ensuite quelques formules énigmatiques,
qui dévoient servir de réponse aux demandes,
qu’on lui faisoit ; et qu’il de-
voit retenir comme le mot du guet ,
auquel on reconnoissoit les frères de
cette franmaçonnerie.
Pour donner à l’initié une grande
idée de la dignité , à laquelle on lelc-
voit , on faisoit la cérémonie de son
intronisation. On apportoit des fleurs et
des couronnes (i). A Samothrace le
Myste seprésento'tcouronné de branches
d’Olivier(/;), etavec une ceinture decou-
leur de pourpre. On le plaçoit sur une
espèce de trône, autour duquel se. ran-
geoit la foule des autres inilies, qui, se
tenant par la main , céiébroient une
danse mystérieuse , et chantoient des
hymnes (2). Dans les mystères d’Isis ,
l’initié venoit s’asseoir sur un siège élevé
au milieu du Temple , et en face
de la statue de la Déesse. Il étoit vêtu
alors des douze robes sacrées et du fameux
manteau Olympique (s). 11 tenoit
à la main droite un flambeau et g voit une
couronne de palmier, dont les feuille*
formoient une espèce de gloire (3).
Les traditions. Mythologiques por-
toient, que ces petits mystères avoient
été institués , pour la première fois, en
faveur d’Hercule , que sa qualité d’étranger
excluoit de la grande initiation (4).
Quoique cette origine soit fausse , il
pst néanmoins vrai , que l’initiation
d ’Eleusis (5) étant une institution sociale
propre aux Athéniens , on en
excluoit les étrangers , dans la crainte
peut - être , qu’une association faite
sans choix ne corrompît bientôt les
moeurs et l’esprit national. Peut-être aussi
youlut-on faire croire aux initiés, qu’ils
formoient une caste sainte et amie des
(1) Meursîus Eletts. e. 7, p. 18,et Græc, Feriat.
1. 4, p. »75.
(a) Schol. Apoll. ï. 1, v. 913. Schol. Homer. I.
>, t- 334; b «<5- ■ '
(3) Apulée Met. I. 11.
(4) Atistid. orat. in Hercul. Idem. JnLeuctric.
(5} Apoilgd. 1. 2. Schol. Komcr.ad ibid,
3É7.- . i fN il,-, w i Ig <r I i ç 0
Dieux, comme les Juifs se I’éfoient persuadés.
Ce qu’il y a de vrai, c’est que ,
dans le nombre des profanes , qu'on
excluoit des mystères d’Eleusis, on com-
prenoit les Etrangers et les Barbares ,
tels que les Perses. Et pour donner plus
cte poids à la loi , on feignit qu’Her-
çule , Esculape,Bacchus , les Dioscures
furent obligés de s’y soumettre. La
haine,que les Grecs portoient aux Perses
et aux Mèdes , eut beaucoup de part
à l’interdiction prononcée spécialement
contre eux (6). On les confondit avec
les homicides dans cette loi de proscription.
On attribuoit à Eumolpus la première
loi, qui porta exclusion de tous
les Etrangers à la participation des mystères.
On imagina néanmoins un remède,
en faveur des Etrangers, excepté
des Perses ; c’étoit l’adoption dans une
famille Athénienne. Ainsi Elercule , lorsqu’il
voulut se faire initier , se fit
adopter par Pylius; lesDioscures (7) , par
Aphidnes (r). Hercule avoit été souillé
par le meurtre des Centaures (8) ; il lut
obligé de se faire purifier , avant sa descente
aux Enfers. Ce fut ainsi qu’Enée
se fit purifier par la Sibylle (9) , avant
d’aller trouver Anchise , dans l’empire
dePluton , etd’entieprendre ce voyage,
qui lui offrit en speotac e tous les tableaux
de l’initiation , ou , pour mieux
dire , qui fut une véritable initiation.
On mit un intervalle de temps entre
la réception aux petits mystères , et la
grande initiation d’Eleusis (10) , afin de
donner a l’initié une plus grande attente
des choses , qu’on avoit à lui révéler ,
d’augmenter ainsi sen respect pour la
Beligion , en exigeant de lui de nouvelles
préparations , et de doubler son
(6) Ari»t. Eleus. Isocrat. ia Panegyr, Autot.
Axioohi. Plut, in Thés. Tzer. adLycoph. V. iZ 'ji.
Episc. Socr. 11. Lucian. in Démon,
(7) Plut. Thés, vi:à. p, 16'.
(8) Diod..‘l.,4- Apoli. 1. 2, ç. 5. '
(9) AEneid. 1. 6.
po) Hiattrius ia Eclogis, in Dialog. Bræmio, ,
impatience par les obstacles , qu’on
apportoit a ses désirs. Comme les purifications
avoient précédé la première
initiation, celle-ci précédoit également
la grande initiation , à laquelle elle ser-
voit en quelque sorte de préparation
(t).
Il falloitrester quelques années simple
Myste, avant d’être admis à la dignité
d'Epopte. Cet intervalle a varié , et
les auteurs sont partagés sur la durée.
Les uns, et c’est le plus grand nombre,
fixent l’intervalle à cinq années (2).
Tértullien parle de cinq années d’épreuves
(3). Plutarque met un an au
moins(4); mais, suivant l’explication de
Meursius, cela signifie , que la célébration
des grands mystères se faisant tous
lescinq ans , celui qui étoit initié aux petits,
l’année où se céiébroient les grands,
attendoit cinq -ans , au lieu que celui
qui étoit initié , l’année qui précédoit la
célébration des grands , n’attendoit
qu un an. Quoi qu’il en soit de la longueur
de cet intervalle, il est certain ,
que la petite initiation devoit précéder
de quelque temps la grande ; que le
Myste devoit garder des interstices (5) ,
avant de devenir Epopte , et que ce ne
fut que par un excès de flatterie, et
par nne faveur unique , que l'on
consacra Démétrius Myste et Epop-
te (6) , dans la même cérémonie. Mais
la remarque même , que l’on fit de celte
exception , considérée comme une insigne
faveur , est une confirmation de
l’usage. Il demanda aux Athéniens de
« passer tout d’un coup,dit Plutarque,
» de la première initiation à l’inspection
la plus intime », ce qui ne
s etoit jamais fait, et n’étoit point permis.
Car on célébroit les petits mystères
dans le mois de Mars , au bourg
appelé Agra , et les grands en Octobre,
a Eleusis. Il falloit au moins l’espace
(1) Proc!, in Plat. Théo!. 1. 4, c. 26.
(iî Scailg. Emen. Temp. i l S,p. 418. Meurs, c. 8.
(3) Tertuli. adv. Valent. 1.1 .
(4) Plut, vitâ Dsm. p. 900.
(3) Harpocrat. in voce E^o*1;
d’un an , entre l’initiation aux petits
mystères , et l’initiation aux grands. Il
n’étoit donc pas permis , d’après ce que
dit Plutarque, de les rapprocher davantage
5 mais il ne s’ensuit pas , que ces
deux cérémonies ne fussent d’ordinaire
plus éloignées. Enfin arrivé
au terme de lepreuve , le Myste
recevoit le complément de la perfection
de son état , dans la Télète , qui
étoit comme la fin du grand ouvrage
de l’initiation, et qu’on appeloit Epop-
tée , ou contemplation. Nous avons vu
plus haut, quels étoient les objets , que
l ’on proposoit à la vue de ces contemplatifs
ou Epoptes , des parfaits ou
Voyans. C’étoit, commenous 1 avonsdit,
d’après Clément d’Alexandrie (7), l’inspection
même de l’Univers, de la Nature
entière , et des causes, soit visibles,
soit invisibles, qu’elle renferme , et que
Clément appelle les êtres réels , ou les
choses. C’étoit alors , que l'aine se dé-
faisoit des fausses opinions , sur ce qui
constitue son être , et sur les biens et
les maux , pour recevoir des notions
plus vraies et plus relevées (8). Elle ap-
prenoit, que lame étoit tout l’homme ;
et que la terre n’étoit pour elle, qu’un
lieu d'exil ; que sa patrie étoit le Ciel ;
que naître, c’étoit mourir pour l ’ame ;
et mourir, étoit pour elle le retour à
une nouvelle vie, comme nous l’avons
vu plus haut.
‘ L ’initié , tant qu’il n’avoit été que
simple Myste (9), étoit resté dans le vestibule
du Temple; mais une fois admis
à l’Ipoptée , il étoit introduit dans le
sanctuaire. C'étoit une politique des
Prêtres d Eleusis , de ne pas tout montrer
en une seule fois ; mais de réserver
à d autres années d’autres tableaux,
afin de tenir en suspens la curiosité de
1 initié, à qui on laissoit toujours quelque
chose a desirer (10). 11 y avoit en
(6) Plut. inDcmetr. p. 900.
(7) Clem. Alex. Strom. I. J. p. 5r4,
(8; Clem. Strom. 7. p.. 782.
(9) Senec. Quæst. Nat. 1. 7 . ç. 3t.
jio) Termll. adv. Yataat.