hommes., et détaché leur ame de la
matière , dans laquelle elle se trouve
unie, dans la prison du corps. L’Elysée
, dit Platon , est pour ceux , qui
ont été suffisamment purifiés par la Philosophie
; qui leur a appris à repousser
les attraits des passions qui attachent
l'aine au corps , et à rejeter toute parure
étrangère à celle, qui.doit faire-l’ornement
de Paine. Le désir de voir, la
vérité, et d'arriver à l’Autopsie , nécessitait
dans l ’initié le dépouillement des
passions , et le dégagement des sens
et de la matière. Socrate (1) etoit persuadé
, que les causes de toutes choses ne
pouvant être apperçues que par un esprit
épuré, il falloit commencerpar le purifier
de toutes les passion s terrestres, le décharger
de leur poids, afin qu ayant recouvre
sa vigueur naturelle , il put s’élever à la
Contemplation de Dieu , ou de cette lumière
incorporelle et immuable , dans
laquelle subsistent et vivent les causes
des natures créées ; ce que Clément
d’Alexandrie, en d’autres termes , appelle
les choses réelles dans la nature.
C'est Saint Augustin, qui nous rapporte
cette opinion de Socrate (2). Le même
auteur nous apprend aussi,que Porphyre
âvoit fait un ouvrage , sur le retour de
l’aine vers son principe , dans lequel
il répétait souvent cette grande maxime.
« Il faut fuir tout ce qui est corps,
33 afin que l ame puisse facilement se
» réunir à Dieu , et vivre heureuse avec
3> lui 33. Cet axiome étoit tout entier
dans les principes de la Philosophie
Platonicienne, consignée dans le Phédon
et dans le septième livre de la République
de Platon (3) , où ce Philosophe
disserte fort au long , sur la descente
de l’aine dans l’antre souterrain, et sur
sa captivité dans 1 obsoure prison du
corps , dont les affections sont pour
elle un grand obstacle à la contempla^
tion delà vérité. Platon çoncluoitde-là,
qu'il falloit soustraire l'aine à l ’euipu,
(1) August. de Civ. P s i . i .S 1C. i .
(2) Aug. ibid. 1. iv , c. 29.
(3) Plat. Rïp. 1- 7 , p. 519, etç.
des sens, et la garantir d’un commercé
trop intime avec cet ennemi domestique.
Or le but principal de la Philosophie
étoit d’opérer ce fameux divorce
, que Plotin et Platon appellent
la mort philosophique ( 4 ) » ou la vie
de l’intelligence , l’affranchissement de
l’ame , et son retour vers la Divinité.
Ce but moral , que se proposoit la Philosophie
, dans l’étude des vérités abstraites,
la Religion se proposoit de l’atteindre
, par lés opérations théurgiques
et par lesTélètes , ou les initiations.
C’étoit là le grandouvragede l’initiation,
dit Hiéroclès (3) , ou de l’art télestique ,
savoir, de rappeler l’ame vers les véritables
beautés , et.de les lui rendre prp-
pres et familières ; de la délivrer de ses
peines et des maux , qu’elle endure
ici-bas , où elle est enchaînee dans la
matière, comme dans une obscure prison
; de lui faciliter le retour vers les
célestes clartés , et de l’établir dans les
îles fortunées , en la restituant à son,
premier état. Par ce moyen , lorsque
le temps de la mort sera arrivé , l’ame
dépouillée de son. vêtement mortel ,
qu’elle aura laissé sur la terre, se trouvera
plus légère et plus leste, en quelque
sorte, pour entreprendre le voyage vers
les Cieux. C’est alors , qu'elle sera rétablie
dans son ancien état, et associée à
la nature .divine , autant qu’il est
permis à l’homme d’approcher de la dignité
des Dieux.
Plutarque, dans son traité d’Isis , sup-
\ pose , que les initiés aux mystères de
la Déesse se proposoient le même but,
la contemplation de lu Divinité , la
vue du premier Dieu , ou du Dieu intellectuel
, qui cohabite avec elle , et qui
en est inséparable. Il compare Isis a la
science , et Typhon à l’ignorance , qui
obscurcit la lumière de la doctrine sacrée,
dont le flambeau éclaire l’ame de
'initié. Tln’est point, selon lui, de bien,
plus précieux que l’homme puisse dc-
(,;} Macro’». Som. Scip. c. 13 , p, 51.
jjjj tiieroc. in AurçaCarm. p. 31®,
mander aux Dieux , ni ceux-ci lui accorder
, que la connaissance de la vérité
(/>)■ , et celle de la nature des Dieux,
autant que la foiblesse de notre raison
nous permet de nous élever jusqu’à eux.
Désirer, suivant lui , la Divinité , c’est
désirer la.vérité, et sur-tout celle qui
a pour objet les Dieux. Les Valentiniens
appeloient l’initiation la lumière (1). La
jouissance de cette lumière étoit le fruit
le plus précieux del’Epoptée, On arrivoit
à l’Epoptée , dit Psellus(s), lorsque l’initié
etoit .admis à voir les lumières 'divines.
Pçnthée,dans Euripide (3) , demande
à Bacchus, qu’il ne connoît point,
et qu’il prend pour un Mystagogue
Lydien , s’il est vrai , qu’il ait vu le
Dieu , dont il apporte les mystères ; et
comment il étoit fait. Celui-ci en convient;
mais il ajoute, que ce Dieu s’est
fait voir , Comme II lui a plu , et qu’il
ne veut point entrer dans des détails
sur ce point. Clément d’Alexandrie (4),
imitant le langage d’un initié aux mystères
d« Bacchus , et invitant cét initié ,
qu’il appelle un aveugle , comme Tiré-
sias, à venir jouir de la vision de Christ,
qui va briller à ses yeux avec plus d’éclat
que le .Soleil , s’écrie : ô mystères véritablement
saints ! ô lumière pure ! à la
lueur du flambeau du Dadouque , les
Cieux et la Divinité s’offrent à mes
regards danscetteEpoptée. Je suis initié
je deviens saint. Ces derniers mots nous
donnent, le véritable but de l’Epoptée
et de l’initiation ; d’être sanctifié et
de jouir, à ce titre, des visions divines.
On promettait à l’initié à Samothrace,
qu’il seroit saint , qu’il seroit juste. Le
Seigneur, continue Clément, fait la fonction
(PH iéro pliante dans ces mystères ;
il nxmine rie son sceau l ’initié, qu’il
éclaire de sa lumière ; et pour récompenser
sa foi ^ il le recommande à son père,
comme un dépôt précieux , qn’il garde
(1) Epiph. t. 1.
(2) Psellus ad Oracul. Zoroast.
(3) Euripid. in Bacch. v. 476.
Ul Clem. Piotrepr. p. 74. . , s
239
dans tons les siècles. Voilà quels sont
mes mystères et nies orgies. Faites-vous
aussi initier, et vous formerez, avec les
Anges, le cortège de ce Dieu, qui n’est
jamais n é ,. qui ne périra jamais, le seul
qui soit véritablement Dieu. Ainsi parlent
Clément, dans un discours , où il
fait allusion aux cérémonies anciennes
de l’initiation , dont il transporte les
images et les formes symboliques dans
l’initiation aux mystères de Christ. Le
même Clément (5) , en parlant du Baptême,
qui -est le signe de la régénération
, l’appelle une excursion , une sortie
hors de la matière-. Par-là, dit-il, le Seigneur
retire les âmes des fidèlss hors
de la confusion èt du désordre ; il les
illumine et les conduit à la pure lumière
, qui n’est mêlée d’aucunes ténèbres
et qui n’a rien de matériel. L’initié,
élevé à l’Epoptée, étoit un Voyant.
Eusèbe lui-même (6) , expliquant le mot
heber, Hébreu , dit qu’il signifie celui
qui passe au-delà , et qu’il fut donné
à ceux , dont la Philosophie religieuse
franchissoit les limites du monde visible,
et passôit jusqu’au sein du monde intellectuel
, et dans la lumière divine,
où sont les êtres invisibles et cachés.
Un Israélite étoit v.n Vayant (7). Salut,
nouvelle dumièi-e , s’écrioit un initié
aux mystères de Bacchus.
Tel étoit le véritable effet de l’Epoptée
; elle éclaircit l’ame des rayons de
la Divinité , et elle deyenoit pour elle
comme l’oeil , avec lequel , suivant les
Pythagoriciens , elle contemploit le
champ de la vérité (8) , dans ses abstractions
mystiques , où elle S’élevoit
au-dessus du corps , dont elle -arrêtait
l’action , pour rentrer en elle-même,
afin d’être toute entière occupée delà vue
de la Divinité et des moyens d’acquérir
de la ressemblance avec elle.
Macrobe , dans son commentaire
(5) Clem. Eclog. Proph. n. 2, v. , p. 99$.
(6) Euséb. Pr<ep. Ev.
(7) Isid. Orig. Firm. de Error. Pr©£ Rel. p. 3$#
(tf) Hierocl. p. 3Ç1.