C H A P I T R E
H a u p o c k a t s ou le dieu
C e qu’Orus est à Osiris, Harpocrate
l ’est à Sarapis, et l ’un et l ’autre sont
réputés enfans d’Isis. Les anciens
Egyptiens considérèrent la lumière,
qui produit le jour, dans deux époques
principales , comme ils avoient
lait à l'égard du Soleil, qui nous
distribue la lumière et la cbaleur ;
savoir dans la durée et l’éclat qu’elle
donne au jour, durant les six signes
supérieurs, et dans l ’état d’affoiblis-
sement et de brièveté qu’à le jour, pendant
les six signes inferieurs'. Dans le
premier cas, c’est Drus, ou le bel
Apollon, qui a son siège le plus élevé
au Lion céleste, dont les images soutiennent
le trône sur lequel il est
placé (t). Dans le second, c’est Harpocrate
, placé dans les eanx du Verseau
, et soutenu sur le lotus, plante
palustre, qui naît sur les bords du
N il, ou du fleuve, que le Verseau fait
sortir de son lit, par le mouvement de
ses pieds. Le jour alors est au plus
bas, et dans cet état d’enfance, dont
Harpocrate est l’image. Il est d’un
foible éclat, et sa marche semble' entravée
dans les liens qui resserren t l'enfant
nouveau né. Le doigt qu’Harpocrate
tient posé sur sa bouche annonce
, que sa langue n’èst pas encore
deliée, et qu’il ne peut articuler
dès sons. C’est dans ce sens , qu’il
fut cense. être le dieu du sileuce.
Aussi les Egyptiens représentoïeut le
silence par l’état de. l ’enfance jusqu à
strois ans (2) , et ila le fignroient par
ttm nombre mystique, égal à celui de
trois années, évaluées en jours à rai-
OlHon Apolî f. I. c; j t r
WJ IKal h.ià c. 2$.. .
C3) Ibid. 1. 1, c, sg*.
Q U I N Z I E M E .
Jour près le Solstice d’hiver
son de trois cents soixante cinq jours
par an. Ils prétendoient, dit Hor-
Apollon , que l’enfant qui, dans l’espace
de mille quatre-vingt-quinze jours,
ou de trois ans, ne parle pas, est
censé muet. Ainsi l ’enfance représenta
le silence; et réciproquement, l’embarras
dans les organes du langage, désigna
l'enfance. Les. latins eux-mêmes
ont désigné dans leur langue l ’état
de l’homme nouveau n é , par un
mot qui indique qu’il ne parle pas
bien encore. Telle est la signification
A'infans , qu’ils ont appliqué par extension
à l ’orateur qui s’exprime mal.
L ’état d’imperfection dé l’homme nouveau
né, tel qu’on peignit Harpocrate,
étoit figui épar un animal-qui se forme
dans le limon du Nil ;.cet animal e’étoit
la grenouille (3) ; ici c’est un enfant sur
le lotus, ou sur la plantequi croît dans
le limon “du même fleuve : le but est
le même. Il n’y a de différence- que
dans les symboles. L ’un est tiré du
règne animal, et l’autre du règne végétal.
D11 reste , tous deux, concourent
à exprimer la même idée. En effet
Plutarque,, en parlant de la grenouille
et de 1 hydre (4 ) sculptées aux. pieds
d’un palmier de bronze , consacré
commeoffrande à- Apollon , fait dira
à Sérapîon , qui explique ces emblèmes
,. que l’artiste a voit voulu annoncer
par-là , que lè soleil naît et s’alimente
des eaux et des. exhalaisons
humides. Plutarque , parlant ailleurs
du lotus (5 ) , sur lequel on place
Harpocrate, regarde cette plante comme
un emblème destiné â rendre la même
(4) Pl“t- de Pytti. oracul. p. 4pa».
|p de ilid. p. 255.
idée. Les Egyptiens, d it - il, ne pensent
pas , que le Soleil enfant soit sorti
du lotus ; mais c’est ainsi qu’ils représentent
le lever du Soleil, pour indiquer
que ce dieu naît de l ’élément
humide. Aussi Plutarque (1), ou plutôt
Sérapion qu’il fait parler, ajoute
t-il, que ce qui porta l’artiste Corinthien
à scuplter cette grenouille symbolique
, c’est qu’il avoît vu , sans
doute, les Egyptiens représenter le Soleil
naissant ou levant,, par un enfant
posé sur le lotus- Les Indiens
représentent également Vichnou enfant
, posé sur une fleur ou sur la
feuille du tamarin.
De même que la grenouille d’Egypte
, destinée à peindre l ’enfant
dont les organes sont encore mal développés,
naît dans le limon du Nil
après sa retraite, de même le lotus
y croît à côtéd’elle, suivantPline (2.),
On peut donc prendre également ces
deux emblèmes , pour représenter l’état
d’imperfection et d’enfance du dieu
Jour à la fin de l’automne, et près du
Solstice d’hyver , lorsque le Soleil ou
Osiris est descendu aux enfers, et
qu’il a pris les formes de Sarapis,
ou celles qu'a le Soleil des signes inférieurs.
Voilà pourquoi son culte est
uni à. celui de Sarapis (3), ou à celui
du Soleil d’hyver. Voilà aussi- pourquoi
on disoit , qu'Lis, ayant reconnu
qu eLle étoit grosse , s’étoit prémunie
dun Talisman , le sixième jour du
mois d’octobre (à), ou de Paophi,
c’est à-dire, du mois où le Soleil s’unit
au serpent d ai.tourne ; à celui qui
entoure Hercule Ophiucus et Sérapis.
Voilà aussi! pourquoi on disoit, qu’elle
l’avoit conçu de ses amours avec Osiris
aux t nfei s, ce dieu s’étant encoreuniàelle
après su mort (S) : aussi se sentoït-il
de: la foiblessô de son père. II étoit
( C ibi<b p. 4001
O ) Pline Hift, Nat, !. 13. c. 1 T.
CSJTertul. a,,olog. c- 6. Vario. deling-làt.l. 4. p. 17;
V4J Plutide. ilid. p. 277.
sans force ; sur-tout mal appuyé sur ses
pieds. Tel est en effet le dieu Jour,
aux approches du Solstice d’hyver.
Aussi les Egyptiens, pour peindre la
course embarrassée et lente du Soleil
vers cette époque de l ’année , repré-
sentoient ce dieu les pieds collés
étroitement l’un contre l ’aute, comme
si les deux jambes n’en eussent fait
qu'une (6). De là l ’opinion reçue chez
les Paphlagpnxens , qui croyoient que
le Soleil étoit enchaîné et resseré dans
des entraves l’hyver et qu’au ptin-
tems il se dégageoit de ses liens et
acquéroit toute la liberté de son mouvement
(7). On sait en effet , que
le mouvement de cet astre en déclinaison
est très - rapide dans le grand
cercle de l’Equateur,, et très-lent dans
les petits- cercles des Tropiques. C’est
sans doute cette observation astronomique
, qui a donné lieu à la fiction
théologique.
La tradition Egyptienne , qui porte
que ce fut an mois Paophi, ou au
moîsd’octobTe, qu’Isiiss’apperçut qu’elle
étoit grosse d’Harpocrate, se lie à un.
autre sur les fêtes de ce mois , laquelle
sert également à confirmer notre explication.
En effet les Egyptiens célébraient
quatorze jours après, ou le
20 du même mois Paophi, une fête
dans laquelle ils faisoient la commémoration
de la naissance des bâtons
ou béquilles du Soleil (81) j ce qui vouloir
dire, suivant eux, si nous en
croyons Plutarque , que le Soleil avoit
déjà besoin d’appuïpourmarcheretpouis
soutenir ses pas devenus chancelans
à cette époque, où sa lumière et sa
chaleur ont reçu un affaiblissement
considérable. Rien ne contraste mieux
avec cette peinture dû Soleil appuyé
sur ses béquilles, et de i’Harpocrate
mal affermi sur ses pieds, que celle:
(5 ) iBid- p- 35
( 6) Hor Apoll. 1. 2. c. £ ^ j
(7> Plu de. ilid. p. 378»- A
£8) Plut. ibid. p- 372,.