvertures ou portés , dont l’une , tournée
vers le nord , servoit de passage
aux mortels ; et l'autre, tournée vers le
lùidi, leur étoit fermée , et ne servoit
qu’aux immortels. Porphyre nous donne
Je sens mystique tierces portes , , d’après
les principes de la Théologie ancienne,
et d’après Tes explications de Numënius
et de;Cronius (5).; .
Ces Philosophes disoient, qu’il y a
dans le Ciel deux limites , l’une vers le
Midi, l’autre vers le Nord , lesquelles
fixent Tes plus grands écarts du Soleil,
par les deux: Tropiques d’hiver et
d’été.
Le signe du Capricorne et celui du
Cancer occupoient ces deux points, l’un
au Midi, l’autre au Nord; l’un pour l’hiver
, l’autre pour l’été. On y voyoit la
série des domiciles, telle que nous l’avons
rapportée ailleurs (6). 1
La Lune et -lç Capricorne furent regardés
par lès Théologiens , comme
deux portes (p) , appelées par Platon
deux ouvertures. Parl’une de ces portes,
parcelle duOancer, les âmes, àce qu’on
prétend, descendent vers la terre ; et par
( i) Porphyr. de antro Ny.-lipi;. p, ,09.
(.2) Tbid. p. 120.
tm Ibid. p. 104 et 105 , p. l i t ,
(4) Odyss. 1. 13,
2G.Ï
l ’autre, ou par le Capricorne , elles remontent
vers les cieux. Le Cancer, situé
dans la région boréale du monde, et la
plus voisine de nous , paroît en effet
plus propre à la descente ; le Capricorne ,
situé vers la région australe , est plus
favorable à leur ascension. Or les parties
boréales sont affectées principalement
aux âmes , qui descendent dans
la génération ; c’est donc avec raison ,
que les portes de l’antre d’,Ithaque, qui
regardent ïe Nord, semblent s’ouvrir ,
pour la descente des âmes ; et la porte
australe est affectée non aux Dieux, mais
à ceux qui remontentVers les Dieux. C’est
pour cela qu’Homère l’appelle la porte ,
non pas des Dieux, mais des immortels
dénomination , qui leur est commune
avec les. âmes, lesquelles parleur essence
sont immortelles. Parménide, dans son
livre de la nature , parloit de ces deux
portes ; etles Romains , dans leur fêtas
Saturnales, ainsique les Egyptiens, dans
le commencement de leur année, sem-
•hleat avoir conservé des vestiges de
cette opinion. La liberté des Saturnales
(rirot!: indiquer celle des âmes , qui, affranchies
du joug de la matière , rentrent
dans la véritable vie et remontent
aux sources de la génération. Les Egyptiens;
commençant leur année au .Cancer,
donnoient au temps le même .commencement
, que celui de la génération ,
qui amène l'âme dans le monde.
Je ne prétends point adopter en tout
ces dernières explications dé Porphyre ,
qui me semblent au moins douteuses ,
et son opinion est d’autant plus suspecte ,
qu’il ajoute qu’on ne donnoit point de
portes à l’Orient, ni à; l’Occident , ni
aux Equinoxes. Cependant nous savons ,
par Isidore de Séville (7), que les ancien s
donnqielit deux portes au Soleil, savoir,
l’Orient et l’Occident. Par l’une ilmon-
toit, par l’autre il descendoit.
Quant aux limites équinoxiales, nous
( ;) Porphyr! ibid. p'. ia i .
(6) Çi-dess. t. 1 , 1. 2 , c. 3 , p. 177.
(7) Isjd> Oiïgin! 1 3, « 5.