que les Egyptiennes, et les maris n’ayant
pasivoulu non plus qu’aucun homme représentât
Faune, on s’en tint à l’illusion,
et les femmes se chargèrent du double
rôle , qui ne pouvoit point exciter la
jalousie des époux, mais qui pouvoit bien
piquer la curiosité de Clodius. Car enfin,
s’il ne s’y fut point passé quelque scène
lubrique , et amusante pour un jeune
libert in , Clodius n’auroit jamais exigé
de son amante une complaisance , qui
pouvoit les perdre tous deux. La description
qu’elle lui en avoit faite, dans ces
momens où l’amante et l'amant n’ont
plus de mystères que ceux de leur amour,
avoit sans doute porté Clodius à lui
demander ce gage de leur tendresse ,
et elle à le lui accorder. La scène devoit
être plaisante , puisqu’ils s’exposèrent
à en payer si cher le, spectacle.
Les hommes rivalisèrent de leur côté
avec les femmes , si on en croit Juvénal,
et ils eurent aussi leurs cérémonies secrètes
, dont les femmes furent exclues
(1). Ils se paroient la tête de longues
bandelettes , el le cou de colliers.
Dans ce costume , qui serapprochoit de
celui des femmes, ils immoloient une
truie à la Bonne Déesse , et lui offraient
un grand vase plein de liqueur , dont
Bacchus , son fils , gratifie les mortels.
Toutes les femmes en étoient bannies ;
c’étoit , dit Juvénal, absolument l ’inverse
des mystères de la Bonne Déesse
sous ce rapport ; les mâles seuls y;
étoient admis. Loin d’ici . profanes ,
criait-on aux femmes ; on n’entend point
ici, les accens plaintifs de vos cors et
de vos chanteuses. C’est à-peu-près
ainsi, ajoute Juvénal, que les, Baptes
autrefois célébrèrent dans Athènes, à.
la lueur des flambeaux , leurs orgies,
et fatiguèrent leur Cotytp. Cette Déesse
etoit une ^Divinité , tutélaire pour les
Athéniens , et sur-tout pour les Corinthiens
, comme la. Bon ne Déesse l’étoit -
pour les Romains. Ces cérémonies , (i)
(i) Juven. p.84— 9*.
(1) Macrob. S,it. 1. 1 , p. 215.
auxquelles les femmes ne participoiertt
point, et qui appartenoient exclusivement
aux mâles, pduvoient bien avoir
pour objet le principe- actif de la nature,
qui exerce, à cette époque , toute
son énergie c’est-à-dire le Soleil, soit
Bacchus , soit Hercule. Macro b e , à
l’occasion des mystères de la Bonne
Déesse (2) ajoute que l’exclusion que
l’on donnoit auxhommes, dans les mystères
de la Bonne Déesse , fut cause
d’une exclusion pareille que leur donnèrent
les hommes, dans la célébration
des mystères d’Hercule , qui avoit tué
le père de la Bonne Déesse , lequel
l’ayant reçu chez lui avoit voulu le
tuer ensuite, comme il avoit tué ses
autres hôtes (3).
• Hercule arrivoit en Italie , emmenant
avec lui les boeufs de Géryon. Faune
lui donna l’hospitalité , et voulut ensuite
le trahir; mais.Hercule le tua. On se
rappelera ce que nous avons , écrit ,
dans l’explication des douze travaux
de ce Héros, que la conquête des
vaches ou boeufs de Géryon , le
dixième Travail d’Hercule, ou celui
qui tombe au dixième signe, à partir
du Lion splstitial , sont lé; passage du
Soleil sous le Taureau , en conjonction
avec la Chèvre et le Cocher, qui fournissent
les attributs de Faune. La Chèvre
alors se perd dans les rayons solaires, et
disparaît au couchant, tandis que l’Hercule
céleste monte à l'opient. Voilà le
fond de la fiction. Le Soleil 1 est
dans les premiers degrés du Taureau ;
pendant que le Cocher et la Belle
Etoile de la Chèvre , enveloppés des
rayons solaires , montent le matin avec
l’astre du jour oritûr cosmice. Alors on
célébrait la fête de la Bonne Déesse,
fille de Faune. La fable rapportée par
Macrobe (4) suppose , que ce jour-là
même Hercule étoit en Italie (tt) , maître
et possesseur des boeufs de Géryon. Que
ce Héros ayant eu soif, demanda de
(3) Plut. Parai!, p. 313.
(4) Mac ru b. Sut, 1. 1 , c. 11.
feau à une femme , qui lui en refusa;,
sous prétexte ! qu’on célébrait ce j.ouç-.lù
la fêtefie la. Déesse des femmes , ou delà
Bonne-Déesse ; et qu’il n’étoit pas
permis aux hommes de rien goûter de
ce qui appartenoit aux préparatifs de
cette fête. En, conséquence r Hçrcule ,
instituant aussi une fête , se vengea des
femmes en leur donnant f’exçlusipn .,
et en recommandant soigneusement aux
Pinariens et. aux Potitiens , de ne permettre
absolument à aucune femme
d’assister à ce sacrifice. Peut-être étoit-ce
là cette cérémonie pratiquée par les
hoimnes , dans lès.fêtes dé la'nature , et
de Ta fécondité du printemps , dont
Juvénal a voulu parler. L ’immolation
de la truie étoit aussi le. sacrifice que
les Romains faisoient à Hercule et à
Cérès le. la des calendes ,de janvier >
quelque temps avant le lever de la Lyre,
et par conséquent pendant le Leyer ,de
l’Hercule céleste qui la précède (à). Le
même Auteur .ajoute , que le vin mêlé de
miel étoit offert aux Pans. ; ce qui
[explique pourquoi, dans les fêtés de la
Bonne Déesse , on faisoit usagé de vin ,
et pourquoi lion appeloit le vase,qui le
contenôit Mèllarium (2). C’étoit une
libation faite aux Pans , à qui,,çn pi-
froit le vin mêlé de miel ; et cependant
on appela cette liqueur lait, par
allusion au lait de là Chèvre Amalthée ,
dont Jupiter fut nourri , et . dont, on
prétend que fut formée la Voie-lactée,
où est le Cocher.
Quant au déguisement des hommes,
et aux ajustemens de femmes, qu’ils
prenoient dans cette fête , cette, pratique
n’étoit point étrangère.au culte.
d’Hercule. Plutarque nous apprend (3j-,
que dans l’île de Cos , le Prêtre d’Her-
cule se revêtoit de l’habit' de femme , et
paroit sa tête dé longues bandelettes,
pour saerilier à ce Héros. On comptoit
a ce sujet une fable : que çe Dieu fati-
(t) Macrob. fiat. 1. 3 , c. 1 1 , p. 323. .
(2) Ibid. 1. 1 , c. 12. ;
(3) Quæst. Rom. p. 304.
gué dans un combat contre les Méropes $
avoit: été obligé dé fuir déguisé,, en
femme. ; qu’ensuite il étoit revenu
vainqueur , et avoit remporté pour prix
de sa victoire un Belier; et qu’ayaùt depuis
épouse la fille d’Alciopus ou Al-
çippus , il en avoit'pris la robe semée
de fleurs brillantes... Nous m'entrerons
point dans, l’examen de cette fable, qui
naturellement nous , rappelle à l'équinoxe
, aux Pleïades’ , sur la queue
du Belier ; nous dirons seulement, que
dans le culjtç d’Hercule, à celte époque.,
on emp.Iqya quelquefois, 1® déguisement
én'fèinrnés,, ê‘t qu'l! serait. possible
j que ce fût une. de ces', anciennes
fables, que celébrdiënt les hommes
en mémoire de l union d Hercule
à la bonne Déesse sotte le Taureau, au
lever JÎries ou - du Belier ,
dont il disputent lé prix,
Au reste. Comme. ,Ce ; SqvleîT du .'Tau*-,
feau est éffebtiyement le'Bacchus Ses
Grecs , on peut aussi , sous ce point dé
vue; rapprocher cette cérémonie de celle
que, les h jades'çélébroient en hpnnéùr
de jfa.cclpis. Plutarque, d’ailleurs reçon-
noît, qu’il y àv.cft .eijtfeles.mÿsjèrés delà
Bonne. DéesspTet leslOrpbiqueaj’puTes
mystères, de Bàccçus , ;'beaucoup d’analogie
et de pratiquas communes. Jiivé-
nal Compare ce Culte’ à celui de la Déesse
Cotyto- (4). Cette Divinité ëtqït,sur-tout
révérée: à, Corinthe;,.. C’ëtoîtMçn’ 'Génie
bu Dérçon , qui prCsid.qit àTCTsqCuçbn
des;efféminés'.,..suivant Suidas ; ce.qui
convient parfaitement ati ièmpéiûmërif
lascif de .la Cfièvre et au Bouc , dont
les mystères.de la Bonne Déesse à IVomej
et du Dieu,de,Mandés, eq '[Egypte, re-
traqoient liujftge. C’est dansdiin, vase
-en forme de,phallus-, que Juvénal fait
boire ^)'ees effémiqés,, dont il fait la
leinture ; cl dont les, inystères.j suivant
ui , étoient accompagnés des mêmes
indécences, qui déshonoraient les mys-
(4) Suid. ic, voce.Cotyto,
( ) j Juven. S:u. 2.