Cette môme fiction est encore
rapportée dans le chant suivant beaucoup
plus en détail par Tirésias ,
lorsqu’il veut faire craindre à Penthée
la colère de Bacchus , et qu’il lui en
rappelle des exemples ( 1 ). Il lui dit,
que des Pirates Toscans, après avoir
exercé leurs brigandages sur différentes
mers , et differentes côtes, trouvèrent
sur le rivage Bacchus. Ce dieu
avoit pris pour les tromper la forme
d’un jeune enfant tout-â-fait aimable
( z ) , et richement habillé. Il se
plaça fur le rivage, comme pourattendre
le vaisseau et y entrer (3). Ceux-ci accourent
aussi-tôt croyant se saisir d’une riche
proie. Ils le dépouillent de tous les
bijoux, dont il s’étoit paré et l’enchaînent^
mais le dieu tout-à-coup se montre
grand, le front paré de cornes , portant
sa tête jusqu’aux cieux, et poussant
un cri terrible,semblable à celui de plusieurs
milliers d’hommes ('4)- Les longs
cordages du vaisseau deviennent autant
deserpens, qui font entendre d’horribles
sifflemens et se reploient sur les antennes.
Les blanches du lierretortueuxs’en-
trelacént autour du mât, changé lui-
même en cyprès’. Au milieu des branches
et des rameaux, on vôyoit des monstres
et sur-tout un lion horrible, qui mugis-
soit ( 5 ), Ce spectacle étonnant jette
les matelots dans le délire ; ils se
croient transportés au milieu des campagnes
et des vergers ( 6 ) , dont la
mer leur présente l ’illusion magique.
Ils s'y élancent, et se trouvent tout-
à - coup métamorphosés en Dauphins
(7).
Analysons cette fiction Astronomique.
Les anciens, et sur-tout les peuples
d’Italie , que baigne la mer de Toscane
, dans le culte qu’ils rendoient
à Bacchus , représentoient ce dieu,
le même que le soleil, sous quatre for. I
mes principales aux quatie époques]
importantes de la révolution annuelle. |
Celle de l’enfant étoit la forme qu’on]
lui donnoit au Solstice d’hyver , ou]
au point du ciel , et du mouvement]
annuel, auquel nous nous trouvons en]
cet endroit du poëme. C’est Macrobe.]
qui nous l’apprend ( 8 ) , dans ses Sa-1
turnales , à l’article de Bacchus , qu’il |
dit être le soleil , adoré en Italie!
aux environs de Naples, sous ces di-1
verses formes emblématiques. On luil
donnoit, dit-il, la figure de l ’enfantl
au Solstice d’hyver , parce que le jour!
est alors très-court , et dans une es-1
pèce d’enfance, au moment où il re-1
prend ses premiers accroissemens. lll
ajoute , que la même chose avoit lieu enl
Egypte au même Solstice, ou autrement!
à l’époque à laquelle cessoit la crainte,!
et le deuil qu’avoit causé la retraite de I
cet astre , suivant ce que nous a dit!
Achilles Tatius. Ainsi la métamor-l
phose de Bacchus en enfant , que Non-S
nus rapporte à la suite de la défaite dul
noir Dériade , appartient nécessaire-!
ment au Solstice d’hyver , qui étoit I
alors au Verseau. Quel étoit l ’état dul
ciel au moment du coucher du soleil,I
ou à l ’entrée de la nuit solstitiale ?l
On voyoit à l’Orient monter le Vais-I
seau céleste, surmonté de la tête, etI
d’une partie du corps de l’Hydre, etI
de la constellation du Lion céleste; I
tandis qu’au couchant on voyoit |
descendre au sein des flots d e là mer > I
qui baigne les c ô t^ de Sicile et d’I-1
talie , la constellation du Dauphin, ap- 1
pellée les pirates Toscans , qui voulu-1
rent enlever Bacchus (9), et que ce dieu I
a placé ensuite aux cieux. Nous avons I
en conséquence projeté ces différentes I
constellations, sous la division du Ver-1
<0 V-105.
(2) v . lao.
(3) V. 128.
<4) V. Ij6-
m v' isi-
(6) v- 155.
(7) v. 167.
(8) Macrob. Sat. I. I. c. 18.
ftn Ovid. métam. !• 3. fab. io.
seau
slau, où l ’on trouvera l’Hydre, le Lion,
l j Dauphin et le Vaisseau.
^■ Voilà le fond Astronomique sur le-
«jel a été brodée cette fable , qui se
jjduit à ces élémens simples. On y
suppose que Bacchus , ( 1 ) métamor-
Htosé en enfant, vit aborder un vais-
slau, que montoient des pirates Tos- 3 ns qui voulurent l'enlever. La vue du
dieu, devenu tout- à-coup grand , ainsi
qbe celle de leur propre vaisjeau , dont
lès mâts, et lès agrès furent chargés
dp lierre, tandis , que des serpens s’en-
tielacent dans les cordages , et qu’un
lipn affreux rugissoit près des bancs des
■ meurs, força ces brigands effrayés'
de sauter dans la mer , où ils furent
clangés en Dauphins. Bacchus a placé
Imir image au-dessus du signe du Ver-
saau, alors signe solsticial, et qui effec-
tilfement au Solstice d'hyver tomboit
ISsoir au sein des eaux, au lever de
lSfydre céleste , du Lion et du Vaisseau.
Voilà le cannevas de ce roman
Ajstronomique , qui dans Nonnus et
dans Ovide se lié à la défaite de Pen-
tlfée ( 2 ). Le rapport qu’il y a entre
lqs pirares Toscans, métamorphosés en
Dauphins dans ce poëme, et le Dau-
jJJun céleste, ou la constellation qui
perte ce nom , nous est confirmé par
la, tradition , que nous ont conservée
d| cet événement Astrologique Hygin
cmes antres Mythologues ; de manière
fit °ti ne peut pas regarder comme
gfetuite l ’application’, que nous faisons
dfi Daupliiu céleste aux Dauphins du
pce me, que rions expliquons.
^JVoici ce que dit Hygin , à i ’arti-
®T1 de la constellation du Dauphin.
Bpaosthène a écrit, que là sont placés
V matelots Toscans (3) , qui, voyageant
*8r. vaisseau avec Bacchus , s'e pré-
*é.erent dans la mer., et y huent
■ ') Ovid, mctam. I. 3. fab- jo.
■ vO.Cyid. met. i. 3. f. o & 15,; W 3) Hyg. I. 2, c.
Kb ■ 25 s-
Relig. Univ. Tome II.
changés en Dauphins. Pour en perpétuer
le souvenir, ce dieû a placé l'el-
figie de l’un d’eux au ciel. Dans là fable
194 , le même Hygin donne pW
au long le récit de cet événement , et
compte jusqu’à douze matelots Tyrrhé-’
niéns, dont il donne les noms. Ce sont
donc eux qui occupent la constellation
, qui descend au sein des flots
au Solstice d’hyver, à l ’époque du temps’
où le soleil , Bacchus , étoit figuré
sous les traits de l ’enfant. Voilà cé
qu’on a eu dessein d’indiquer dans'
cette fiction rapportée par Nonnus,
et que Tirésias^ rappelle à Penthée ,
pour lui faire redouter la puissance de
Bacchus; c’est celle que la lune rappelle’
à Bacchus ; pour lui confirmer l’espoir
de la protection du , c ie l, et d’une prochaine
victoire sur le deuil ou sur
Penthée , autre fiction relative à la
même époque solsticiale , et à l’expulsion
du deuil de la nature.
Tandis que -Bacchus s’entretenoiü
avec la lune , d’oiit il réclamoit l’ap-
pui (4 ), Proserpine , mère du premier
Bacchus, arm oit en sa faveur les fu-j
ries , qui déjà se préparaient à porter
le désordre dans le palais de .Pen-
thee ( 5 ) , et à répandre leurs noirs
poisons dans la maison d’Agavë. Bac-
chus s’introduit là nuit dans le palais
de Cadmus , sous la forme du
taureau , et adressé ùn discours à
Âutonoë , femme d’Aristéë (ô), ou du
Vèrseau , à qui il annoncé que son fils
Actéon n’est pas mort , et qu’îl chasse
avec Diane, et Bacchus ( 7 ).
C h an t qu a r a n te ci n qu i à m e.'
Trompée par cet avis, la malheureuse
Autonoë court aussi-tôt- dans lès
forêts , suivie d’Agavé ( 8 ) d_éj.à remplie
des fureurs de la plus déterminée
(5) v. 26».
00 v . 282.
(7) T. 298. " i
($) v-s- :
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