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lestes Alix sots, qui avoient la bonhom-
mie de les acheter,toujours sans garantie.-
Nous n’entrerons pas dans le détail des
différentes pratiques de l’initiation
Orphique , d’autant plus que nous aurons
occasion d’en parler ailleurs, dans
la suite de cet ouvragé. Nous ajouterons
seulement, que malgré leur affectation
de rigorisme dans le régime de yie,malgré
la magnificence de leurs promesses ;
comme les chefs de cette initiation
étaient gueux et vicieux pour la plupart,
leurs mystères furent bientôt décriés et
relégués dans la classe ignorante du peuple
, qui croit à tout , et pour qui seule
les Capucins et les indulgences ont été
inventés. Dans les premiers siècles du
Christianisme , les Pythagoriciens et les
Platoniciens , voulurent leur rendre leur
ancienne considération ; et sous cette
nouvelle forme , les Orphiques firent
assez de fortuné ", même parmi les sa-
vans (i). Alors le Bacchus des Orphiques
reparut, soiis le' nom de Phanès ,
le plus grand des Dieux. On trouve dans
le commentaire de Proclus sur le Timée
de Platon (2) quelques détails et quelques
explications , plutôt forcées que
vraies, de la filiation du fameux Phanès.
Les hymnes attribués' à Orphée parlent
aùssi'de Phanès, où du Bacchus Phanès,
rincipe lumineux de la nature. Ces
ymnes Orphiques , quel qu’en soit l’auteur
, et riialgré la défaveur que quelques
soi-disant érudits veulent jeter dessus ,
contiennent les vrais principes de l ’ancienne
théologie des Grecs, et ceux de la
science sacrée de la nature. On peut
moins les regarder comme une production
des premiers siècles de Père chrétienne
, que comme, un. ouvrage des
siècles les plus reculés, tiré de l’obscurité
des sanctuaires , et publié dans les
derniers temps de ce qu’on appelle Paganisme
, lorsque les querelles théoloft)
Acad. Ins. t. 13 et t. 16.
(2) In Tins. Plat. 1. '6.
(p TKeod. Cynll. Tat. Jnst, Mart. Clem. Alex.
" (4) Fræp. Et. 1. c- l.a.< <J H -
f j ; Sat. 1. 1 , c. 17 et 18.
giques des Payéns et des Chrétiens for-'
cèrënt à des disputes et à des recherches
, qui n’âvoient pas paru jusqu’alors
nécessaires. On pourroit rapporter
aux mêmes sources le fameux
hymne , connu sous le nom de Palinodie
cl’Orphée , dont plusieurs Pères
Chrétiens (3) ont cité des fragmens,
et qu’Eusèbé a conservé tout entier (4).
Macrobe ( 5 ) donne au Soleil ■
foyer de la lumière du monde, les noms
de Bacchus et de Phanès , d’après Orphée.
Ce fameux Phanès , muni du
Phallus , comme Bacchus Dieu quimoit-
roit et ressuscitoit , naissoit de l’oeuf
symbolique d’Osiris. Il avoit d’abord tenu
le sceptre de l’univers, qu’il avoit ensuite
remis à la Nuit, sa fille, à laquelle
succéda Ouranos, ou le Ciel (6), Saturne
usurpa la couronne de son père,
et fut à son tour détrôné par Jupiter,
après lequel doit régner Bacchus , fils
de la Lune , le sixième souverain de
l’univers , suivant Proclus : car c’est au
Bacchus fils de la Lune , suivant Ci«
céron , que s’adressent les Orphiques (7).
Outre les cérémonies mystérieuses,
qui se pratiquoient la nuit par différentes
associations particulières d’initiés
à Bacchus , ce Dieu avoit aussi un culte
public èt clés fêtes nationales en Grèce,
sous le nom de Dionysies et de Bacchanales.
Les Athéniens distinguoient deux
sortes de Dionysies, les grandes et les
petites. Les premières étoient triennales
, et portaient en conséquence le titre
de Trieterica ( 8 ). Démosthène parle
souvent des. grandes Dionysies , et des
nouvelles Tragédies., que l’oj^. donnait à
■ cette occasion.
Pégase d’Eleuthère , suivant Pausa-
nias (9 ) , fut celui qui en g a g e a les
Athéniens à recevoir ces rits. Ces fêtes,
simples dans leur origine , acquirent
(6) Nonnus ad Greg. Naz. Eschemb. ad. v. >5 >
Orph. Argon.
(7) Cic. de Nat. Deor, 1, 3 , c. 25.’
(8) Demosth. pro Corona.
(o) Paus. Attic. c. s. „
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une forme plus pompeuse, à mesure
que le goût des arts et de la dépense
s’introduisit à Athènes. La musique, là
danse et la magnificence des décorations
en relevèrent bientôt l’éclat, et
donnèrent au culte de Bacchus toute
la pompe, dont une fête réligieuse pou-
voitêtre susceptible. Undespremiers Magistrats
, l’Archonte-Roi, était chargédè
préparer cette fête (1) ; et il était aidé ,
dans cette fonction , par les Epimelètes ,
ou par des Commissaires de l’administration
publique. On choisissoit quatorze
femmes vénérables par leur âge , appelées
Gerairai , qui étoient chargées du
sacerdoce de Bacclius, et avec lesquelles
la femme de l ’Archonte - Roi
passoit la nuit, occupée d’un sacrifice
secret. C’était en quelque Sorte une
épouse , que l’on donnoit à Bacchus ,
et qu’on installoit avec des cérémonies
mystérieuses ( i ). Elle devo.it être Citoyenne
d’Athènes, et n’avoir encore été
mariée qu’une fois. C’est elle qui était
chargée dépurifier, de concert avec l’Hié-
rocéryx, les quatorze Gérairai bù ' Prêtresses
, dont elle recevoit le serment.
Outre l’Hiérocéryx , il y avoit- aussi,
dans les mystères de Bacchus , 'domine
dans ceux de Cérès , un Dadouque (3) ,
qui avertissent les Inities du montant,;
où ils devoiënt entonner l’hymne composé
en honneur de Bacchus.; Les
portes sacrées du temple , ou ' se faisoit
l’initiation , ne s’ouvroient qu’une seule
fois par an (4); et'jamais aucun étranger
ne poüvoit ÿ entrer. La nuit prêtait ses '
voiles à ces augustes mystères , qu’il
était défendu de révéler à qui que ce
fût (5). C’était la seule fois, que l’on donnoit
la représentation de la Passion de Bacchus
mort, descendu aux enfers et ressuscité
, à l’imitation de celle des souffran ces
d’Osiris, dont on faisoit la commémoration
à Saïs, en Egypte; au rapport d’Hé-
, (0 Yoy. Freret. Acad. Inscrip. t. a J.
(a) Demosth. in Neæram.
f3) Sehol. Aristoph. in Ran. 299.
(4) Demosth ia Neær. Schol Aris. ad v. 5834
(5) Pausatt. Gorinth. c. 37.
lielig. Unir. Tome IL
rodote. Nous parlerons ailleurs de cette
partie tragique des mystères , qui a eu
lien, dans toutes les institutions religieuses
, en honneur du Soleil, immolé
sous la figure ou sous le signe , soit de
l’Agneau, soit du Taureau.
On y expliquôit aussi , sans doute ,
l’énigme du Serpent fameux dans les
mystères de Bacchus , et dont l ’image
était portée si r lé van mystique, posé
sur la tête d’ui e Prêtresse appelée Lic-
nophore (6). Nous avons déjà parlé
de l’origine de ce symbole, â l ’occasion,
des fêtes Sabàziennes et des Orphiques.
C’était là que se faisoit la distribution du
côfps duDieil'(7),que l’on màngeoit,où la
cérémonie ,‘dont notre' Eücliaristie^ ri’est
au’unè ombre; tandis que; dans les’ mystères
de Bacclms, on distribuoit réellement
une viande crue , que chacun des
assistans devoit manger, en mémoire
de la mort de Bacchus mis en pièces
par les Titans , et dont la Passion était
rënotiveléë tous les ans à ‘ Chio et à.
Ténédos, par l’immolationd'un homme
qui le reprësëntoit (8). Peut-être est-ce
là ce qui a fait croire , que les Chrétiens,
dont le hoc est corpus metim.,
et la distribution Eucharishqhè; ne sont
qu'une imàge d’une Cérérhonië'jplùs an-,
cîehfië ét plus cruelle, inïmoloient un
enfant, dont-ils dévoroient les- membres.
Quoi qu’i l en soit , il eSt possible
que quelques sectaires'; comme les peuples
de Ténédos, aièfit Voulu avoir une-
Pàsssion d’après nature. Il1 ri’èst pbint
de ' éritrife auquel la superstition n’ait'
porté l’homme ; elle met dans Tame un
déliré, qui rend tous lës fprfaits religieux
croyables. Cette fête,cohime notre Pâque,
se célébroitau Printeihps ,'aü passage du
Soleil au signe équinbxial, Occupé autrefois
par le Boeuf ou par le Taureâu, dont
Bacclms avoit la formé; et ensuite' par 1A-
gneau, dont Christprit la figuré (9). On ÿ
(6) Procl. in Tira. p. 124.
(7) Clem. Prêt. i’.ur. Bacdi. V. i -9-
(8) Porph. de Abst. 1. a , §. 36.
(9) Plut, de Cupediv. p. 527.