teur des Athéniens , quel que fût celui
qui introduisit parmi euxles Mystères de
l ’Egypte , attacha au sacerdoce d’Eleusis
certaines familles , d’où l’on tiroit
les Prêtres et tous les Ministres du culte
de Cérès. Eumolpes fut le chef de cette
famille, et ses descendans furent connus
sous le nom d'Eumolpides (i) et de Cé-
ryces. De-là même vint l’opinion , qui
faLoit Eumolpes auteur de l’institution
de ces Mystères, comme l’assurent le
Scholiaste de Sophocle (2) , Suidas et
J’Auteur du Grand Etymologicon. Il est
asseznaturel de croire, qu’en voyant une
seule famille dépositaire perpétuelle
d’un même sacerdoce , on fut tenté de
penser, que c’étoit à elle ou à son chef
que l’on étoit redevable de cette institution
(3). Les Eumolpides étoient les interprètes
des loix sacrées, et les directeurs
souverains du tribunal d’inquisition
établi contre les crimes d’impiété
(4) - Us avoient toute l’autorité des Prêtres
Egyptiens, au moins pour la partie
de la religion. Us avoient un tribunal
particulier , auquel se portaient toutes
les accusations d’impiété , si nous en
croyons le témoignage de Démosthène
(5) . Ce tribunal des Eumolpides et des
Céryces formoit ce qu’on appeloit le
Sénat sacré, lequel s’assembloit à Eleusis.
Au reste , on pourroit croire que
les causes n’y étoient portées, qu’en première
instance, puisqu’on sait d’ailleurs,
que le Sénat et le Peuple prononcèrent
peine de condamnation envers les coupables
dë crime contre le culte public.
Ils se bornèrent vraisemblablement souvent
à des recherches et à des accusations.
Ainsi , ce fut l’Hiérophante qui parla
contre An docide, dans la grande affaire
d’Alcibiade et de ses complices, accusés
(1) Hesychius,v. fWWtaMJh Arnob, 1. 5, Clem.
Protrep. Tacit. Hist. 1. 4.
(î ) Soph. CEdip. Col. Suid. Etym. Magn.
(3) Cic. ad Attic. L i , p . 19.
{4) Lysias orat. con. And, p. 103. Piut. Vit.
Alcibiad,
(5) Demosth. Contr. Andoc. Inscrip. Spon. t.
3 , p. 141. Muytori. t. 2, p. 34g.
d’avoir joué les Mystères dans une Orgie
d’amis (6). Ce furent aussi les Eumolpides
, qui voulurent s’opposer au retour
de ce Général , lorsqu’Athènes fut forcée
de le rappeler. Il est aisé de conclure
de-là , de quelle autorité ces grands
inquisiteurs furent armé3, et combien
elle ressembloit au despotisme sacerdo*
tal établi en Egypte. Les Rois , en
Egypte , partagèrent souvent les fonctions
du sacerdoce , et on les initioit à
la science sacrée, dès qu’ils arrivoient au
trône. De même à Athènes, le premier
Magistrat ou l’Archonte-Roi avoit l’intendance
des Mystères (7). G’étoit une
image de l’union , qui exista entre le
Sacerdoce et la Royauté, dans les premiers
temps où les Législateurs et les
Rois cherchèrent dans la religion un
grand instrument politique. Ainsi Numa
fut Prêtre et Pontife , et on retrouve
chez les Romains des vestiges de cette
union, dans leur Roi Sacrinculus. L ’Archonte
Roi , chez lès Athéniens , veil-
loit à l’observation des loix religieuses,ex-
communioitles coupables, etlui seul avoit
le droit d’adresser (8) des voeux pour le
peuple , dans le Temple que Cérès avoit
à Athènes- Le lendemain de la célébration
des Mystères , d’après une loi de
Solon , l’Archonte-Roi convoquoit le
Sénat sacré dans l’Eleusinium , et là il
connoissoit des crimes , qui avoient pu
être commis contre là religion , et pendant
la célébration des Mystères (p-).
L’Archonte-Roi avoit pour coopérateurs
quatre Administrateurs, nommés
Epiraéletes , dont un devoit être nécessairement
de la famille des Eumolpides,
l’autre de celle des Céryces , et les deux
autres choisis par le peuple , parmi tous
les citoyens d’Atliènes (10).
(5) Piut. vit. Alcibiad, Tbucyd. 1- 8.
(7) Meurs. Eleu, c. Hesych. in BrtviAsvr. Suid*
Harpocrat, Etymolqg. Mag. l’oih.'X ono. 1. 8 .»
e. 7,
$S) Lysias Contr. And. p. IG, —-10/—'toB.
{9) Lysias, ibid.
(to) Harpoc. Suidas. Demosth. iirMeidiant,
Outre
Outre cela, on leur donnoit pour
adjoints dix Sacrificateurs ou Prêtres,
appelés Hieropoies , qui tous les cinq
ans venoierit faire des sacrifices à Eleusis
, à Brauron, etc. (1). .
Je ne dirai rien ici cleT’ordre hiérarchique
établi dans le Sacerdoce , parce que nous aurons ailleurs occasion d’en
parler, lorsqu’ilsera.question de l’Hiéro*
pliante-,, du Dadouque', de: l’Epibome
et du Kerux ou Héraut, quatre pre»
miers-Ministres de l’ordre supérieur des
Prêtres , dont nous ferons .voir, la- correspondance;
avec les principaux Minis-
très d’.Isis»; Aussi est-ce-avec beaucoup
de raison-, que Diodore de Sicile..(2) a
remarqué,, que les; Eumolpides devoiént
lerir origine à ceux d’Egypte , où ; lês
Pastophores représentaient les Céryces.
Je n’indiquerai même qu’en passant
d’autres ministres moins importans et
d’un- oadre »inférieur , tels que l’Hydra-
ne, l’Iacchogogue , leDaeirite, lé Cou*
rotrophe , les Pyrophores , les Lichno*
phores, les Spondophores , les Métropoles
, les Mélisses, enfin les Néocores,
espèces de Sacristains chargés de décot-
ïer le Tfemple d’Eleusis. upi
Outre lçs ressemblances, qu’on remarque
dans le,- Sacerdoce -de Gérés en
Grèce i, et celui d’Isi's en Egypte, on
apperçoit aussi beaucoup de rits , de
pratiqueset de traditions , qui. sentent le
caractère, Egyptien , tels que le jeûne ,
l'abstinence de certaines viandes., de
Certains, poissons ; où (légumes!etc. Le
sacrifice dujporc en;-honneur dë:■ Cérès
étoit.établi en Grèce, comme en Egypte
(3j, On lui donnoit: même le : nomi de
l'anima! - des- mystères. On, fie ; purifioit
dans la mer.
Les : Prêtres ■ ! d’jlsis s’abstenoient : • de
certains poissorfs ,, têisfque le ;pba,gre<.j
(.) Poliux, 1. 8, c, 9.
(a) Diod. f. e , §. 29, ,
(3) Herod. ’l. z , c. 47. Aristoph, Açh^m.
*• 747—764-
(4) De,Iside , p. 352— 353,
(5) Plut, de solert. Anim. PausaV'.in At(. AEUan.
Animal. 1. 9 , c. Ji— 65.
H e l i g , U n i v . T o m e I l s
le lépidote ; de certaines chairs d’animaux
, tels que le porc ; de certains légumes
, tels que l’oignon (4).
Les initiés à Eleusis avoient aussi leur
abstinence (i>) ; ils ne goûtaient point
de poissons», de fèves , de grenades , dé
pommes, au moins durant la célébration
de ces fêtes mystérieuses. Us respectaient
le Mulet d’Axone , dont ils ne
mangeoient point.
. A Rome, les femmes se préparoient
par la continence à approcher des autel* 4e. Cérès (6). .
Dans l’histoire mythologique'd’Qsiris,
cl’Isis. et de Typhon , l'âne sur lequel
Typhon avoit fui dans-le combat» joüoit
un grand rôle, ;et. 11 donne matière’ à unê
assez longue "dissertation de Plutarque
sur cet animal symbolique. L’âne entroit
aUSsiidans le cérémonial des mystères
d’Eleusis (7) .( comme il. figure dans
ceux des Chrétiens, servant ' de monture
à leur Dieu dans; son triomphe , dé
même qu’il) avoit Causai » servi : à- l’acohars.
L’ân e portait souvent, commëchez nous,
les ohjetsf sacrés» de la religion : d’où
vint même le proverbe : faite conduit
les mystèqes. :Oétoié sur i des ânes, que
l’on faisoit porter d’Athènes à »Eleusis
tónt-ce -.qui'étoit nécessaire à la» célébration
dé la» fête,i et.peut-être' -làïhystit-
ci K:, plu s que le» besoin »avoit-- elle; eu
part à; ce choix, (8). H
On -, pourroit» » égale ment '• donn etl une
Origine Egyptienne.à.âVutres pratiques j
qui avoient lieu dans» d’autres» endroits
de la fitièi;«., 011 i’Ot» célebroit les Mys-
tèreàdeCérès Eleusiniennei par exemple,
à Phénée en-Arcadie, Là l’Hiérophante
prenant lé-costume) de Cérès frappoit
d’un hâtom les .gens »du pays '(qjfp Usage
si-ngniiear, ’assez semblable'» à'!cèlui> qui
avoit» liieui en Egy p te 3 où» ■ pendant' la fête
(6) Juven. Sat. 6 , v. 49.
(7) De Iside, p. 363..:' .
(8) Sp»4;i,s. He.yeli. Aristoph. Raat» v , <$9.
Schol. e jus. T arrneus. .,
(9) Pausan. Arcad. c. 9.
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