■ Mais un des Sanctuaires le plus religieux,
étoit celui de Catane(i). II y
a voit, dans cette Chapelle de Gérés, une
très • ancienne statue delà Déesse , que
personne , excepté'les femmes, ne poù-
-voit voir, et dont les hommes ne soup-
çonnoient pas même l’existence. Verès
néanmoins vint à bout de le savoir et
de l’enlever. Cette Chapelle était desservie
par des femmes et des filles. Les
hommes en étaient exclus. Nous avons
déjà vu plus haut Cérès honorée par
des femmes, exclusivement aux hommes.
Celles de. Gitane étaient des femmes
distinguées par la gravité de leur âge ,
par la .distinction du rang, et sur-tout
par leurs vertus. C est en Sicile, que I on
célébroit les Anthespliories , ou fêtes
de Flore, èt-les The.ogamies (2). Ces fêtes
de Flore se celebroient à Home , il la
fin d’Avril.
I! n’est pas étonnant, que les Peuples
de Sicile, ayant reçu la langue, les arts
et les sciences des Grecs , des la plus
haute antiquité , ou plutôt n’étant eux-
mêmes que des colonies Grecques,ayent
conservé le culte et les traditions mythologiques
des Grecs. Ils disent, que la
découverte du-blé avoit été'faite chez
eux par Cérès : ils appliquoient à leur
pays ce que; lo n g— temps ayant eux ,
avoient appliqué au leur les Egyptiens,
qui attribuoieut à Isiscette découverte,
et qui faisoient l’Egypte le lieu de sa naissance
, de son empire , et de ses aven turcs,
lesquelles furentle modèle des lictions
Grecques et Egyptiennes. Les Cretois en
disoient autant que les Siciliens , comme
nous l ’avons vu ci-dessus ; ils faisoient
naître Cérès chez eux , et cle-là , répandre
ses bienfaits par toute la terre.
II est bien plus vraisemblable , comme
l’observe judicieusement Vossius (3) ,
que les Cretois , les Siciliens , les Athéniens
, etc. doivent ce bienfait et ces
(0 fp Ê c. 45. (2) Poil. I. 1 , Ç- 1 . P- 3J"
(5) Voss. de Origin. Idgl, l.ijC. 17»
(4) Diod. 1. p
(5) Ccdren.
institutions aux Egyptiens, qui, longtemps
avant eüx , iionoroient Osiriset
Isis, â qui ils attribuoient les mêmes
inventions (4)- L ’accord, qui existait
entre le culte et les aventures de l’Isis
Egyptienne, et de la Cérès Grecque et
Sicilienne , nous en a déjà fourni la
preuve ; sans parler des traditions, qui
nous rappellent vers l’Egypte, soit pat
lel'canal d’Orpliée, soit par celui de
Danaüs : car, suivant Cédrenus (5) , la
Déesse, qui a trouvé le blé et 1 orge,
et qu’on honore en Grèce, sous le
nom de Cérès, est la même Divinité, qui
s’appelle Isis en Egypte.
Au reste , si en Egypte on présentait
au respect des peuples le Phallus d’O-
sîris; à Syracuse, en Sicile, on y ex-
posoit les parties sexuelles de la femme
(6), sous, le nom de Myllos , dont là
matière étoitune composition de sésame
et de miel. On en faisoit la consécration
dans les derniers jours de la tête des
Tliesmophories. Cet usage étoit généralement
reçu dans toute la, Sicile.
L ’Italie, et sur-tout cette partie dé
l’Italie, qui avoisine la Sicile , reçut des
Grecs le culte des Déesses d’Eleusis.
Proserpine avoit un riche. Ti tuple à
Locres, dont les trésors furent pillés
par Pyrrhus , et ensuite ' par Plémi-
nius , qui y commandoit pour les Romains.(
7).
Cérès étoit aussi honorée à Naples,
sousle nom deThesmophore, et y avoit
sa Prêtresse (B). Les Romains faisoient
venir de Naples et de Vélies leurs Prêtresses
(g), qui dévoient exercer à Rome
le sacerdoce de ces Déesses. Comme
ils honoraient ces Déesses , suivant le
rit Grec, ils alloient chercher dans des
villes Grecques des personnes instruites
des rits et du culte de la Cérès Grecque,
afin que les anciennes cérémonies ne
fussent point altérées. Cicéron recon-
(6) Athen. 1. 14.
(7) Tit. Liv. 1. 29 , c. 8 , 18— 19. L. y » c. îa. (K) Val. Max 1. 1 , c. 1.
(y) Cic. proBilb. g. 15. ’
JlOlt
jtôît, qu’ils avoient reçu le culte de Cérès
des Grecs ; et que ce sacerdoce avoit
toujours été rempli par des Prêtresses
Grecques. . ; - ;
Les Arcà'diens , comme nous l’avons
déjà remarqué plus haut, ayant été s’établir
anciennement dans le Latium ,
v portèrent avec eux les Divinités
de leur pays ; et conséquemment
le culte de Gérés , culte si < fameux
en Arcadie. Aussi Denys d’PIalycar-
nasse ( i ) , ce sage critique en fait d’origines,
a - 1 - il observé, avec beaucoup
de justice, que les colonies d’Arcadie,
qui vinrent s’établir sur le Mont Palatin,
y avoient construit un Temple en honneur
de Cérès, et établi des Prêtresses,
chargées seules des fonctions de ce sacerdoce.
Il dit que l’abstinence faisoit partie
des pratiques religieuses de ce culte,
et il ajoute, que de son temps onn’avoit
encore rien change' à l’ancien rit.
C’étoit, avec assez de vraisemblance, la
Déesse d’Héios (a) , près de Pallantée ,
qui fu t ensuite adorée à Hélia, ou Vélia,
en Italie, àCatane en Sicile , et enfin à
Rome. Par-tout on la reconnoît à l’exclusion
que l’on donnoit aux hommes,
que l’on écartoit soigneusement de son
sanctuaire.
Il arriva souvent aux Romains de
faire double et triple emploi des mêmes
Divinités , qu’ils ne connoissoient plus
dans les différens noms, et dans les différentes
formes de culte , sous lesquelles
leshonoroientlesdifférens peuples, dont
ils empruntèrent ces divinités. Ainsi les
adorateurs anciens d’Esculape et de Platon
crurent recevoir une divinité nouvelle
et étrangère, en recevant Sérapis.
Il en fut dé même d’Isis , que les adorateurs
de Cérès prirent pour une Divinité
nouvelle. La même erreur est arrivée
aux Grecs, et c’est l’effet de leur
ignorance. Elle ' étoit nécessaire chez
des peuples , qui n’a voient point créé
leur religion, mais qui l’avoient reçue
(>) Dioiiys. Halyçarn. p. ao.
(a) Paus. Arcad. p1. 266. ,
Relig. Univ■ Tomç IL
des autres , sous des formes savantes,
que dés peuples encore sauvages étaient
hors- d’état d’entendre et dé- rapprocher
par l’analyse' et la comparaison.
Cérès , : sous ce nom' familier aux
Romains des Siècles postérieurs, était
connue à Rotne , dès les! premières
années de la République ; et aussitôt
après l’expulsion des Rois On voit-
le dictateur A. Posthumîus , triom-1
pliant des Latins , consacrer la
dixme des dépouilles à faire célébrer
des fêtes et des jeux en honneur
des Dieux , et à faire construire un
Temple alux trois Divinités Grecques (3) , '
Gérés , Bacclius et Proserpine , dont
son collègue Sp. Cassius ut ensuite la
dédicace.
La crainte de la disette avoit déterminé
le Dictateur à faire un voeu a ces
Divinités, pour en obtenir une heureuse
récolte , conformément à l’avis, que lui'
en donnèrent les Oracles et les Décemvirs;
, dépositaires des livres Sibyllins.
On voit ici encore un exemple de ce
commerce illusoire du Ciel avec la Terre,
et du charlatanisme des Prêtres , qui
offrent dans la -religion un baume pour
tous les maux. Les prières des hommes
ont toujours été intéressées, et telle est
la base primitive de tout culte , comme
nous le prouverons bientôt. Cérès fut ce
qu’étoit Sainte Geneviève ; on la pria toujours
inutilement, et on la remercia toujours
de ce que l’on imagina en avoir
obtenu. Les Romains crurent devoir à
Cérès , à Bacchus et à Proserpine l’abondance,
dont ils jouirent l’année suivante
, par un heureux effet de la Nature.
Bacchus. qui présidoit aux vignes
et aux arbustes , s’unit à elle , pour enrichir
Rome de ses dons , et Rome stupide
cria au miracle, fit élever des
Temples , ordonna des sacrifices , et
des fêtes tous les ans, en honneur de
ces Divinités (4). -
On fît aussi voeu d’un Temple aux
(3) Dlçnys. Hiilyc. 1. 6; p. 354 — 414.
(4) Ibid! p. 354,
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