la bonne Déesse , suivant Cicéron (î), et
les fêtes séculaires, qui se céiébroient
aussi la nuit, pour le salut de l’empire (a).
Les fêtes Romaines n’avoient point la
teinte sombre et lugubre ' des fêtes
Grecques , en honneur de C,érès, sur-
tout celle des Thesmopliorë.sQ). Les femmes
y paroissoient en habit blanc , et la
couleur noire en étoit proscrite (4). Aussi,
après la défaite de Cannes , le deuil fut
fii grand dans Rome, que les femmes
lurent obligées d’interrompre la fête de
Cérès , parce qu’il n’étoit pas permis de
la célébrer dans le deuil (5). Cé fut même
une raison , pour le Sénat, de fixer à
trente jours la durée du deuil, afin que
la fête ne manquât pas cette année
d’être célébrée. Il est vrai qu’il s’agis-
soit de la fête de Printemps ; et que les
TIcesmophores ou fêtes de Cérès, consacrées
au deuil, se céiébroient en Automne
: or les fêtes d’Automne étaient
lugubres. Au contraire, les fêtes de
Cérès, qu’on ne pouyoit célébrer à
Rome dans le deuil, étaient celles qui
suivoient les Jiilaries et le retour de
Proserpine sur la terre (6). Elles étoient
fixées au 7 avril, c’est-à-dire, au quinzième
jour , qui suiroit les Jiilaries, ou
à la pleine lune du Printemps. Car le
Printemps était fixé au 8 avant les Calendes
d’avril ; et les fêtes au 7 avril,
ou au 7 , avant les Ides, au coucher Cosmique
de laBalanpe , et Chronique d’Or
rion ; deux jours après la célébration
de la fête de la Fortune publique , trois
jours après celle à’Hébé ou de la Jeunesse.
Les fêtes de l’Hippodrome et les
courses du Cirque, que nous avons souvent
vues en Grèce liées au culte de
Cérès, n’y »voient point été non plus
étrangères à Rome ; ou plutôt elles en
faisoient partie, sous le nom de Jeux de
(■ !) Cicer, de Leg. I. 2, c. 11.
l G) Idem de Ha-rusp. respon. Zozim. 1, 9!
(3) Dionys. Halyc. 1. z , p. 00. 14) Ovid. Fasf. 1. 4.
Ü)' Lit. TÂy. I zz, c.ôi.Valtr. Maxim 1. j ; c. iî
Gérés. C’est à l’occasion dé ces fêtes ■
. qu’Ovide (7 ) , dans; son 4°- livre des
Fastes, nous donne toute l’histoire de
l’enlèvement de Proserpine et des courses
de sa mère. Ces fêtes duroient six
jours. On peut regarder ces fêtes comme
des. fêtes Cycliques , instituées à l’occasion
du renouvellement de la course
annuelle du Soleil et de la Lune. Les
jeux Pythiens, Olympiens, Néméens,
étoient des jeux Cycliques ; et lorsque
les Romains établirent leurs jeux séculaires
, ils n’oublièrent pas de consacrer.,
au Champ de Mars (/«■ ■ «) , lesautels
de Pluton et de Proserpine, et d’y instituer
des cérémonies nocturnes, que jusqu’alors
Denys d’Halycarnasse dit avoir
été absolument inconnues aux Romains.
Zozime parle de trois nuits (8) sacrées,
passées à chanter et à danser, en honneur
de ces Divinités, qu’on invoquoit
pour obtenir là santé ; ce qui rapproche
ce culte de celui d’Esculape e t. de Sé-
rupis , qui a" été le Pluton des Grecs et
des Romain*. On invoquoit, dans c.es
cérémonies, Illythie, Cérès, Proserpine
, Pluton et les Parques ( 9 ) ; c’est-à-
dire, les mêmes Divinités , que nous
avons vues:;, tant de fois unies par un
culte 'commun chez les 1 Grecs.. Ces
fêtes »voient! pour objet la félicité
de l’Empire. Telles étoient celles de
Sosipolis et d’Illythio , de là bonne Fortune
en Grèce , et de la bonne Déesse
à Rome. Ce sont ces fêtes nocturnes,
contre lesquelles la loi ne portoit point
de proscription, comme nous l’avons
vn plus haut, dans le passage de Cicéron
de legibus.
; Nous avons déjà dit, que c’étoit dans
le temple de Cérès ou dans l’Eleusi-
nium, que le premier Magistrat d’Athènes
, ou l’Archonte-roi adressoit des.
voeux pour le salut du peuple. Mais il
46) Ovid. Fast. 1. 4, v. 380.
(7) . Ibid. 1. 4. . .
(8) Zozira. 1. z. Dion. Halyc. Ant, 1. z . p• . 91 *
(9) Zozim. p. 407.
naroî&j que c’étoit sur-tout pour obtenir
la santé , qu’on invoquoit (1) ces Divinités
, et. pour détourner les maladies
et les guerres , qui pouvoient conduire
les hommes clans le sombre empire do
pluton. C’est par cette raison , que le
Sénat, l’an 35s.de Rome, voyant la
ville exposée à deux grands fléaux , la
guerre et la peste , fit consulter les
Livres Sibyllins, pour trouver les moyens
les plus propres d’écarter ces -maux . Là
réponse fut, qu’ils'' s’en délivreroient,
s’ils sacrifloient à Pluton et à Proserpine.
Ayant donc , conformément à
cette réponse , cherché le lieu où ils dévoient
faire ce sacrifice,, ils s’acquittèrent
do ce devoir religieux, et ils obtinrent,
la délivrance qu'ils demandoient';
nprès quoi , ils enterrèrent de nouveau
l’autel, qui se trouvoit placé à une des
extrémités du Champ de Mars. Nous
avons lieu de croire, que cette forme de
culte venoit d’Arcadie , près de Man-
linée, comme on peut le voir par ce .que
nous avons dit ci-dessus.
Ces sortes de sacrifices, furent quelque
temps interrompus , jusqu’à, ce
(pae de nouveaux fléaux,affligeant Rome,
forçassent ,■ ( 1 ) Auguste à renouveler
ces jeux , et à consulter les dépositaires
tics livres, Sibyllins (zzzz). Ce fut à cette
occasion qu’Horace composa son Poème
séculaire, clans lequel les noms cVIUythie
sc trouvent mêlés à ceux d’Apollon et
de Diane , des Parques et de Cérès.
Après lui Claude , sans attendre la
révolution du siècle , les fit célébrer.
Ce fut sous Donatien , qu’ils furent célébrés
à leur véritable époque. Sévère ,
au bout de quatre-vingt-dix ans , fit célébrer
les mêmes jeux, avec, ses fils
Antonin et Geta. Zozime nous donné
la description de cette fête séculaire,
que nous croyons inutile de rapporter
rci, dans tous ses détails : il suffit de
dire, qu’on les annonçoit de la manière
(1) Lysias çoiit. Andoc. p. 107.
(z) Zozim. i. 2, p.[40p.,
( 3) Herod. 1. 3, pYisS.
la plus imposante. Le Crienr invitait les
Citoyens a venir voir une fête , qu’ils
n’avoient jamais vue, et qu'ils ne're-
verroient jamais. Hérodien prétend (3),
que ces jeux séculaires étoient. à Home
ce que les grands mystères étoient à
Athènes , et qu’ils, rivalisoieat avec les
cérémonies religieuses de la Grèce. On y
distribuoit au Peuple du soufre, du bitume
et des flambeaux résineux, comme
autant de choses qui dévoient servir aux
purifications du Peuple. Les esclaves erp
étoient exclus : les hommes libres seuls
pouvoient yparticiper. C’étoit au temple
de Diane , sur le mont Aventin , que
le Peuple se rassembloit ; et chacun apportait
avec soi dtqblé, de l’orge et
des fèves (eo) ; et on célébroit des veilles
sacrées, en honneur des Parques, ou des
Déités qui président à la fatalité, et aux
destinées des hommes et des empires.
Ces cérémonies nocturnes étoient des
plus graves, et. accompagnées d’une
dignité tout-à-fait imposante ( 4 )- Le
temps de la fête et de la célébration des
jeux duroit trois . j ours et trois nuits.
Les Divinités , auxquelles on saorifioit,
étoient Jupiter , Junon , Apollon ,
Latone , Diane, les Parques, Illytliio
Cérès , Pluton et Proserpine (5). La
fête de la première nuit s’ouvroit par
le sacrifice de trois agneaux , sur
trois autels construits sur le bord du
fleuve. L ’empereur , accompagné des
quinze Prêtres, y faisoit les fonctions
de Sacrificateur , et brûloit les chairs
des victimes, dont le sang a voit rougi les
autels. A la lueur des flambeaux et des
bûchers, on entonnoit des hymnes sacrés
; et les ministres du culte recevoient
en présent les prémices du blé , de
l’orge et des fèves. Onjremarquera, que
ces fêtes se céiébroient vers le temps de
la moisson ; e t, comme disent les vers
Sibyllins, lorsque les plus courtes nuits
succèdent au jour. Nous avons déjà vu de
(4) Zozim. 1. a , p. 4Q1.
(5) Horac.Epod. Od. 1, 4 , v. 18.