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quelque sorte , comme dans le Temple
de Jérusalem , plusieurs enceintes, auxquelles
on ne parvenoit que progressivement.
Un grand voile séparoit les
différens ordres de tableaux , et déro-
boit aux regards de certaines classes
d’initiés les objets exposés dans Tin-
térieur du sanctuaire (i).H T avoit
certaines statues (a) , certains tableaux
dans lès Temples, où se rassembloient
les inidés, que tout le monde pouvoit
voir ; mais il en étoit d’autres cachés
dans l’intérieur , dit Proclus (3) , et qui
étaient autant de formes , que prenoient
les D ieux, dans ces apparitions magiques.
Ceux-là n’étoient connus que des
initiés. Le grand avantage de l Autop-
sie étoit la jouissance de ces spectacles
mystiques, et de la vue dei flambeaux
divins. C’étoit pour eu x , que tomboit
le voile, qui cachoit aux autres le sanctuaire
de la Déesse, eX qu on ecartoit le
vêtement sacré , qui couvrait sa statue ,
qu’une lumière divine tout à coup environnait
(4). Cette cérémonie, appelée
P h o t a « o g i e , annonçoit l’apparition ou
l’Epiphanie des Dieux. Le sanctuaire
se trouvoit rempli de la lumière divine ,
dont les rayons frappoient les yeux ,
et pénétroient l’ame de 1 initié , admis
à cette admirable vision, ou à l’Autopsie.
Ce moment heureux étoit prépare
par des scènes effrayantes (5) , par des
alternatives de crainte et de joie , de
lumière et de ténèbres, parla lueur des
éclairs, par le bruit terrible de la foudre
qu’on imitait , et par des apparitions
de spectres, des illusions magiques, qui
frappoient les yeux et les oreilles tout
ensemble. C’est ce que nous peint assez
* bien Claudien , dans le commencement
4e son poème , sur l’enlèvement de
Proserpine, où il fait allusion à ce qui
se passoit dans les mystères de cette
(0 Psell. de Sphinge in Ansgogicis. -
(.?)'TTleu.r«us , c. 8. .
(3) Proc. inTim. i. 2.
(4 ) TheriiUt. orat. 2. .
(5) Meursius, c. i i . PIsthoa ad or;c. Zoroastr.
Dion Chrysôst. orat. 1 2 .
Dées'e ( 6 ). « Le Temple s’ébranle,
» s’écrie Claudien : la foudre répand une
» vive lumière , par laquelle la Divi-
» nité annonce sa présence. La terre
» tremble ; un bruit terrible se fait en-
* tendre au milieu de ces secousses. Le
» Temple des fils de Cécrops rend de
a longs mugissemens. Eleusis éleve ses
» torches sacrées. O11 entend siffler
» les Serpens de Triptolême..On apper-
» çoit au loin la redoutable Hécate. »
Ces préliminaires imposans n avoient
d’autre but, comme nous l’avons déjà
observé , que de donner a 1 initié une
grande idee de l’état, auquel on alloit
Pélever. Les autres cérémonies et toute
la pompe extérieure, qui accompàgnoient
la célébration des grands mystères ,
avoient le même but, celui de rehaus-
sér la majesté du culte , et de subjuguer
le respect des Peuples pour la religion
et pour les lois. Rien de si grand ,
de si magnifique , que la célébration
des grands mystères. La duree^en etoit
de neuf jours , suivant, 1 opinion la
plus commune (7). . '
Le premier jour , on faisoit le rassemblement
des initiés. Ce jour s appeloit
Agyrmos, ou rassemblement (8). C était
à ta pleine lune du mois , que les Grecs
appeloient Boëdromion , la Lune se
trouvant alors pleine sur la fin d A-
ries , près des Pléiades , et du lieu
de son exaltation , qui est au Taureau.
_ . .
Le second jour (9) , on faisoit une
procession à la mer, sans doute , pour
s’y purifier. On traversoit en chemin
deux canaux d’eau salee , dont
l’un étoit consacré à Proserpine , et
l’autre à Cérès, et qui servoient aux
purifications des initiés (10). Dans les
mystères d’Isis , nons avons vu que les
Prêtres descendoient aussi a la mer,
(6) Claud. de Rapt.- Proserp. 1.1 .
(7) Meurs. Eleus. c. a i , etc.
(8) Hesyc. in voce Ayvp/i.
(9) Meursius, c. 23.
(10) Paus.Att.ç. 28, p. 37. Hesycli. voc. l’emi,
R E L I G I O N U N I V E R S E L L E. r2.5f
etformoient une espèce de figure, mêlée
d’eau et de terre , qui imitait la Lune (1) .
Le troisième jour se: passoit en
offrandes, en sacrifices expiatoires , et
autres pratiques religieuses, telles que le
jeûne, le deuil,la continence , etc. C’est
à ce jour , que Meursius (a) rapporte
l’immolation du poisson appelé Trigle
ou Mulet d’AExone. On y joignoit des
offrandes d’orge , de gâteaux etc.
Le quatrième jour ( 3 ) , on portait
en triomphe le Calathus , ou corbeille de
fleurs , qui représentait celle que Pro- '
serpine tenoit, et qu’elle remplissoit, au
moment, où Pluton l’enleva. Ce n’étoit
qu’un emblème , • suivant nous, relatif
à la couronne d’Ariadne , qui fut appelée
Proserpine ou Libéra, et à qui
ces fleurs faisoient allusion. Le Calathus
étoit posé sur un char (4) triomphal
, traîné par des Boeufs, qui s’avan-
qoient lentement. A sa suite marchoient
des femmes , qui portoient religieusement
les Cistes Mystiques , entourées
de bandelettes de pourpre , dans les
quelles étoient du sésame, des biscuits
en forme pyramidale , des gâteaux
ronds, des grains de sel, des pavots,
d,es grenades, et le Serpent mystérieux ,
avec une foule d’autres emblèmes ;
peut-être aussi le fameux Phallus ,
qui de voit reposer dans la Ciste sacrée.
Le cinquième jour ( 5 ) était fameux
parla superbe procession des flambeaux,
cérémonie commémorative des recherches
de Cérès,lorsqu’à la lueur d’un flambeau
elle cherclioit Proserpine, ou plutôt
cérémonie faite en honneur de la nuit
et des astres , qui l’éclairent. Les initiés
tènoient une torche à là ttjàin, pt défi-
loient deux à deux. On dédioit ensuite
(1) De Iside, p. 365.
(2) Meursius, c. 14.
(3) Idem c. 23, Clom. in Pfotrep.
(4) Schol, CalÜnuclii. -
, (3) Meurs, ibid. c. 16. Fulgent. Myth. l.j 1.
Stat. Syfv.i4, Carm. 3. Lactan.1, 1 , c. 21. Theoph.
Çiract. de Ja.çtatjon. Justin. ac| Gr. orat. 2. (6) Meurs, ibid. ç. 27. ‘ , , . a , Relis'. Univ. Tome II.
ce»flambeaux à la Déesse! et q’étoit à
qui porteroit le plus beau. ■ j,.
, Le -Dadouquer marehoit à la tête
dé cette procession. j : C’est là : ce que
Saint Justin appelle le feu de Cérès
(zt).
■ Le sixième jour était consacré à lac-“-
chus (6),’et il étoit le pins célèbre de tous.
On faisoit sortir ce Dieu du fond de son
sanctuaire, la tête couronnée de myrte,
arbuste dont on. for;moit aussi les couronnes
des initiés ; il tenoit en main
un flambeau (7). Sa statue étoit ainsi portée
du Céramique jusqu’à Eleusis , au
milieu des cris répétés àl Iacchus (8) 3
qu’on invoquoit. Cet Iacchus étoit le
jeune Dieu Lumière , le fils de Cérès ;
qu’on a voit élevé" dans les sanctuaires,
et qu’on armoit du flambeau du Dieu
Soleil, ou du Dadouque (9). Le choeur,
dans Aristophane, l’appelle l’astre lumineux
, qui éclaire l ’initiation nocturne.
La procession, avec le cortège le plus
pompeux, sortait par la porte sacrée ( 1 o),
et enfiloit le chemin d’Elev-ds , qui prit
de-là.le nom de -Ooie sacrée 3 et qui a voit
été décoré des plus superbes monumens.
Toute la marche étoit remplie par des
danses, des chants sacrés et par des expressions
d’une joie sainte. Le Dieu
s’avançoit an milieu des applaudissa-
mens, et des cris répétés du nom d'Iac-
chus (11), dont cette journée prit elle-
même le nom. C’étoit là ce qu’on ap~
peloit le cri mystique , comme on ap-
peloit Iacchus lui-même , riacchus mystique.
La procession s’arrêtait', à son retour,
à une espèce de reposoir, qui étoit
Sur le chemin, et qu’on appeloit le Figuier
sacré (11).
Arrivés sur le pont du Cépliise , les
initiés se permettaient certaines bouf-
(7) Aristoph. Kan. v. 322-333. Scholiast.
(8) Plut, vit Phoc. p. 75-4., -
(9) Pausan.- in Attic.
(1-0) Suid. in voc. tepot cJVa ; ibid. Paus. c. ~ fi.
(il) Hesych. v. i”ctjcyjtç. > , .
, xÇia) Anst. Eleus,. Herod. I. S. Plut. in Thcmist.
Pbisostr. in Apoll. 1. 2.
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