filiation de Bacchus , fils d'Ammon
et d’Amalthée, ou de la Chèvre céleste
, et du Bélier céleste , dans la
Mythologie des Libyens. C’est sans
doute là ce Bacchus fils de Caprius ,
dont parle Cicéron , et qu’il compte
pour le troisième Bacchus. Capra, en
effet, est le nom de la belle Amal-
thee. Toute l ’histoire de ce prince
n’est qu’une fiction, qui avoit pour
but de peindre la bienfaisance du
dieu soleil envers toute la Nature,
et sur-tout dans ses rapports avec la
fructification des arbres et des plantes.
Ses combats contre leg Titans,
que le Temps ou le Dieu des révolutions
amena contre lui, sont ceux qui,
dans toutes les Théogonies, ont été
imaginés entre le bon et le mauvais
principe, et tellement combinés, que
la victoire restât en dernière analysa
au bon principe , soit Orsmud , soit
Osiris, soit Bacchus , et que le Dieu
lumière reprit son empire sur la Nature
à l’époque d’une nouvelle révolution,
comme fait ici le jeune Jupiter
, au moment où Bacchus taureau et
Ammon bélier vont briller aux cieux
parmi les immortels. Voilà le fonds
de ce petit roman, ou de ce poème
sacré ; le reste ri’est que la broderie
que le génie du prêtre y a appliquée
arbitrairement. Ce Bacchus étoit le
plus ancien dans l’opinion des Libyens
, c’est-à-dire, que cette fable pas-
soit chez eux pour la plus ancienne
qui eût été faite 6ur le soleil.
Les Indiens , au contraire , préten-
doient que le plus ancien Bacchus
étoit le leur , et ils apportoient, suivant
Diodore ( 1 ) , beaucoup de preuves
'à l ’appui de leur assertion , que
cet historien a cru qu’il seroit trop
long de rapporter. Dans le peu qu’il
nous en d it, on voit toujours que
la bienfaisance est l’attribut caractéristique
de Bacchus ; et sur-tout celle
qui s’étend sur les productions de la
(0 Diod. 1. 3 c. 139. j). 232.
terre en général , et en particulier
sur la végétation de la vigne, et sur
la liqueur qu’on tire de son fruit.
Le Bacchus Indien placé dans un
sol fertile , et sous un beau climat,
où la vigne pousse d’elle-même, ap-
perçut quel usage on pouvoit faire
des fruits de cet arbuste, et en exprima
le premier le jus à l ’aide d’un
jiressoir qu’il inventa. Ilia cultiva , ainsi
que tous les autres arbres (2), et sur-tout
le figuier, ou l’arbre consacré A Osiris
dans les Pamylies Egyptiennes.
Il apprit aux autres à en faire autant.
Il imagina tous les instrumens
nécessaires à la vendange. S’il se
met à la tête d’une armée pour
parcourir l’Univers , ses conquêtes
n’ont d’autre objet que d’attacher
à ses loix tous ceux à qui ;il
communique ses heureuses découvertes
, et à qui il fait part de ses bienfaits
; il plante par-tout des vignes,
et établit des pressoirs. Des services
aussi distingués lui assurent la recon-
noissance de tous ceux chez qui il
voyage , et lui méritent les honneurs
qu’on rend aux Dieux. On
le représente par des images , où
il paroît avec une longue barbe, à
la manière des Indiens-, suivant Diodore
; ce qui caractérise une divinité
Indienne, parce que ces peuples
laissent croître leur barbe toute leur
vie. Je crois que l’origine de la barbe
et du nom de barbu donné à Bacchus
, ne vint point de là ; mais
qu’elle tient à l’usage où l’on étoit,
dit Macrobe , de représenter ainsi le
soleil après le solstice d’été et au
commencement de l ’automne ; car
alors ce Dieu devient effectivement
le dieu tutélaire des vendanges et
des récoltes des fruits. C’est sous
ce rapport unique, qu’il nous est
montré dans le court roman des Indiens
sur Bacchus, que nous venons
de rapporter ici. Ils ne parlent de
00 Diod. 1. 3, e. 139. p. 332.
■ lui que comme de l’inventeur de l’usage
■ du vin et de la culture de la vi-
^■ >ne ( 1 )• C’est à quoi se réduit tout
K e que nous savons de ce Bacchus,
^KDieu des raisins et des fruits d’au-
Htoinne. Quant aux deux autres Bac-
^■ chus, l ’un fils de la lune, et l ’au-
■ jjtre fils du Nil , nous pensons que
■ ce ne sont que deux généalogies dif-
Hfërentes du Bacchus Egyptien. En ef-
ifè t , nous avons vu déjà ( a ) que
^■ certaines traditions admettoient un
■ Bacchus Arsaphès , fils d’ Isis : mais
lllsis est la lune ; donc c’est le Bac-
«chus fils d’Isis , c’est-à-dire , Epaphus
Hou Apis , fils d’Io, d’Isis et de la
Hlune , image vivante d’Osiris dans
Hla théologie Egyptienne. Cette filia-
Htion de Bacchus vient de ce que
■ cette déesse a son exaltation- au si-
Hgne du Taureau, d’où Badcbùs prend
Hses attributs. Aussi disoit-on qu’A-
Tpis ( 3 ) , image d’Osiris , et consé-
Jquemment de Bacchus , naissoit du
■ contact de la lune , lorsque cette
■ planète verse sa lumière génératrice
|sur la terre.
Le Bacchus, fils du N il, sera celui
Iqui fut chanté sur les bords du Nil
là moins qu’on ne veuille rapporter
■ encore cette origine au ciel. En effet,
(comme on fit Bacchus fils d’Amal-
Ithée, ou de la belle constellation qui
lest sur le Taureau céleste , on put
(faire aussi Bacchus fils de la constel-
Bation qui est au-dessous , on d'n fleii-
jve d’Orion , que les Egyptiens appe-
lloient le Nil ( 4 )• Ainsi tout ce qui
(tient au Taureau, comme la lune
fciar le siège de son exaltation, les
(Hyades parce qu’elles en font partie,
Be Bélier , la Chèvre ,? le fleuve N il,
Ipomme astres voisins , la Couronne
B Ariadne et le serpent Paranatel-
■ ons, tous ces Astres se trouvent liés à la
(naissance de Bacchus , dans les différentes
traditions sur la généalogie
jff Sio,d-i’ ? CV 139* P- s34> Jï I2) Plut, d* Bide g. 365, 4- C. 147- P- 247-
dé ce Dieu. Toute la famille de
Bacchus est donc composée de tous
les- astres , qui composent le cortège
du signe équinoxial, et qui se lient
dans „leur aspect avec lui. Ce singulier
accord de toutes les Cosmogonies
, qui viennent fixer l’origine de
Bacchus au même point du ciel , et
au lieu où le soleil reprend cette
chaleur et cette force féconde, qui
met en mouvement toute la Nature,
et organise la matière sous mille
formes, dans le système de la végétation
universelle , n’est par un jeu
du hazard , mais prouve que toutes
ces fictions ont un fond commun,
et se réunissent dans un même point
central, qui est la Nature.
De tous ces Baeclius, le plus fameux
, e’est le dernier, le Bacchus
des Grecs ; et il n’est sans doute le
plus fameux, que parce que sa légende
est plus récente , et que nous
la trouvons chez un peuple dont l ’histoire
religieuse , comme l ’histoire civile
et politique , nous est mieux connue,
avec qui nous avons eu plus
de communication, et qui nous a
laissé le plus de monumens de ses
opinions religieuses dans ses poèmes
et dans ses temples. Ce Bacchus est
le Bacchus de Boeotie , le fils prétendu
de Séméié , soeur de Cadmus le Phénicien
ou du Serpentaire qui , dit-on,
jetta les fondemens de la Grèce. Son
histoire n’est , suivant nous , qu’une
fiction Egyptienne sur le Dieu de Thè-
bes en Egypte , ville où les traditions
sacerdotales faisoient naître Cadmus
, père de Séméié, comme nous
l’avons déjà vu plus haut. Cette assertion
se trouvera confirmée , lorsque
nous expliquerons le poème ancien
sur Osiris que Nonnus a réchauffé
sous le nom de Dionysiaques. En attendant
, nous examinerons le précis
du récit que nous a fait Diodore dé
(3) Fîut.'Symp. I. 8.quæst 1 p. 71t.delsidep.3SÏ.
C4} Hygin. 1. 2. c. 33-Théon p. 144-Eiatosth. c, 37.