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clence ne reprochoit rien, et qui étoit
sûr de son innocence.
On exigeoit de l’initié , qu’il eût le
coeur et les mains pures de toute espèce
de souillure ( 1 ). Porphyre (2) veut
que notre ame à la mort soit affranchie
de toutes passions , de colère, de
lraine , d’envie , etc. enfin aussi pure ,
qu’elle doit l’être dans les mystères.
Nous ne devoîis donc pas être surpris ,
qu’on ait refusé d’admettre à l’initiation
(3) les parricides et les parjures,
et les autres criminels, coupables envers
les hommes et les Dieux.
Dans les mystères de Mithra, on
ïàisoit aux Initiés un sermon sur la
justice ( 4)- C’étoit à quoi se rapportent
tout l’appareil mystérieux des initiations
, savoir à rappeler l’homme à la
justice, en liant cette justice à. celle des
Dieux qui l’ordonnent et la vengent.
Gettte idée est renfermée dans ce vers
de Virgile, auquel se réduisent ces
leçons de l’initiation : '
•c Discitc justitiam e t non temnere divosv*.
L ’incrédulité, leplus grand des crimes1
aux yeux d’un prêtre, en fit exclure ( 5 )
nommément les Epicuriens, et la rivalité
les Chrétiens. L ’initié ne pouvoit prétendre
aux faveurs des Dieux, que parce qu’il
respectoit les droits de la société ,
et ceux de l’humanité. « Le Soleil,
» dit le choeur des Initiés dans Aristo-
» phane'(é) , brille d’une lumière pure
» pour nous seuls, qui, admis aux mys-
» tères , observons les règles de la piété
» dans notre conduite avec les étrangers
» et avec nos conoitoyens ». Les récompenses
de l’initiation étoient donc attachées
à la pratique des vertus sociales.
Il ne suffisait pas d’être initié ; il
falloit être fidèle aux loix de l’initiation
, qui impo6oit à l’homme des défi)
Libanius, Declam. 19.
D) Porphyi. <iü Styg. apud. Stob, 1.1 , p. 142.
{3) Orlg. cont. Cris. 1.4. Arm. Ran. v. 360--65.
(4) S. Justin, adv. f iyj’h. p . 176.
(5) Luùan. ui Pseudo-Mant, t. 1 , p. 889.
I I V E R S E L L E.
voirs à l’égard de ses semblables. Bac-
chus n’admet à la participation de ses
mystères, que les hommes qui se conforment
aux règles de la piété et de
la justice (7). Euripide met dans la
bouche des femmes , qui forment le
choeur de la tragédie des Bacchantes1,
un éloge de ces cérémonies religieuses,
lorsqu’elles disent que ces mystères ne
mènent jour et nuit qu’à des ohoses
honnêtes. La sensibilité sur-tout, et la
compassion pour les maux d’autrui,
étoient des vertus précieuses , que l’initiation
cherchoit à entretenir. La Nature,
dit Juvénat ( 8 ) , nous a fait compa-
tissans, puisqu’elle nous a donné les
larmes. La sensibilité est le plus béait,
de nos sens. Quel est l’homme , vraiment
digne du flambeau des mystères,
et tel que le Prêtre de Cérès veut qu’il
soit, qui regarde les malheurs d’autrui,
comme lui étant étrangers ? C’est ce
que les Chrétiens ont appelé la charité,
que faussement ils attribuent exclusivement
à leur secte. Tous ceux qui
n’a voient point fait leurs 1 efforts pour
arrêter une conspiration, etquil’avoient
au contraire fomentée ; les citoyens qui
a voient trahi leur Patrie, qui avoient
livré un poste avantageux, une placé
à l’ennemi , des vaisseaux ; qui lui
avoient fourni de l’argent ,• etc. en général,
tous ceux qui avoient manquéaux
devoirs de l’honnête homme et du bon
citoyen, étoient exclus de la communion
aux mystères d’Eleusis (9 ). H
falloit, pour y être admis, avoir vécu
avec équité, et même avec assez dé bonheur
, pour que l’on ne pût pas être
regardé comme un homme bai des
Dieux (10).
Jean , dans son Autopsie ou Apocalypse,
a exclu des bienfaits de l’initiation,
non-seulement-c,eux qui n’étoient point
initiés , ou inscrits sur te livre de
(6) Aristoph. Ran. 457— 62.
(7) Diod. I. 3 , - c. 64.
(8) Juvenal. Sat. 1. 6, r. 140.
(9) Arist, Ran. 362— 48.
(10) Orig. çuntr. Cels. 1. 3.
. . R E L I G I O N U
l’Agneau , mais encore ceux qui ne
pou voient jamais prétendre à y être
inscrits, parce qu’ils étoient souillés de
crimes ( 1 ) ; il n’entrera dans son Elvsée
ou dans la ville Sainte, aucun jle Ceux
qui commettent l’abomination et le mensonge.
A ce titre, les chefs d ’initiation ,
qui, pour gouverner les hommes , ont
imaginé de telles fictions, auroient dû
en être exclus. Il ordonne, qu’on laisse
dehors (2) les empoisonneurs, les cyniques
, les impudiques, les homicides,
les idolâtres, et quiconque aime et fait
le mensonge. Ils auront pour partage
le bourbier, ou l’étang de feu et de
soufre. C’est dans ce gouffre, que seront
précipités tous ceux qui seront
souillés de crimes, ainsi que ceux dont
les noms ne seront pas écrits dans le
livre de vie, c’est-à-dire, les profanes
ou les non - initiés aux mystères de
l’Agneau , lesquels seront jetés dans
l’édang de feu avec le Diable, ou avec le
grand Serpent qui a séduit le monde,
ce Serpent fameux dans tous les mystères,
et sur-tout dans ceux de Bacohus,
Car toutes les Mythologies etnt à-peit-
près la même physionomie, et un air
de famille, qui décèle leur origine commune,
la mysticité orientale. On voit
donc , que la société des Initié« étoit,
dans le principe., et suivant le véritable
but de son institution , une
société d’hommes vertueux, qui tra-
vailloient à épurer leur ame des passions,
qui nuisent au bonheur de chaque
homme en particulier, et de la société
en général, et à développer le germe
de toutes les vertus sociales. C’estd après
cette idée qu’en avoit Arrien (3) , qu’il
assure, comme nous l’avons vu plus
haut, que les anciens n’avoient créé
ces ’institutions religieuses , que pour
perfectionner notre éducation et rectifier
nos moeurs. C’est donc dans Ce
seiw qu’on doit entendre, que l’entrée
de l’Elysée étoit accordée aux seuls ini-
(1) Apôeal. c. 2 1 , v. 27,
(») Ibid, c. 22, V, ij.
N I V E E S E l I t , 4i
tiés, parce que celle des Sanctuaires
ne l’étoit qu’a la vertu , et que l’Elysée
n’avoit été créé , que pour les âmes vertueuses.
C’eSt ce que nous allons voir pattes
détails, où nous allons entrer sur
cette opinion philosophique, imaginée
par tes anciens Législateurs, et que le*
Poètes , les Mystagogues et tes Philosophes
enseig-noient chacun à leur manière.
La doctrine des. peines et des récom penses
enseignée dans les Sanctuaires
y est restée dans une espèce d’obscurité
, par une suite de l'esprit de
mystère des anciens Mystagogues ;
mais comme elle a été ensuite enseignée
plus ouvertement par les '-Poètes
et par les Philosophes, qui crurent de voir
la propager pour 1e bien des sociétés,
ce sont eux qui vont nous donner le
développement de toute cette fiction
religieuse. Homère , Virgile et Piéton
sur-tout ont traité cette matière avec
quelqu’étendue ; et d’après le rapprochement
que nous allons faire de leurs
descriptions, il nous sera facile d’ap-
‘percévoir, que la distinction des vices
«rides vertus étoit proprement celle
qui régloit le sort des hommes après
la mort, ét que 1e caractère seul d'initié
ne sufïisoit pas pour jouir du bonheur
promis dans l’Elysée. En général
nous remarquerons, que le grand but
de-ceux qui inventèrent cette fiction,
fût d’intimider 1e vice, et d’encourager
la vertu ; en conséquence d’ap-
pUyer la morale, et par une suite nécessaire
tes ’loix , dont la morale èst
la plus sûre base. Mais on méprisa assez
les_ hommes, pour croire qu’ils ne pou-
voient être vertueux, sans Tartare et
sans Elysee | - comme1 si la conscience
de l’homme de bien n’étoit pas une
jouissance ét un véritable Elysée, et le remords
du coupable un supplice et un vrai
Tartare.
Jamais qn n’eut de la terre e t de ses
habitansufle description aussi-complète ,
{3) Comment, in Epictet. 1. 3, c. î i .