3>02 N O T E S D U T
Heures , îl est aisé de juger ce que c’est que mourir
pour Pâme; et ce que c’ est que-vivre pour elle,
quand on est bien d’accord sur ce qu’en doit entendre
par Enfers, lorsqu'on dit, queYame meurt,en y
pénétrant ; et qu’ elle v it , lorsqu’elle s’en éloigne.
Les chefs des initiations et des cérémonies religieuses,
chez les différens peuples , ont entendu souvent
par Enfers les corps memes, qui servent de
prison à Pâme ; c'est là son tombeau , suivant eux ;
l’oubli , que l’ame a ici bas de sa dignité originale,
est le véritable Léthé, dont elle a bü les eaux.
(a) Voici ce que dit Macrobe (Som.^cip. 1. i ,
c. 9 , p. 39 et 40 ) , sur la nécessité ou est l ’homme
ici bas de s’occuper des moyens de retourner à
son séjour primitif; et l’application qu’il y fait du
yv&Zti reâvlov : homini una est agnitio sue, si origines
natalisque principii exorcisa p’ ima respexerit , me se
quoesierit extra. Sic enirn anima virtutes ipsas cons-
çientia r.obilitatis indüitur , quibus pbst corpus tvtc-
ta èà, unde descenderae, reportatur , quia ncc corpo/ed
sordescit , ncc oneralur duvie , qua. pufô ac levi
fonte virtiftum rtgaiur, nec deseruisst coelttm videtter,
quod respecta et cogitât ionibus possidtbatur. Hinc
anima y quam in se pronam corporis usus effecit, at-
que in pteudem quodammodo refôrmavit ex homine*,
■ et absolutîoncm corporis ptrhorrescit et cum necesse
est.
Non nisi cùm gemitu fugit indignata sub timbras,
sed nec post rrortem facile corpus relinquit, quia non
funditiis omnes corporeae excedunt pestes , sed aut
suum oberrat eadaver, aut hovi corporis ambit habita-
culuni, non humant tantum sedftrini (metempsycos),
electo généré morïbus congruo quos in homine libenter
exercuit, mavultque perpeti omnia ut coelum , quod
vtl ignorando , vel dissimulando , vel potihs prodendo
deseruit , evadat.
(b) Je rappelerai ici le passage d’Apulée, que
j ’ai cité plus haut ( pars a , p. 3 ). « Je me suis
.» approché, dit Apulée (1), des confins de la mort.
» Ayant foulé aux pieds le seuil de Proserpine,
» j’en suis revenu à travers tous les élémens;au
» milieu de là nuit , le Soleil m’a paru briller
y> d’une manière éclatante ; j’ai été en présence
» des Dieux supérieurs et inférieurs , et je les ai ap-
» prochés de fort près etc. »
T e l étoit le but et les promesses de l’initiation, 4’Autopsie ou la vue intuitive de la lumière sacrée ,
au sein de laquelle réside la divinité.
(c) C ’est ainsi qu’Orphée, par l’initiation , dont
le but étoit de former l’ame par les vertus politiques
, amollit les hommes féroces , hinc mollire
tigres etc.
(d) Ainsi l’homme matériel , composé d’un
Corps animé d’une vie' brute, comme celui du
reste des animaux, est perfectionné par l’introduc-
(t) Apul. 1. 11.
(i) Symp. 1. 3 i QuæSt. 2 , p. 71*.
(3) D« Iside, p. 383.
(4) De Civit, Dei, 1. 10, c. p.
> M E S E C O N D.
tion d’une substance lumineuse r dont la vie est
raisonnable.
f c ) Plutarque ( 2 ) a un chapitre entier
de son Banquet , sur l’usage qu’on peut
faire des Mathématiques , pour retirer l ’ame des
objets sensibles, et l’appeler vers les objets intellectuels
et éternels, dont la contemplation est le dernier
terme de la philosophie, comme l ’Epcptée,
dit ce philosophe, l’est de l’initiation. C e sont ces
images éternelles et incorporelles , qiii , fixant toujours
l’attention de Dieu, font qu’il est toujours
Ditu. Ce sont là ces êtres réels ., dont la vision,
suivant Clément, est le terme de l’Epoptée.
( ƒ ) Le même Plutarque observe, que les
anciens , qui établirent les lois Théurgiques ,
les purifications et les abstinences, étoient persuadés,
qu’il n’étoit pas permis à un homme, qui a
le corps ou l’ame viciés par la maladie , ou par le
crime, d’honorer l’être pur , qui par sa nature est
exempt de corruption et de souillure (3).
(g) Augustin , d’après Porphyre, parle de l’effet
que produisoienr, sur cefte partie animale de l’ame,
les opérations Théurgiques ( 4 ) , connues sous ie
nom de Tdltes. Elles la rendoient propre à communiquer
avec les esprits et avec le; anges, ©t capables
de recevoir la vision des Dieux. Ceux qui faisoient
usage de ces sortes de purifications (5 ) , préten*
doient se procurer la vue de fantômes admirables,
soit d’Anges, soit de Génies, qu’ils pouvoient
contempler à l ’aide des yeux de cette partie de
l’ame ainsi épurée. Porphyre ajoute , que ces purifications
néanmoins ne servoient de rien à la partie
de Pâme purement intelligente, pour voir le premier
Dieu et les êtres vraiment existans ou le
monde intellectuel.
(h) On trouvera de grands rapports entre- le*
pratiques de l’initiation, et celles de Pythagore.
Car les disciples de ce dernier étoient de véritables
initiés à une philosophie sacrée. Le silence des
Pythagoriciens , et la maxime qu’il ne faut pasN
divulguer tout, à tous , répondait au secret ■ des
mystères (6). Comme les initiés avoient leurs formules
énigmatiques pour interroger et répondre ,
les Pythagoriciens avoient aussi leurs sentences
énigmatiques, ou apophtegmes sacrés, dont le sens
n’étoit entendu que d’eux , et par lesquelles ils se
reconnoissoient entre eux , en se questionnant. Les
initiés, comme les Pythagoriciens, s’abstenoient de
manger des fèves ( 7 ). Les initiés aux mystères
d’Orphée afîectoient, comme les Pythagoriciens ,
de ne rien manger, qui eut eu vie. Us se nourris-
soientdes fruits de la terre. Les espérances des Pythagoriciens
et celles de l ’initié étoient aussi les
mêmes, puisque les uns et les. autres espéroient,
qu’en épurant leur ame , ils obtiendroient la vision
(j) Ibid, c. 11. (O Diog. Laert. in AlexancT.
(7) Porphyr. de Abstin. 1. 4 , itf. Eutipid. Hippol.
v. 948—Ï4*
N O T E S D U T O M E S E C 0 N D.
des Dieux , et un accès facile à l’Elysée , dont k s
profanes seroient exclus. Ils avoient les uns et'les
autres leurs épreuves, leurs purifications, et con-
servoient plusieurs pratiques , qui venaient des
Egyptiens, chez qui Pythagore avoir puisé sa
doctrine, et dont les Grecs avoient emprunté leurs
initiations. On petit donc dire,que 1,’initiation Pythagoricienne
étoit Celle1 des savatis et des sages,
et que les autres étoient celles du peuple , la philosophie
et les mystères conduisant au même b u t ,
Savoir f à rendre à l’ame son retour facile vers lés
Dieux. Enfin, le grand dogme tic l’ame universelle,
celui de l*a descente1 du feu Ether dans la matière
grossière des corps , et de son retour plus ou moins
lent veis les régions éthérées, qui fait la base de
notre théorie .sur les mystères , étoit un des premiers
principes de la philosophie Pythagoricienne.
(?) On appeloit les âmes Melissàs, Abeilles , dans
le langage mystique ( Porphyr de antro Nymph.
p. 1*9 ) . On donnoit le même nom aux Prêtresses
de Cérès.
(/:) Plutarque, dans son traité d’ Isis ( p. 381 *
383 ) , dit que l’ame, tant qu’ elle est retenue ici bas
dans les liens du corps et sous l’empire des passions,
ne peut communiquer avec Dieu , qn’autant
qü’épurée par la philosqphie elle parvient à l’at—
.teindre par la pensée , et à en avoir une vue obscure,
teile que celle de l’esprit dans un songe.
Mais lorsque dégagée du corps , elle sa trouve
transportée dans uii lie u , hors des regards de
l ’homme, et de l’action des passions , alors Dieu
devient son ch e f et’son Rei. Toutes entières dépendantes
de lui, les âmes jouissent de sa contemplation
Sans satiété, toujours remplies du désir de cçtte
Beauté , que rien ne peut exprimer, et qui est au-
dessus de tout ce que l ’homme peut imaginer.
Isis, suivant une ancienne fable , se trouve éprise de
cette beauté, après laquelle sans cesse elle courtpour
l’atteindre. Elle cherche à faire couler les émanations
de Cette beauté , et de cette bonté divine,,
dans les êtres qui, sont liés à la matière par là génération,
c’est-à-dire ici," dans nos ames^tant qu’elles
habitent les corps.
(/) C ’est ainsj, que dans les cérémonies de l’initiation
( Themist. apud Stob. Serm. 119 ) , l ’initié
arrivé à la contemplation dè la lumière divine,
qui .éclairoit les riantes prairies de l’Elysée ,
dont on lui présentait l’image , jouissant des
spectacles les plus agréables et les plus impesans,
•e disoit enfin libre et dégagé de toutes les entraves;
et la tête couronnée de fleurs, se prome-
noit dans cet Elysée factice.
C ’est,sans doute, cet état de captivité, dont l ’ ame
se trouve dégagée par la mort , et même déjà
d’avance par l’initiation,, qu’on voulut représenter
dans certains mysrères, où. les initiés paroissoient
chargés de chaînes, avec des anneaux aux narines,
<i) Epiph. t. 3, c. 8r.
(a) Macrgb. Sarurnal, c, 8, p. 1^4.
3o3
la barbe longue et les habits sales. Ces mystères
étoient établis en Egypte , en honneur de Saturne
(i) . I l est assez vraisemblable, que le retour
aux Cieux et aux immortels , se faisant par 1«
Capricorne, domicile dê .^aturne , jusqu’à ce moment
l’initié restât chargé de fers ; mais sa liberté
devoit lui être rendue par ce signe. Par là on explique
cette liberté, que les Romains donnoient à
leurs esclaves, pendant quelques jours aux fêtes
Saturnales ; elle étoit une image de celle que
l’âme rêcouvroit sous le signe, où se célébroient ees
fêtes. Be-là l ’origine de dégager de ses liens Saturne
, dont la statue toute l’année étoit attachée
par les pieds avec des cordons de laine (2).
(m) C ’est.là te contact autoptique de l’ame avec
1-e règne intellectuel jet cette union avec l ’intelligence
démiourgique , dont parle Produs ( comment, in
Tim. 1. 2 , p. 92 ). Par son moyen , l’ame s’unit
au père, së repaît de la vérité de l’être ; et transportée
toute entière dans une lumière pure , elle
y jouit dafis-fou te sa pureté de fantômes et d’images
éternellement immuables. C ’est après avoir été délivrée
des erreurs de la génération , après avoir été
purifiée et éclairée de la lumière de la science,
que l’ame reçoit les rayons de la splendeur intellectuelle.
L ’intelligence , qui est en nous , conduisant
l’ame dans le sein du père, et l’ établissant
toute pure dans les intelligences démiourgiques ,
elle mêle Sa lumière à la leur, non pas comme fait
la science, mais d’une manière infiniment plus
belle, plus intellectuelle et plus uniforme. Voilà
un échantillon de la mysticité des Eclectiques , et
le dernier raffinement de la Métaphysique. Je pense
bien que ces idées n’ont pas été les premières , ni
faites pour tous. Jg les donne ic i, comme un exemple
du raffinement , que, dans les derniers siècles, l’esprit
philosophique porta dans la Mystagogie. Mais
il est Certain, qu’elles en ont fait partie: « Q u i ne
» conviendra pas, dit Proclus (3 ), que les mys-
» tères et les initiations retirent l’ame de cette vie
» mortelle et matérielle etc»? comme nous l’ avons
vu plus haut.’
(n) ( Pausan. Arcad. p. 247, 240. ) Le Prêtre et
la Prêtresse de Diane Hymnia , dans le territoire
d’Orchomène et à Mantiqée , étoient condamnés à
ime commence perpétuelle , et à des abstinences
de tout genre, et assujettis à un régime différent de
celui des autres hommes.
(p) Voyez Clément d’Alex. ( Strom. I. 2 ) , sur
les raisons qui firent adopter le régime de l’abstinence
par les anciens.
( q ) Diodore de Sicile prétend ( 4 ) , que si
les Grecs consacrèrent le Phallus dans leurs mystères
, ce ne. fut qu’à l’imitation des Egyptiens,
qui eux-mêmes n’imaginèrent cette cérémonie,
que pour perpétuer l’aventure d’Osiris , dont les
parties viriles furent coupées et jetées dans lç Nil paç
(3) Procl. in Polit. Platonis, p. gCq,
(4) Diodor. 1, 1.