G T O N U N I V E R S E L L E .
aboutissoit aux avant-cours «le l'Enfer,
Là siègent le deuil et les, soucis rongeurs
; les pâles maladies, la triste vieillesse,
la crainte, la faim aux mauvais
conseils et l’indigence hideuse ; la
mort ; le travail et la peine ; le sommeil,
proche parent de la mort; les joies criminelles
et la guerre meurtrière; et
une foule d’autres spectres affreux. Les
cruellçs Euménides habitent près de là
dans des loges de fer, ainsi que la ton-
gueuse discorde, dont la tête hérissée
de serpens est ceinte de handelettes
ensanglantées. On y voit aussi l’étable
des Centaures, les deux Scylla avec leur
double forme, le géant Briaré avec ses
peut bras, l’Hydre de Lerne, qui fait retentir
l ’air .d’horribles sifflemens ; la
Chimère , dont la gueule vomit des
flammes ; les Gorgones , les Harpyes ,
et le géant Géryon avec ses trois corp.s.
Il falloir traverser cette foule de fantômes
effrayans, avant d’enfiler la route
qui conduit aux bords de l’Achéron. On
rencontrait, sur la rive de ce fleuve, un
terrible nocher dans un habillement sale
et d’un aspect hideux ; une longue barbe
négligefe tombait de son menton ; ses
yeux étincelaient de feu, et un manteau
sale et déchiré retombait de ses épaules.
Quoique vieux , sa vieillesse étoit encore
verte et vigoureuse. Il repoussoit,
avec un ton dur et un air féroce, les
malheureuses ombres, qui se pré&entoient
pour passer, avant le.temps plus ou moins
long qu’elles étoient Condamnées à errer
sur ces tristes rivages. Lorsque le
moment de passer étoit arrivé pour elles,
il Iss recevoit dans une barque fragile,
et d’une couleur noirâtre, et les passoit
spr l’antre bord. L à , on tronvoit u»
cliien monstrueux à triple tête, l’une de
loup, l’autre de lion, et la troisième de
chien, qui faispit retentir tout le, voisinage
de ses terribles aboyemens. On
passoit ensuite à travers plusieurs plaines,
occupées par des. ombres séparées
f i) Plut, de ïsid. p. 37®»
(2) .AEneid. 6 , v. 548.
entre elles par leur habitation, comme
elles l’étpient par. le genre différent de
leur mort. L’entrée des enfers est habitée
par ceux qui sont morts à l’entrée
de la vie; çe sont nos Limbes. Venoient
ensuite ceux qui avoient été injustement
condamnés; après, eux ceux qui s’étoient
donnés à eux mêmes lamort de désespoir.
Plus loin erroient les victimes d’un malheureux
amour. Dans la cinquième enceinte,
on rencontroit les ombres des
guerriers. Ces cinq enceintes renfer-
moient tous ceux qui étoient morts de
mort violente, ou avant le temps fixé
par les, destins.
Après les avoir franchies toutes cinq,
on arrivoit à un carrefour, d’où par-
toieni deux chemins , l’un à droite,
l’autre à gauche ; le premier conduisoit
à l’Elysée, et le second au Tartare. Les
bienheureux passoient à droite, et les
malheureux coupables passoient à gauche
; et* chacun d’eux se rendoit au lieu
où la vertu, devoit recevoir sa récompense,
et le vice son châtiment. Cette
fiction sur la droite et la gauche, adoptée
par les Chrétiens dans la fable du
grand jugement , étoit fondée sur la
division des dëpartemens, que les anciens
Théologiens avaient affectés aux
deux principes, Ormusd et Ahriman,
l’un, source d.e bien et de lumière, l’autre
source de mal et de ténèbres, comme
nousleditPlutarque(i). Q’étoit làundes
dogmes des Pythagoriciens, cpù appe-
loient le bon principe le droit et le lumineux
, et le mauvais lé, gauche et le
ténébreux (m). C’étoit sur un rocher,, qui
s’élevoit à gauche, qu’Enée apperçut, les
forteresses du Tartare, et la triple muraille
, dont le pied est échauffé par les
ondes brûlantes du Phlégéton, qui roui®
le soufre enflammé (a).
C’étoit dans* ce, carrefour, au milieu
d’une prairie, que se rendoient les âmes
des morts, pour çomparoître devant le
grand juge , Minos (3) , qui remuoit
(3) Plato Gorgia, p. 524-
l’urne
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l'urne fatale. On lui associa Eaque et
îihadamante, et même le fameux Trip-
tolême des mystères, chargés de juger,
l’un les morts qui arrivoient de l’A sie
(1) , et l’autre ceux qui arrivoient
de l’Europe. Minos avoit l’inspection
souveraine 'des jugemens , comme président
du tribunal redoutable. A ses
côtés étoient placées les Furies vengeresses
et la troupe des Génies exécuteurs
de ses arrêts terribles (1). Cette prairie,
où siège le grand Juge,ressemble assez
à la vallée de Josaphat , où les morts
doivent se rassembler pour entendre
leur sentence prononcée par le grand
Juge,
La doctrine des Mages enseignoit, que
les amès se rendoient dans une vaste
campagne ou prairie semée d’aspho-
dèlé.
De ce carrefour partoient deux chemins
, dont l’un conduisoit aux îles
Fortunées , et l’autre au Tartare (3).
Tous ceux qui avoient véeu conformément
aux règles; de la religion et de la
justice, prenoient la route de l’Elysée ,
où ils alloient habiter, et affranchis de
tous les maux, ils dévoient y jouir de
plaisirs de toute espèce.
Ceux au contraire qui avoient commis
quelque action opposée à la justice et
à la religion, étoient envoyés dans une
affreuse prison appelée Tartare , pour y
subir le châtiment dû à leurs crimes.
Minos décidoit de la route , que chacun
des morts devoit prendre (4) , c’est-à-
dire , s'il passeroit à la droite ou à la
gauche. L ’ame.conservoit après la mort
toutes les flétrissures des crimes , qu’elle
avoit commis , et c’étoit d’après cés
taches que les juges pronon çoient. Platon
observe avec raison , que les âmes
les plus flétries étoient toujours celles
des rois et de tous les dépositaires
d’une grande puissance. Les flétrissures
(i) Cicer. Tuscul. 1. i , e. 4,1.
(■ '-) Lncian. Necy«mant. t. 1 , p. 307.
{ » Gorg.
34.' Ibid. p. 524.
ReL Urj.it. Tome IL
que leur imprimoient l’injustice, le parjure,
la vanité, l’imposture, la licence
et l’abus d’autorité, le luxe et la débauche
, les faisoient presque tous condamner
aux horreurs du Tartare. Une pareille
opinion, sans doute, devoit être un
grand contrepoids contre l’autorité despotique
, mais elle n’empêcha jamais les
Tyrans d’opprimer les Peuples.
Homère ne compte guères que des
Rois, parmi les fameux coupables punis
d’un supplice ; éternel (5) aux enfers;
Tantale, Tityus ét Sisyphe avoient été
des rois sur la terre ; et aux enfers, ils
étoient les premiers coupables qu’on
punît des supplices les plus affreux.
Les bons Rois étoient en petit nombre ;
cette remarque est de Platon. L ’homme
dépouillé de tout l’appareil de la grandeur
, de la richesse et de la puissance ,
paroissoit seul devant ces, juges sévères
(6), et n’avoit pour cortège que ses
vertus. C’étoit d’après l’examen de ses
vertus et de ses vices , que le juge pronon
çoit , et appoaoit sur son front le
sceau de son arrêt. On voit dans l’Apocalypse
que , parmi la foule des morts,
les uns portent sur le front le sceau de la
bête infernale ou du Génie des Tériebres,
et les autres le sceau de l ’Agneau. Les
Juges distinguoient, entre ceux qui dévoient
être punis, ceux dont les vices
n’étoient pas incurables'(7) , et ceux qui
l’étoient, afin de mettre aussi une différence
dans le supplice. Les uns alloient
dans un purgatoire passager, et leurs
supplices tournoient à leur avantage ;
c’étoit le seul moyen d’expier leurs
fautes. Les autres au contraire, livrés à
des tourmens éternels , étoient destinés
à servir d’exemple ; et c’étoit le seul
avantage qu’on retirât de leurs supplices.
Quant à ceux qui avoient bien vécu, et
qui avoient été toujours fidèles aux principes
de la vérité et de la Religion, tels
(5) Ibid. p. 51;.
(6) Ibid. p. J2&.
(7) Ibid. p. 525;
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