» est environné de tant d’écueils». Le
Docteur répond, « quêtons les hommes
» ne sont pas capables de cette haute
» sagesse, qui fait renoncer au mariage ;
» qu’il n’y a que ceux à qui ce précieux
j» avantage a été donné par le Ciel ». Il
vanteensuite ceux qui se sont fait eunuques
pour gagner le royaume des Cieux.
Il faut convenir,qu’une pareille initiation
ne tend pas, comme celle d’Orphée, à
peupler les villes et à propager l’espèce
humaine. L’homme-, persuadé de cette
fausse morale , doit eh quelque sorte
être humilié des besoins du mariage,
que la Nature n’a rendus si impérieux,
qu’afin dé réparer la perte de notre espèce.
Voilà donc encore le but de la
Nature contrarié par la religion , qui
devoit au contraivfe y rappeler l’homme,
lorsque des passions trop fortes l’en
écartent.
Quel conseil plus propre à jeter le
désordre dans les sociétés, que celui de
s’ériger en censeur des fautes d’autrui,
d’aller les lui reprocher en face , sous
prétexte de chant©, et de le traiter ensuite
avec dédain et outrage, s’il n’é-
Coute pas nos avis ? C’est cependant ce
qui est conseillé dans ces livres'meryeil-
leux , oh l’on dit qu’après avoir repris,
d’abord seul, ensuite avec témoins , un
hdmme qui nous a manqué, nous le dénoncions
à l’Eglise ; et s il n écouté pas
l’Eglise , nous le traitions comme un
païen et un publicain (i). Combien de
fois on a cruellement abuse de cet affreux
conseil dans les persécutions, soit
sécrètes, soit publiques, qu on a si souvent
exercées,sous l’apparence du zèle et
sous le prétexte de la religion ! Voilà
donc ce qu’on appelle des vertus, en
style Chrétien.
Il est d’autres préceptes absurdes, impraticables,
et même inintelligibles (h) ,
tels que celui-ci : renoncez à vous-même.
Celui qui se voudra sauver soi-même,
se perdra. Que signifie cette renonciation
à soi-même? Veut-on dire que
(i) Math. c. i8> v. iê,etc.
l’homme doit renoncer à son opinion,
quand elle est sage, pour en prendre une
fausse ; renoncer à son bien-être, pour
se rendre malheureux ; renoncer à ses
désirs, à ses affections, à ses goûts, à ses
liaisons , pour s’anéantir dans une
apathie religieuse ? Cette expression est
bien-différente de celle des anciens philosophes
, qui vonloient au contraire
que l’homme renonçât à tout ce qui lui
' est étranger, pour n’apprécier que lui-
même, c’est-à-dire son ame. Je suis encore
à deviner ce que veut dire ce précepte
, renoncer à soi-même, à moins
qu’il n’annonce une abnégation formelle
de toutes nos facultés intellectuelles,
pour s’abandonner aveuglément ’a des
conseils d’une perfection chimérique et à
une vie pénible pour nous, et infructueuse
pour la société ?
Nous ne suivrons pas plus loin l’examen
de cette prétendue morale , qui n’a
de bon que ce qui n’estpoiiit à elle, et dont
la perfection a, dit-on, excédé toutes les
bornes de la sagesse humaine, et a
passé pour être divine , comme si tout
ce qui sort des bornes de la raison et de
la sagesse , pouvoit encore être de la
raison et de la sagesse ; comme si l’épithète
de divine empêchoit qu’une chose
qui excède la sagesse , né fût en bon
françois une chimère , une puérilité,
une sottise. La sagesse, comine l'a vertu,
réside dans un juste milieu, én-deçà et
au-delà duquel on ne la trouve plus.
Que dirai-je maintenant des exemples
que cette religion nous propose à
imiter comme ses plus parfaits ? Ils sont absolument
conformes à ses dogmes , c’est-
à-dire ridicîdes, absurdes, extravagans.
Quels sont les héros de cette religion,
les grands modèles qu’on nous met sous
les yeux? Pas un homme recommandable
par des vertus véritablement sociales
et patriotiques, par son dévouement
pour la chose publique, par des
découvertes utiles, et par ces qualités
privées, qui caractérisent un bon père,
(s) Marc. ti,8,v. J4i )ïun
on bon époux, un bon fils, un bon frère,
on bon ami, un bon citoyen ; ou si par
hasard il a une de ces vertus, elles ne
sont que l’accessoire de son éloge. Ce
qu’on loue en lui, ce sont de3 austérités
, des abstinences, des mortifications,
des pratiques pieuses , ou plutôt superstitieuses
; un grand, zèle pour la propagation
de sa folle doctrine, et un oubli
de tout pour suivre sa chimère. Voilà
ce qu’on appelle des saints, ou les parfaits
de cette Secte d’initiés. Il suffit de
jeter un coup d’oeil sur la1 vie de nos
saints , pour être convaincu de cette
vérité. Que sont-ils en effet pour la plupart
? des enthousiastes, des fanatiques
ou des imbécilles, qui à force de religion
ont abjuré le sens commun , et qui,
comme les Fakirs de l ’Inde dont ils
étoient disciples , en ont imposé au
peuple par des tours de force , tels, par
exemple , que celui du Stylite , qui se
tient debout sur un pied, perché sur une
colonne pendant vingt ans, et qui croit
qu’il doit en conséquence arriver plutôt
qu’un autre à la céleste patrie. Je rou-
girois de rappeler un. plus grand nombre
d’exemples des vertus sublimes,que
l’on récompense dans notre Elysée , et
de suivre la liste des héros, auxquels on
nous propose de ressembler. J’invite ceux
qui auront le loisir et la curiosité de la
parcourir É à se munir de patience , et
je leur défie dans toute cette horde de
Saints d’en trouver un , dont la conduite
et . les prétendues vertus soutiennent
Pèxamen, je*' ne dis pas d’un esprit
vraiment philosophique , mais d’un
homme de bon sens.
D’après ces réflexions , il ne nous
sera pas difficile de déterminer le degré
d’estime,que nous devons accorder à une
initiation, dont la doctrine est presque
toute entière destinée à imaginer aes
crimes et des vertus qui na sont poin t dans
la nature ; à consacrer des absurdités et
des pratiques superstitieuses que la raison
reprouve jetàempoisonnerles jouissances
les plus douces de la vie , en présentant,
comme des crimes,ces foibles dédomma-
■Relig. Univ, Tome II,
gemens de nos peines, que la nature a
mis dans le peu de biens et de plaisirs
, qu’elle a mêlé aux soins et aux
maux qui affligent si souvent notre vie.
Falloit-il donc faire les frais d’une
initiation, pour mettre au nombre des
forfaits les jouissances de l’amour , qui
ne sont pas autorisées par la permission
d’un Mystagogue, pour contrarier àcha-
que instant ce voeu impérieux de la nature
, condamner ce sentiment si naturel
que le grand homme a de sa
propre grandeur, et qui est lame et le
ressort des grands talens, substituer aux
lumières de la raison une aveugle crédulité
qu’on érige en vertu , séquestrer
l ’homme de la société , lui commander
des abstinences et des mortifications, qui
épuisent son corps pour une plus grande
perfection de son ame, le forcer à plier
le genou devant un imposteur, mille
fois plus vicieux que celui dont il veut
tirer le secret et l’aveu des foiblesses ,
pour le tyranniser plus sûrement, l’ap-
pâturer d’une colle insipide , métamorphosée
en Dieu , l’obliger à jeûner,
quand il a faim , à se tenir à genou,
dans une posture gênante, quand il
pourroit être mieux assife ou debout,
rétrécir son esprit, asservir sa raison ,
tourmenter son ame par de vaines
frayeurs , lui rappeler sans cesse des
vérités dures sur son néant, sans qu’il en
résulte d’autres effets, que d’aigrir ses
maux en y pensant toujours, l ’investir
de crimes chimériques , comme si la société
n’en eonnoissoit déjà pas assez
qu’elle dût punir : falloit-il qu’il en coulât
tant d’o r , tant de sang à l'humanité,
pour établir une telle religion ? je vous
en prends à témoins, plaines sanglantes
et ruines fumantes de la Vendée? Il faut
convenir, que s’il y avoit un Tartare ,
il devroit être pour de tels Docteurs ,
puisqu’ils ont dégradé notre raison ,
augmenté la somme de nos manx, et, par
leur esprit d’intolérance, fait de cette
Religion le plus grand fléau q qui rit
jamais affligé la terre , en armant e
poignards ses initiés contre tous ceux c à
Y *