
 
		T o u s   ces  mystères,  qui  ne  nous  présentent, 
   dit Clément  d’Alexandrie (i),  
 que  des  meurtres  et  des  tombeaux ;  
 toutes ces tragédie» religieuses,  avoient  
 à-peu-près  un  fond  commun,  différemment  
 brodé,  et  ce  fond  était  la  
 mort et la résurrection fictive du Soleil,  
 anre  du  monde,  principe  de  vie  et  de  
 ntouvement  dans le monde sublunaire,  
 et  source  de  nos  intelligences  ,  qui  
 n’étoient  qu’une  portion  de la  lumière  
 éternelle,  qui brille  dans cet Astre, son  
 principal  foyer.  Il  devoit  jouer  dans  
 les  mystères le rôle  le  plus  important,  
 puisqu’il  en  joue  un  si  grand  dans  le  
 m onde,  et  que  dans  les  mystères  on  
 avoit  eu pour  objet de  mettre  en spectacle  
 le monde,  ses principale» parties,  
 et  le  jéu  des  causes  naturelles,  dans  
 le rapport essentiel qu’elles avoient avec  
 les âmes q ui,  par la génération,  étoient  
 descendues dans le monde.  C’étoit dans  
 le Soleil que les âmes s’épuroient ; c’étoit  
 dans  lui  qu’elles  passoient  ,  suivant  
 Manès ,  et  plusieurs  philosophes ;  il  
 était  une  des  portes  de  l’am e,  celle  
 par  laquelle  les  Théologiens,  dit Porphyre  
 (2 ),  les  faisoient  remonter vers  
 le  séjour  de  la  lumière  et  du  bien.  
 Aussi dans les mystères d’Eleusis, c’étoit  
 le  Soleil ,  dont  On  oftroit  l’image mystique  
 , sous  la  forme  du  Dadouque, le  
 premier personnage après l’Hiérophante,  
 qui  figuroit  le  grand  Demïonrgos  de  
 1 Univers.  Ce Ministre,  ou  Dadouque,  
 placé  dans  l’intérieur  du  Tem ple,  y  
 m troduisoit  les Initiés. 
 Les  vicissitudes, qu’éprouvùit le Père  
 dè là  Lumière, tenoient non seulement  
 au  spectacle  des  grands  phénomènes  
 de  l’Univers,  mais  sur-tout  encore  au  
 destin des  âmes,  q u i, étant  de  même  
 substance  que  lui,  épr envoie ut Iè  sort  
 de-  leur  Père.  C’est  ce  qui  paroît  par  
 1 Empereur  Julien,  et  par  S'alluste  le  
 philosophe.. Elles s’affllgeoxent:, quandil  
 sonffroit ; elles  se réjouissoîent,  quand  
 il triomphait de la farce ténébreuse, qui 
 (1)  Cfem.  Alex;  Protrep.  p.  1Z. 
 Perphyr.  de antre Nyir.yh. p.  12J. 
 mettoit  obstacle  à  son  empiré ,  et  att  
 bonheur  des  âm es,  qui  n ’avoient  rien  
 tant  à redouter que les Ténèbres. Aussi  
 nous  voyons  dans Plutarque  les âmes,  
 qui  étoient  en  dépôt  dans  la  L une,  
 souffrir  et  demander  aux  Dieux  leur  
 délivrance  des  maux  qu’elles  éprou-  
 voient,  durant  le  peu  de  temps  que  
 la Lune met  à passer la tranche d’ombre  
 du  cône  projeté  par  la  terre ,  et  qui  
 produit  l’éclipse  de  Lune.  Ces  idées  
 faisoient  partie  de  la  Théologie ,  que  
 Plutarque  appelle  Théologie  Barbare  
 ( 3) ,  qui ressemble beaucoup à la Théologie  
 orientale , qu’adopta  Manès , sur  
 le  destin  des  âmes. On recueilloit  dans  
 les  mystères  le  fruit des  souffrances du  
 D ieu,  Père de  la Lumière et des âmes,  
 mis à mort  par  le  Chef des  Ténèbres,  
 et  ensuite  ressuscité ,  comme  nous  le  
 voyons  par  la formule, que prononçoit  
 le  Grand-Prêtre de  Mithra ;  S a   mort  a  
 f a i t   votre  salut.  C’étoit là  le  grand secret  
 de cette tra gédie religieuse, et le fruit  
 qu’on  en  attendoit, savoir  la  résurrection  
 d’un D ieu, lequel en reprenant son  
 empire  sur les Ténèbres associoit  à  son  
 triomphe les âmes qui,  par leur pureté,  
 étoient dignes de partager sa gloire ,  et  
 n ’opposoient  aucun  obstacle  à la  force  
 divine ,  qui les attiroit vers lui,  au moment  
 o ù ,  porté  sur  1*  dos  d'A r ie s ,  il  
 divisoitla matière et préparoitle dégagement  
 Poudre pso uâvmoeisr,. suivre cette théorie, sur  
 les  rapports  des  âmes avec  la  lumière  
 du  Soleil,  et  sur leur  retour  vers  leur  
 principe,  il est nécessaire  de reprendre  
 la description de l’Univers,  dontf’QËuf  
 Orphique nous a offert déjàles premières  
 divisions.  Non-seulement  on  enseigna  
 dans  les  mystères  l’unité  du  monde ,  
 dont l’oeuf  était l’emblêine  la  division  
 des causes enactive et passive , et ensuite  
 celle  des  principes  en  Lumière  et Ténèbres  
 ,  qui  se  combattaient  dans  le  
 monde;  leurs  chocs,  leurs  défaites, et  
 leurs  victoires  successives,  dont  les 
 (3)  Plut,  de  Fade  in  orbe  Limæ,  p. 
 effets variés influoient sur les âmes soumises  
 à  la génération : mais  encore  on  
 exposa  aux  yeux  de  l’Initié  le  spectacle  
 des  principaux ageus  de  la  cause  
 universelle,  et  de  la  distribution  du  
 monde,  dans  le  détail  de  ses  parties  
 arrangées  dans l’ordre le  plus régulier.  
 C efutl’Univèrs lui-même , qui offrit aux  
 mortels le modèle du premier Temple ,  
 qui fut élevé à la D ivinité, comme nous  
 l ’avons fait voir plus au long,dans notre  
 Chapitre  troisième du Livre  premier. 
 La distribution du  temple  des Juifs,  
 et les ornemens symboliques, qui en for-  
 moient  la  principale  décoration,  ainsi  
 que  la  parure  du  grand  P rêtre, to u t,  
 suivant Clément d ’Alexandrie, Josephe  
 emt oPndheil ofni) .,  étoit  relatif  à  l’ordre  du  
 Les  adorateurs du Soleil, sous le nom  
 de  Bacchus  Sabazius,  en Thrace ,  où  
 les  mystères  de  ce  Dieu  prirent nais-  
 san ce , au moins  d’où  ils  passèrent  en  
 Grèce, avaient, suivantMacrobe, élevé  
 à  ce  Dieu  sur  le  Mont  Zelmisso  ( 2 )  
 un temple ,  dont la forme ronde  représentait  
 celle  du  monde  et de l’astre  lumineux  
 , qui  éclairoit le  temple  par  le  
 sommet.  Une  ouverture  circulaire  introduisait  
 son image dans  la  voûte  du  
 sanctuaire  ,  où  il  paroissoit  briller  ,  
 comme  au sommet  des  cieux  ,  et, par  
 son apparition, dissiper les ténèbres intérieures  
 du tem ple, symbole  représentatif  
 du monde. C’était, sans doute, dans  
 ce  sanctuaire  qu’on  donnoit  le  spectacle  
 de  la  passion  ,  de  la  mort  et  de  
 la résurrection de Bacchus, dontl’image  
 enfantine  avoit  été  exposée  aux  yeux  
 des Initiés, à l’époque du vingt-cinq décembre  
 ,  comme  l’assure  Macrobe  au  
 même endroit, en  parlant du  culte que  
 recevoit ce même  Dieu en Italie , et en  
 sGérisè ceet,  sdo’uHse lbeso nn o(m3)s. de Bacapée, de Bri-  
 Xenoclès avoit  fait pareillement pratiquer  
 une  fenêtre (4 ),  au  sommet  du 
 ((11))   MCia-dcreosbs..  St.a tJur, nIa. Lr 1,.  1c ; 3c .,  1p8. , 5p8. .axs. (3)  Ibid. c. 1$,  p.  zqÿ. (t)  Plut.  vit.  Pericl. 
 temple  d’Eleusis, que sa grandeur et sa  
 magnificence firent  mettre  au  nombre  
 des,principaux ornemens de la Grèce (5).  On lui donna le nom de sanctuaire mystique  
 , sans doute à  cause  des  tableaux  
 mystiques,  qu’il offroit  de toutes  parts.  
 La comparaison que Dion  en fait avec  
 l’Univers, et avec les tableaux imposans 
 u’il  présente  ,  semble  n ’indiquer  dè 
 ifférence,  que  pour  la  grandeur  des  
 deux  ouvrages ,  dont  l’un  est  rétréci  
 et infiniment petit relativement à l’autre.  
 Car il  suppose, que l’un  offre des  spectacles  
 admirables  ,  et  l’autre  des spectacles  
 mystérieux.  Au  reste  ,  si  nous  
 n ’avons  point de  détail  particulier  sur  
 ces tableaux mystiques d’Eleusis, mis en  
 parallèle  avec ceux  de  l’Univers , nous  
 savons au moins, que dans le sanctuaire  
 d’Eleusis,  comme  dans  l'Univers  ,  les  
 grands flambeaux de la nature y  étoient  
 nmèytessli ,q ulee mSoelnetirle, plraé sLeunntées  e; qt uMe terorcisu rPel ay  
 jouoient un rôle important,  et que leurs  
 emblèmes  y  étoient  mis  en  spectacle.  
 Peut-être  en fut-il  de  même  des  autres  
 pcoasrp. s lumineux , dont on ne nous parlé  
 Il est certain, que Vénus ou Hespérus  
 jouoit aussi un rôle dans cet opéra. Ge fut  
 Hespérus, qui seul put persuader à Cérès  
 d’étancher  sa  soif  (6).  Il  devoit  donc  
 jouer un rôle  dans la représentation des  
 aventures  de la  Déesse.  Parmi les  mo-  
 numens,  qui  nous restent  du  culte  de  
 Gérés  et de  Proserptne, oft  voit  le  char  
 de  la  Déesse porté  sur née  bande,  où  
 sont les  douze signes  du Zodiaque  ;  ce  
 qui  prouve  bien  que  les  ‘peinturés  et  
 les emblèmes, qu’on y étaloit, étaient là  
 plûpart  relatifs au Ciel et  à  l’ordre  du  
 monde :  au moins il suffît'de ceux ciù’on  
 nous explique, pour- juger  qu’il  devoit  
 y en avoir d’autres,  qui représentassent  
 d ’autres agensde lanatare. Ëusèbe,dahs  
 saPréparation  Evangélique (7"!  , narlant  
 des  principaux  ministres  d ’Eleusis  , 
 (5) 'Stritfe©  1.  r).  Dîort-Chrvtot;  .2  Arc-  
 toph. in  Nubib. 
 (6)  Caîlimach.  in  Cer. v.  8. 
 (7)  Euseb.  Præp.  Ev.  1.  3.