Un homme à tête ou à cornes de
bélier, ou accompagné du bélier, fut
substitué au Bélier ; et un homme à
tête ou à cornes de taureau, ou monte
sur le taureau , fut substitué au taureau
, soit vivant, soit fondu en métal
ou taillé en pierre. Pour éviter
les unions monstrueuses , on se contenta
déplacer le Bélier ou le Boeuf à côte
ou sous les pieds du Dieu, dont la tête
autrefois étoit armée des cornes de ces
animaux, qui primitivement étoient représentés
au naturel & tout entiers. Examinons
d’abord le symbole le plus ancien
, celui où l’animal entier étoit présenté
à l'adoration des Peuples, & pré-
nons pour exemple les animaux vivans,
telsquelesboeufssacrésdel’Egyptejleplus”
fameux de tous étant Apis, c’est àlui que
nous allons d’abord nous attacher.
Dans nos articles Osiris & Bacchus ,
nous avons déjà annoncé l'identitédeces
dieux avec Apis ou avec le Boeuf sacré
des Egyptiens, & les rapports des uns &
des autres avec le Taureau des constellations
& avec l’Astronomie. Ces rapports,
que nous n’avonsindiquéalors que d’une
manière indirecte , nous allons les développer
ici d’une manière expresse &
plus directe, dans l ’examen des caractères
symboliques du fameux Apis adoré
en Egypte.
Le Boeuf Apis, nous dit Macrobe, (i )
à l ’article du ^«.ureau des* constellations
, & des Tjùreaiix sacrés de l’Egypte
, étoit reçu à Memphis avec toute
la vénération, que l’on avoit pour le Dieu
Soleil, à qui les Taureaux sacrés se rap-
poi toient, sous plusieurs points de vue ,
si on en juge par le but du culte Egyptien.
Les lia bilans de la ville du soleil ou
d’Héliopolis adoroient, sous le nom de
Ne ton ou de Dieu , un Taureau consacré
à l’Astre du Jour. Dans la villed’Her-
muntis, Apollon ou le Dieu de la lumière
avoit un magnifique temple, dans
lequel on rendoit des hommages à
(1 ) Macroh» Saturn l. I. c» ai,
(2) Plutarch de Isid. p-. 362— 369.
(g) Diod. Li.p. StraM. 17* p»
un taureau consacré au soleil. Cet animal
sacré portoit le nom de Baccis,
& par les nuances variées & changeantes
de sa couleur & la position des
poils de son corps , iL présentoit, dit-on,
l’image de plusieurs attiibuts du Soleil,
& qui tiennent à la nature decet astre. Oa
le regardoit, dit Macrobe , comme une
image du Soleil, qui va en rebroussant
contre l ’ordre des signes. Ces expressions
symboliques, & ces rapports avec1 ancienne
Astrologie vont devenirt i ès-sen§i-
bles, dans l’examen que nous allons faire
du Boeuf de Memphis ou d Apis, que Macrobe
nous dit avoir reçu les hommagès,
que l ’on rendoit à la divinité meme du
Soleil.
Apis on le Boeuf sacré des Egyptiens,
honoré à Memphis , étoit, suivant^Plu-
tarque (2), l’image brillante de l’ame
d’Osiris.La plupart des Prêtres disoient,
qu’Apis & Osiris retraçoient la même
idée théologique ; d’autres , que l ’ame
d’Osiris avoit passé dans Apis, & même
qu’Apis & Osiris étoient absolument la
même chose : d’autres enfin assuroient,
que les deux Taureaux Apis & Mnevis
étoient consacrés à Osiris. (3)
Mais nous avons fait voir dans notre
chapitre 2, qu’Osiris etoit le Dieu Soleil -,
& que toutes les aventures d’Osiris s’ex-
pliquoient par le mouvement de cet astre
, comparé avec la marche des autres
astres, par-ses allées & ses retours, d un
tropique à l ’autre. Donc puisqu Osiris
& Apissont la même chose , & qu’A pis
ou leTaureau deMemphisest l’image
d’Osiris, il s’ensuit qu’Àpisestle Soleil,
ou au moins l’image du Dieu Soleil,
appelle Osiris. Apis en étoit l’image
animée, pour rue servir de l’expression
de Plutarque ( 4 )•
C’est par une suite nécessaire de cette
conséquence, qu’Apis, comme nous l ’apprend
Porphyre ( 5 ) , portoit sur son
corps plusieurs marquescaractéristiques,
qui se rapportoient au Soleil & à là
Plurar. de ïside p. 368-
(jjj Euseb. præp. Evan. 1. 3, c. q p »
Lune, St qui, sans doute, étoient relatives
à la néoménie ou à la conjonction
de ces deux astres dans un des signes
célestes, comme nous le dirons bientôt.
A quel s:gne doit se rapporter cette conjonction
, exprimée par l’emblème vi-
I vaut connu sous le nom de Boeuf
àpis ? Il est tout naturel de la rappor-
I au signe du Taureau , comme nous
avons rapporté le Bélier de Thèbes au
signe céleste du Bélier. Non-seulement
c’est une vérité, qui résulte du principe
Mystagogique des Egyptiens , qui, comme
nous l’avons dit , représentèrent le
Dieu Soleil avec les formes des signes,
auxquels il s’unissoit chaque mois , &
sur-tout aux époques des quatre saisons
; mais c’est une vérité, qui nous est
formellement attestée par Lucien. Cet
auteur nous dit, (1) que les Egyptiens
révèrent un Taureau vivant, en honneur
du Taureau céleste. Que le Boeuf
Apis est un des objets les plus sacres
■ deleur culte; qu’il a ses oracles soumis
à l’inspection des signes et qu ils se tirent
du Taureau céleste. Que les Libyens,
qui, peu de temps après, adoptèrent les
principes de la science de la divination,
établirent leur oracle d’Ammon, lequel
est aussi soumis à l ’influence des cieux ;
que c’est pour cela, qu’ils représentent
leur Dieu Ammon avec une tête de Bélier.
Lucien avoit dit plus haut, que les
peuples d’Egypte, soumis à l ’aspect du
Bélier céleste, rendoient un culte à cet
animal consacré chez eux. Il est donc
clair, par tout ce que nous venons de
dire , que le culte du Boeuf Apis se rap-
portoit au Soleil en général & en particulier
au soleil du Taureau ou du
signe, qui suit immédiatement le Bélier.
Examinons maintenant ses rapports
avec la Lune , dont l’union avee le Soleil
donnoit la néoménie équinoxiale
du printemps, que nous prétendons
avoir été représentée par Apis ou par
CO Lucian de Àstrol. p. 986 - 987.
£2 ) Amm. Marc. I. 22. p. 245,
l’im n ge vivante dn Taureau, dans lequel
arrivoit la conjonction de. deux grands
astres, qui donnent la vie & le mouvement
à toute la nature sublunaire. Nous
avons déjà cité plus haut le pass ge de
Porphyre, qui atteste, que la Boeuf Apis
portoit sur son corps des marques distinctives
, qui se rapportoient au Soleil
& à la Lune , & conséquemment qui
le lioient, comme symboles, à ces deux
astres, lesquels par leur conjonction donnent
une néoménie. Ces rapports avec
la Lune étoient si marqués & si connus
en Egypte, que plusieurs Auteurs ont
pensé, qu’Apis étôit consacré exclusivement
à la Lune,* tant il avoit de caractères
analogues à la nature de cette
planète.
Suidas dit, qu’Apis est une Divinité
des Egyptiens, & qu’il est spécialement
consacré à la Lune, comme Mnevis l’est
au Soleil. Ammien Marcellin prétend
également (2), que les boeufsconnus sous
les noms de Mnevis & d’Apis , sont les
animaux sacrés les plus révérés en Egypte,
& cela dès la plus haute antiquité. 11
ajoute, que Mnevis est consacré au Soleil,
& Apis à la lune. Elien (3), dans
son traité des animaux, dit aussi que les
Egyptiens ont consacr é le boeuf Mnevis
au soleil , St le boeuf Apis à la lune.
Porphyre cité par Eusebe ( 4 ), dans le
passage dont nous venons de parler,
non-seulement atteste, que le boeuf Apis
a des marques caractéristiques de la
lune aussi bien que du soleil, mais il dit
expressément, que le Boeuf appelé Apis
étoit consacré à ht lune, & que celui,
qu’on nommoit Mnevis, étoit consacré
au soleil, dans le temple d’Héliopolis ou
de la ville du Soleil.
A l’appui de ces témoignages , nous
pouvons ajouter l’examen des caractères
symboliques imprimés sur le corps
dn boeuf Apis , parmi lesquels il s’en
trouve plusieurs, qui expriment, de U
(g) Fl'an de animal. 2. 11. c. 11.
(4) Porphyr. apudEufeb. L 3.