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Les marais de Lerne devinrent aussi
fameux par la célébration des mystères
de Cérès, auxquels les Romains eux-
mêmes vinrent se faire initier ( i ).
Nous verrons , dans la suite de cet
ouvrage , que l ’Hydre de Lerne fournit
les attributs de serpens , qui paroient
la tête de Cérès , à Phigalie , comme
ils ornoient celle de Méduse, la même
que Cérès.
La Déesse y prenoit le nom de Pro-
symna (a), à cause d’une aventure qu’elle
eut avec Bacehus Prosymne. On attri-
buoit cette institution aux filles de Da-
naüs, les mêmes à qui Hérodore attribue
l ’établissement des Tliesmophories ,
en honneur de Cérès (3 ) , qu elles ap-
portèrentd’Egypte. Cette tradition nous
rappelle encore au pays, qui a vu naître
le culte d'Isis et d’Osiris, dont les Grecs
firent leur Cérès et leur Eacchus , qui,
à Lerne, comme en Egypte , étoien t unis
par un culte commun ( m ). C’étoit
dans un bois de Platanes , que l’on cé-
lébroit les mystères de la Déesse , près
d’un arbre , au pied duquel la fable
faisoit naître la fameuse Hydre de Lerne.
On y montroit aussi le troq, par lequel
Pluton étoit descendu dans son empire
ténébreux , après avoir enlevé Proserpine
, et celui par lequel Bacchus descendit
également, pour aller en titer
Sémelé, sa mère : car Bacchus, comme
Osiris, descendit aux Enfers.
On trouvoit un certain lieu , dans
l’Argolide , appelé Mysia ; c’étoit le
Temple de Cérès Mysienne ( 4 ) , qui,
dit-on , prenoit ce nom d’un certain
Mysius d’Argos , qui lui donna l ’hospitalité
(n). On voyoit dans ce lieu
sacré les statues de Pluton , de Cérès ,
et de Proserpine. Près de là couloit le
fleuve Inachus , père d’Io , au - delà
duquel étoit élevé l’autel du Soleil. On
rcncontroit, à quelque distance, le tom-
(1) Inscrip. Fat-isê Aron. Grutt. p. 309.
(2) Pausan. Corinth. c. 37, p. 79—80.
(3) Herod. 1. 2 , e. 171.
(4) Paus.Corinlb. c. «86, p. éo, U A tU i,c .
»7» Pbeau
de Thyeste, sur lequel étoit la figure
du Belier à toison-d’or , qui est le premier
des signes , salis doute celui dont
Jupiter jeta les testicules dans le sein
de Cérès, pour la féconder. On y voyoit
aussi le Temple de Persée, placé dans
les d e u x , au-dessus de ce même Belier,
entre Aries et le signe d’Io Argienne, fille
d’Iuachus. Je rassemble ici ces traits ,
afin de faire remarquer , que la distribution
des monumens religieux de
cette contrée les plaçoit dans les mêmes
rapports , que les figures célestes ont
entre elles ; ce qui convient bien à un
culte tout astronomique.
La même Déesse, gous la même dénomination
de Mysienne, avoit aussi
son Temple dans l ’Achtüe , à 60 stades
de Pallène (5), près du fleuve Crios,
ou Belier, et du Temple d’Esculape ,
ou du Dieu , dont on célébroit la fête
le dernier jour des mystères d’Eleusis.
La fête de Cérès, en Achaïe, duroit
sept jours. Le troisième jour de cetts
semaine sacrée , on faisoit sortir du
Temple de la Déesse tous les hommes ,
et alors les femmes , entre elles , célé-
broient pendant la. nuit , en secret,
leurs mystères , comme les dames Romaines
célébroient ceux de la bonne
Déesse , sans y admettre aucun homme.
Non - seulement les hommes, mais les
chiens, mais tous les animaux mâles
en étoier.t chassés. De même à Rome ,
non - seulement on interdisoit aux
hommes l entrée du sanctuaire de la
bonne Déesse ; mais on en écartoit,
ou l’on y voiloit jusqu’aux tableaux qui
en auroient représenté, quelqu’un (6).
On y voyoit des serpens , qui faisoient
allusion à celui d’Esculape , dont la fête
terminoitla cérémonie d’Eleusis , et dont
le Temple étoit voisin de celui de Cérès
Mysienne;et qu’on honoroksous le nom
de Cyrus, on de Seigneur. Il étoit
(s) Achaic. c. 1 7 , p. 236.
(6) Tibuli.Eleg. 7 , y. 31, Proper. 1. 4, Eleg. 9«
▼ . 29. Juren. Sat. 6 , v. 341. Macrob. Sat. 1. 1 ,
c. 12.
d’ailleurs le même que Sérapis , et
pluton, dont le culte nefut jamais étranger
au culte de Cérès ; car il étoit le ravisseur
de Proserpine, : et il n’étôit ; que
l’expression symbolique du Soleil d’Ao-
tomiie > placé daps la constellation
du Serpentaire, comme nous l’avons dit
ailleurs.
Le lendemain de cette nuit mystérieuse
, les hommes rentroient dans le
temple , où les femmes les-recevoient ;
et là coinniençoit de part et d’autre us
assaut de sarcasmes et de plaisanteries,
sur ce qui s'étoit sans doute passé la nuit.
Les femmes célébroient , également séparées
des hommes , les mêmes mystè-
tes, près Sicyone , en un lieu appelé
Pyrâïa (1), où Cérès avoit un bois sacré,
et un temple, sous l’invocation de Cérès,
Présidente ou Prostasie.
Le culte de Cérès , établi dans toute
cette contrée de la Grèce, qui comprend
l’Achàie , l’Argolide , et les terres voisines
de Corinthe ', n’est; que le culte
d Isis, établi à Corinthe, sous le nom des
mystères d’Isis Pélasgique (2 ), en l’honneur
de qui- se faisoit la cérémonie des
ILmbeaux , dont nous avons parlé plus
haut. Enfin , c’est le culte d’Io , devenue
l’Isis Egyptienne , ou plutôt d’Isis, qui,
suivant Plutarque, prend une tête de
boeuf (3 ) , que lui met sur les épaules
Mercure, le fameux gardien d’Io , devenue
vache, suivant la fable; Mercure,
compagnon inséparable de Cérès (o),
dans les mystères, ainsi qu’il l’est de
l’Isis Egyptienne. On y voyoit aussi le
temple de Sérapis ou du Dieu de Canope
en Egypte. Toute la pompe de cette fête
étoit dans le cérémonial Egy ptien,comme
on peut le voir dans la description qu’en
donne Apulée (4).
Les Phliassiens , dont nous,avons déjà
parlé, qui, ainsi que les Céléens leurs
voisins,avoient adopté le culte de Cérès
(1) Pausan. Corinth. p. 94.
(2) Pausan. Corinth. c. 4, p. 48,
(3) De Isid. p. 358,
(4) Apulée Métamorph. h 11,
et ses mystères,honoroient cette Déess»,
sous son véritable n oui d’Isis. Elle avoit
son temple avec celui d’Horus ou d’Apollon
son fils, près d’Omphale ( 5 ) , lieu
qui étoit regardé comme le centre du Pé-
loponèse (ƒ>)■ Les Prêtres seuls d’Isis
avoient le droit de voir sa statue. Les
Phliassiens, àpe sujet , rapportoient. une
fable ;d’Hercule,sur son voyage en Libye,
qui décèle assez une origine Egyptienne,
et sur son retour du jardin des Ilespé-
rides. On y avait représenté un jeune enfant,
qui présentoir à Hercule la coupe,
sans doute, celle qui est sous la Cérès ou
sous la Vierge céleste , et qu’on appelle
coupe de Bacchus et d’Icare , et qui étoit
consacrée dans les mystères.
Ce jeune esclave s’appeloit Gobelet ou
Cyathus , échanson d’Oinée , qui don-
noit à Hercule à dîner. Ce jeune éclian-
son présentant mal la coupe à Hercule ,
celui-ci, d’un coup de son doigt sur le
front, le tua. Ce qu’il y a ici de remarquable
, c’est qu’un autre Echanson
d’Herçule , Hylas , périt aussi , noyé en
Mysie, étant allé chercher à boire pour
Hercule, et que cet Hylas ( 6 ) ou Hyllas,
avoit son tombeau , près du temple d’I-
sis , à Mégare , à côté duquel étoit aussi
le temple d’Apollon et de Diane , dont
le premier est Horus , fils d’Isis. Hercule
étoit également près du tombeau
dTIylas ; ce qui rapproche ce monument
de celui des Phliassiens, qui représen-
toientprès d’Hercule son jeune échanson
mort. Mégare n’étant point éloignée
d’Eleusis ni de l’Isthme /Corinthe dut
naturellement recevoir le culte de la
divinité , adorée dans ces villes sous le
nom , soit d’Isis, soit de Cérès.
Mais le lieu où l’on donnoit le plus
de pompe à cette solemnité, et ou la
déesse avoit conservé son nom Egyptien,
c’étoit en Phocide ( 7 ), près de Titho-
rée, au nord de Delphes et du mont Par-
(3) Corinth. c.'14, p. 56 et 57.
(6) Anticlid. 1. 2 , rerum deliacarum. Virgil.
Eclog. 6 , v- Georg. 3 , r . 6. Sert. Connu,
(7) Pausan. Phpg, p 350.