'ridicules, ne furent pas instituées sans
dessein , et sans avoir un but raisonnable
, quoique le moyen , sut-tout accompagné
de ses excès, en écartât souvent.
Ce but étoit de rendre à l ’ame le
libre exercice de son intelligence. Il n’y
avoit rien , dit Plutarque (1), dans le cérémonial
Egyptien , et dans les pratiques
religieuses de ce peuple , qui
n’eût une raison , soit dans la physique,
soit dans l’histoire , soit-dans la morale.
Ce but ici étoit «l’écarter tous les
nuages, que la matière peut répandre .sur
la partie divine de l’homme , ou sur
l’ame , qu’Herace appelle divinaeparti-
culam. auras, et Virgile , aurai simpli-
cis ignem, et sur \ochêma, ou le véhicule
de l’intelligence. On peut consulter
Hiéroclès , sur cette théorie mystérieuse
, dont nous donnerons un précis,
d’après ce qu’il nous dit dans son commentaire
sur les derniers vers dePytha-
gore, appelés vers dorés (2), Çonséquem-
inen t aux principes, que Pytliagore a poses
dans ces derniers vers, il s’ensuit, dit
le commentateur, qu’il faut, par l’exercice
de la vertu , aidée .des secours
de la vérité et de la pureté, prendre soin
de ce corps lumineux ,- qui enveloppe
l ’arae , et que les oracles appellent le
léger véhicule, qui la porte. Or ces
moyens d’épurements’étendent, jusqu’à
notre nourriture et à notre breuvage, et
en général, sur le régime universel de
tout notre corps mortel, dans lequel est
enseveli ce principe lumineux , qui
donne la vie au corps naturellement
inanimé, et qui en maintient la constitution
et l’harmonie. Car le principe de
la vie est un corps immatériel, qui met la
vie dans le corps matériel,par le moyen de
laquelle se trouve perfectionné ce corps
mortel , composé d’une vie brute , et
d’un corps purement matériel ; et qui
n’est que l’image de l ’homme , qui résulte
de la substance intelligente (3),
et du corps immatériel. L ’homme étant
(1) Ibid. p. 353.
(2) Hietocl. p. 293, ady. 67.
(3) Hierocl. ibid. p. 294.
un composé de ces deuxparties différentes,
chacunes d’elles doit avoir son mode
d’épurement particulier (a). Ainsi l’ame
raisonnable, en tant que raisonnable, s’épure
parla vérité , dont la connoissance
produit la. science. Quant au corps lucide
, ou à la substance lumineuse , qui
forme son enveloppe , comme elle se
trouve liée au corps mortel , elle a aussi
besoin d’être épurée et purifiée des
souillures d’une telle contagion. Or ces
moyens de purification sont contenus
dans les rits sacrés, et réglés par des lois
religieuses. Les moyens de purifier la
partie intelligente de l’ame (4) préparent
aussi à ceux qu’on emploie pour
purifier le véhicule lumineux, en ce que
Famé, par leur moyen, ayant recouvré
ses aile8, son retour vers son principe
trouve moins d’obstacles. Or le meilleur
moyen, de lui rendre ses ailes , c’est
de l’accoutumer peu-à-peu à mépriser
les choses terrestres , à s’en'détacher,
en tournant ses regards vers l’être immatériel
, et à se purger de toutes les
souillures, qu’elle aura contractées par
son union au corps et à la matière terrestre.
Par ce moyen, l’ame recouvre en
quelque sorte une vie nouvelle , se recueille
en elle-même , se remplit d’une
certaine énergie divine , qui lui donne
un nouveau ton, «telle se rallie toute entière
au point de sa perfection intellectuelle.
Que sera- ce, s’il y a des espèces
d’.alimens , qui concourent à produire
cet heureux-effet ; si on y arrive par la
privation de certaines nourritures, principalement
de celles qui ont un suc délicieux
, ou qui irritent les organes de la
génération ? ce moyen d'épurer l’aine
sera sans doute le premier , que prendront
ceux qui voudront s’accoutumer à
se détacher detoutee qui tient à l’être
mortel (s). Cette abstinencede certaines
nourritures rend tout son éolftt au
véhicule lumineux , et lui donne toute
la pureté , qui convient à une ame
vraiment épurée et dégagée de tous les
(4) Ibid. p. 297,.
|f| Hierocl. ibid. p. 3ȕ*
obstacles , que là matière oppose à son
activité naturelle. Il résulte de ces abstinences
un avantage , celui d’épurer
Faune (i) , d’accoutumer l ’homme à des
retours sur lui-même , de le retirer de
ce lieu destiné à la génération, et à la
mort des êtres corporels, et de le transporter
dans l’air libre et dans les champs
Elysées. Cet air libre est ce que Matés
, comme nous l’avons vu plus haut,
appelle la Colonne de gloire , l’air parfait,
c’est-à-dire, les champs delalumière
Ethérée , dont quelques rayons s’échappent
par la voie de lait. On le plaçoit
au-dessus du monde, ou de la caverne
profonde, dans laquelle l’ame , pendant
cette vie, est enfermée, suivant l’opiiiion
la plus générale. Macrobe le-met . au-
dessus de Saturne , dans le firmament,
où est la voie de lait. C’est, dit-il, dans
la Sphère aplane ou des fixes, que sont
les champs Elysées (a), et le lieu affecté
aux âmes pures, suivant l’opinion
de toute l’antiquité. C’est de ce champ
lumineux , que l’ame descend , lorsqu’elle
vient animer des corps ; c’est
vers ee lieu qu’elle retourne.
Plutarque (3) le plaçoit dans la partie
de la Lune , qui regarde le Ciel, ou
dans la face opposée à celle qui est toiu-
née vers nous. Ainsi il le relègue au-delà
de l'Isthme, ou de la Ligne de démarcation
, qui, suivant Ocellüs de Lucanie,
sépare le mortel du mortel. Hiéroclès
semble leplacer plus bas ; mais toujours
dans l’élément immortel et immatériel,
et hors du monde élémentaire , où règne
le trouble et le désordre , compagnon
nécessaire de tout ce qui est matériel.
Il n’est appelé libre , dit Iliéroclès (4) ,
que parce qu’il est exempt désaffections
materielles , ou des agitations tumultueuses
, dans lesquelles est habituellement
la matière. Cette différence dans
les fixations du lieu, où sont transportées
les âmes, ne vient que du plus ou
(1) Ibid., p, 303.
(a) Som. Scip. 1. 1 , c, n , p, 46. -
(}) De facie in orbe Lun. p. 944. '
moins d’étendue , que l’on donnoit à la
substance matérielle. Mais c’est toujours
hors des limites de la matière des corps,
qu’elles sont transportées , quand elles
ont recouvré leur pureté primitive , et
qu’elles se sont affranchies de la matière
, dont sont composés ces corps.
Pour arriver à cet état de pureté , il
falloit que l’ame , soit par la méditation
sur les êtres supérieure à la matière (e) ,
soit par le re tranchemen t de la matière superflue
des alimens, qui surchargeoient
sa partie divine, s’occupât ici - bas des
moyens de rendre son retour prompt et
facile. La Philosophie, l’abstinence et les
initiations lui procuroien t ces mo yen s ( 5 ).
En effet, aux moyens d’épuration, que
l ’on trou voit dans l’étude des sciences
abstraites , se joignoient ceux , qui se
tiroient de l’art Telestique , ou des cérémonies
del’inidation, suivant Hiéroclès,
et la science sacerdotale s’unissoit aux
spéculations philosophiques sur le retour
de Famé vers son principe , et sur les
moyens de l’affranchir de la matière.
Car ces deux avantages , l’épuration de
l’atne., et son. affranchissement de là
matière , que facilitoit l’abstinence , la
Philosophie et la Religion de concert
tendoient à nous les procurer. En effet,
c’étoit à elles proprement, qu’il appar-
tenoit de purifier et de perfectionner
le véhicule spirituel de l’ame raisonnable.
Elles la délivroient et la séparaient delà
matière agitée de mouveinens irréguliers,
et la rendoient propre à s’unir aux esprits
purs. (/ ) Car il n’est pas permis à ce qui
est impur de toucher à ce qui est pur.
De même donc qu’il est nécessaire ,
que l’ame soit ornée par la science et par
la vertu , pour pouvoir s’unir à ces êtres
immuables,et qui sont constamment toujours
les mêmes ; de même., il faut que
F Ochêma ou le véhicule lumineux soit
toujours pur et dégagé de la matière,
afin qu’il puisse soutenir la communi-
(4) Hierocl. p. 313,
(3) Ibid. p, 305.
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