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dans les derniers temps, ce culte religieux
( i ), honorèrent , par leurs larmes
, le tombeau du jeune Atys , et
par leurs sacrifices et leurs offrandes ,
les autels de Cybèle. Midas éleva, dans
la suite , à Pessinunte un superbe
temple à cette Déesse., où elle fut honorée
par le culte le plus pompeux et
le plus brillant, qui puisse être rendu à la
Divinité.
C’étoit dans cette ville de Pessinunte,
que se célébroient les Orgies ou mystères
de cette Déesse, sur les bords du
fleuve Gallus , qui donna même son
nom aux Pi êtres de Cybèle, nommés
Galles ou GalLi (a).
Le récit de Diodore de Sicile, que nous
venons de rapporter , nous peint Cybèle
avec presque tous les traits , sous lesquels
le même historien a représenté cette
Déesse , dans la Théogonie des Atlantes
, qui l’ont aussi honorée , et qui en
ont fait la mère du Soleil et de la Lune.
Arnobe (3) enfaitune Reine, laquelle,
dans sa vieillesse , devint amoureuse
d’un jeune Berger , qui gardoit les trou
peaux , et qui, malgré la disproportion
des rangs , dédaigna la Princesse.
Midas , Roi de Phrygie , lui destina sa
fille ; e t , comme il appréhendoit la jalousie
de la vieille Princesse amoureuse ,
il lit fermer les portes de la ville, le jour
de la célébration du mariage. Mais
Cybèle , avertie de ce qui se passoit,
arriva à Pessinunte ", comme une furieuse
; et ayant forcé les portes , elle
entra dans la ville avec sa troupe , et
y fit un grand carnage. Atys se cacha ;
mais elle je découvrit derrière un pin ,
dont il s'était couvert, et le punit de ses
mépris , en le rendant eunuque ( 4 )•
La jeune amante d’A tys, Agdistis ,
désespérée de cette vengeance tragique
exercée sur son amant, se tua de désespoir,
Les récits de Lactance, de Serviüs(5) 1
de saint Augustin , ceux de Pausanias,
difièrent aussi de ceux de Diodore et
d’Arnobe ; en sorte qu’il est aisé de voir,
que c ’est une fable faite en vingt façons,
mais qui se réduit, en dernière analyse
(1) Eoeeb. Præp. Ev. 1. 1 , c. r.
(1) Herod. 1. 1, p. 38, 29.
(3) Arp.ob, coi t:k Gtmtjs. LuciaH. de Sacrifiais,
Tertub Apol. c. 15.
, aux amours d’une Princesse Phrygienne
pour un jeune homme, qui se
mutile lui-mêmè, uu qui est mutilé ; qui
meurt, et qui ensuite, comme l’Adonis
Phénicien , ou l'amant de Vénus , est
rendu à la vie. C’est la fiction Phénicienne
sur le Dieu-Soleil , exprimée en
d’autres termes, sous d autres formes
et d’autres noms. Enfin l ’histoire d’Atys
est la fable Phrygienne sur le Soleil,
comme celle d Adonis est la fable
Phénicienne sur le même Dieu.
La tradition mythologique des aventures
de la même Déesse , et de ses
amours avec Atys, n’étoit pas tout-à-
fait étrangère à la Phénicie. On la retrouve
dans celle d’Esniun ou d’Lscu-
lape , qui fut aimé d’Astronoë , Princesse
Phénicienne , et qui fut obligé de
se faire eunuque , pour se soustraire
à ses poursuites amoureuses. Nous en
avons parlé plus haut, à notre article
Esmun ( 6 ).
On pourroit même croire, que les
Phrygiens avoient transmis ces mystères
aux contrées voisines, à la Phénicie
et àla Syrie, sur-tout,si on fait réflexion
que c’étoit la même Divinité , qui était
honorée en Syrie, sous le nom de Rbea,
et à qui le Lydien Atys avoit, dit-on,
élevé un temple. Au reste, je ne prétends
pas décider la question , savoir,
si ce sont les Phrygiens qui ont donne
aux Syriens , ou les Syriens aux Phrygiens,
l’ancien culte de Rhéa. Par le
récit de Lucien, il paraît que ce fut le
Lydien A tys,(7)qu i institua ce culte
de Rhéa. D’un autre côté, nous trouvons
les noms de Rhéa, ainsi que celui
d’Bsculape , dans l'ancienne Cosmo-
(4)Minut. Félix in Octav.
(5) Serv. Æneid. 1. 9. Tatian contra Gentes.
(G) Ci-dess. t. 2 , 1. 3 , c. 9.
(7) Eusek. Prsep. Ey. 1. 3.
R E L I G I O N U N I V E R S E L L E . n
sonie des Phéniciens par Sanchoniaton,
et dans les traditions sacrées de l’Egypte
, sur les amours de Saturne et de
tiliéa, parens d’Osiris ( i ). Quoi qu’il
en soit, il est certain , parce que dit
Lucien , qu’on a cru que les Syriens
yen dolent un culte à Cybèle ( 2 ) , sous
je nom de Rhéa, et qu’ils en rappor-
toient l’origine à l’infortuné Atys, qui
avoit été mutilé. Ce fut Atys le Lydien ,
dit Lucien, qui établit le premier ces
mystères , et qui apprit aux Phrygiens,
aux Lydiens , et à ceux de Samothrace ,
à les célébrer. Cette circonstance rapproche
les mystères de Samothrace ,
dont nous parlerons bientôt, de ceux
de Cybèle et de Rhéa ; et nous verrons
effectivement, qu’on y parloit d’une mutilation
d’un des Cabires , comme dans
ceux de Cybèle.
Lorsque Rhéa, continue Lucien , eut
privé Atys de sa virilité , ce malheureux
abandonna toutes les marques de
son ancien sexe , et prit les vêtemens
de femme. Dans cet état, parcourant
l’Univers , il racontoit sa malheureuse
aventure , célébrait des Orgies , et
chantoit le nom de Rhéa. Dans ses
courses, il pénétra jusqu’en Syrie , et
au-delà de l’Euphrate. Comme les peuples
de cette contrée ne vouloient ni
le recevoir , ni adopter ses mystères ,
il crut devoir élever, en ce lieu, un
temple à cette Divinité ( 3 ) , que l ’on re-
connoît, à plusieurs traits, être la même
que Rhéa. Elle est portée , comme Cybèle
, par des lions. Elle tient le tambour
, et sa tête est surmontée de tours,
comme la Déesse que les Lydiens révèrent,
■ sous le nom de Rhéa. Les Prêtres
attachés à son culte ressemblent aux
Galles ou Prêtres de Cybèle, et se mutilent
, à l ’imitation d’Atys. Quoique
Lucien ne paroisse pas adopter la tradition
(4) , qui fait de la Déesse de
(1) Plut, de Iside.
(*) Lucian. de DeaSyr. p. 88l.
(S) Ibid. p. 886.
(4J Ibid. p. 886,
Syrie la Cybèle ( / ) Phrygienne , néanmoins
on ne~peut disconvenir, que si
ce sont deux Divinités , elles ont beaucoup
de caractères communs. La castration
et le fanatisme des ministres de
ces Divinités est un des caractères les
plus distinctifs, qui les rapproche l ’une
cle l ’autre. Ces Prêtres, une fois devenus
eunuques ( 5) , quittaient l’habit
d’homme, et se revêtoient des habille-
mens de femmes. Eux seuls avoient
droit d’entrer dans la partie du temple
appelée le sanctuaire, et encore tous
n’y étoient pas admis. Il y avoit des
degrés dans l’ordre sacerdotal ( 6 ).
C’etoit dans le sanctuaire qu’était la
Divinité Syrienne , portée , comme Cybèle
, par des lions. Cette Déesse avoit
quelque chose de Minerve , de Vénus ,
de la Lune, de Rhéa , de Diane , de
Némésis et des Parques ; c’est-à-dire ,
qu’elle ressembloit assez à la Déesse
Polyonyme ou à l’Isis d’Apulée. D’une
main elle tenoit le sceptre, de l’autre
le fuseau. Sa tête étoit ornée de rayons
et de tours , et elle portait la ceste ,
parure caractéristique de la Vénus-
Uranie ( « ). Elle étoit parée de pierreries
de toute espèce, et de perles;
d’hyacinthes, de sardoines, d’émeraudes,
de sardonix ; enfin , des pierres qu’on
remarque dans le Rational du Prêtre
des Juifs , et qui servent de fondement
à la Jérusalem céleste , lesquelles ne
sont autre chose, que les différens symboles
de la lumière céleste , diffuse dans
le Zodiaque.
Plus de trois cents Prêtres desservoient
ce temple, occupés de différentes fonctions.
Ils étoient vêtus de blanc , et
portaient un bonnet sur la tête (7). Ils
choisissoient tous les ans le Grand-
Prêtre , qui seul avoit lë droit de porter
la robe de pourpre , et là tliiare
d’or.
( 0 Ibid. p. 897— 898.
(6) Ibid. p. y o ï.
(7) Lu«, de Deâ Syr. p. 9oy,