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et de l’esprit, pour être plus agréables
à l’éternel, ne sont point aux yeux de
la Religion, comme ils le sbnt aux
yeux de la raison , des extravagans ,
qu’il faudroit guérir par tous les remèdes
inventés contre la folie; mais de
saints hommes, que la grâce élève à
la perfection , et à qui la Divinité réserve
dans le Ciel une place, d’autant
plus distinguée, que leurs vertus ont été
plus sublimes. Des filles simples et crédules,
embéguinées ridiculement, chaussées
souvent à rebours, et toujours pour
plus grande perfection , chantant, non
pas de jolies chansons y mais de sots
Hymnes, et psalmodiant, d’un ton fort
monotone du Latin, qu’heureusement
•elles n’entendent point; se flagellant
une ou deux fois' la semaine en commun
, dans une posture indécente ,
jeûnant, priant, méditant dans leur
retraite, et dans une triste solitude,
se condamnant à une stérilité éternelle,
par un voeu aussi sot à faire, que difficile
et cruel à tenir ; tenant leur Virginité
sous la garde de grilles et de
verroux, dans une austère prison : ne
sont point aux yeux de la Religion des têtes foibles, frappées d’un délire
habituel, qu’on séquestre de la société ,
comme les autres folles de nos hôpitaux
; mais de saintes filles, qui font
hommage à la Divinité de leur Virginité
, et qui s’élèvent à un état de perfection,
qui les place infiniment au-dessus
du rang , qu’elles eussent occupé dans
le Ciel, si elles eussen t été mères. Elles
ont renoncé aux affections les plus tendres,
qui lient les hommes entre eux ;
elles o n t, conformément à la doctrine
Chrétienne, quitté père, mère, soeurs,
frères , parenfs , amis, et renoncé aux
espérances de la maternité; afin de s’attacher
à Jésus-Christ, et de s’ensevelir en
quelque sorte toutes vivantes, pour ressusciter
un jour avec lui, et se mêler
au c'noeur des Vierges saintes, qui peuplent"
le Paradis : voilà ce qu’on appelle
les âmes privilégiées , sur qui la
• grâce verse ses faveurs , et quelle élève
1 I V E R S E L L E .
à une perfection, à laquelle il n’est
pas donné à tout le monde d’arriver.
Tels sont les dogmes de cette Religion
meurtrière , qu’on vante si fort, et
dont on dit que le peuple a besoin.
Convenons de bonne fo i , que si les
Législateurs anciens eussent ainsi organisé
les premières sociétés, et-réussi
a faire prendre une_ pareille doctrine
dans l ’esprit des hommes, les sociétés
n’eussent pas subsisté long-temps. Heureusement
la contagion de cette vie
parfaite n’a pas gagné tout l’Univers.
Que de vices contraires à la population
n’ont pas dû naître de ces sociétés
nombreuses d’hommes , emprisonnes
avec d’autres hommes, de femmes avec
d’autres femmes , tous brûles des feux
de la lubricité, munis de tous les organes
de la jouissance , que leur régime
môme devoit irriter , et obligés sans
cesse à contrarier le voeu impérieux
de l’amour, à le tromper ou à l’égarer
dans les routes, que la Nature ne lui
avoit point ouvertes ! Ces vices antisociaux
étoientune suite nécessaire d’une
chasteté commandée, et de la reunion
des sexes semblables , tourmentes de besoins,
qui ne pouvoient être légitimement
satisfaits, qu’avec des sexes diffé-
rens. Ces crimes ne furent pas l’abus
de la chose, mais son effet nécessaire ;
et en bonne logique ou en sage politique
, vouloir ia cause , c’est vouloir
l ’effet. Ce célibat forcé et malheureusement
sanctifié par la Religion fut
une de ces vertus, qui n’engendrent que
des crimes ; et cependant c’est à ce
célibat, qu’a été attachée l’espérance
des faveurs les plus distinguées de la
Divinité, et la préséance dans l’Elysée.
11 anoblit l’homme , il l’élève au-dessus
de ses semblables; et il lui donne
sur eux tout l’avantage que les Initiés
anciens avoient sur les profanes.
On exigea ce voeu de ceux qu’on éle-
voit au Sacerdoce ; et le ministre de
la Divinité renonça au droit de faire
des hommes, afin de créer des Dieu*
de pâte et de farine *. quelle absurdue .
R E L I G I O N U i6 i
quelle honte pour la raison humaine !
Mais ce qu’il y a de plus inconcevable,
c’est l’orgueil qu’une pareille folie inspire
à ceux qui en sont atteints, et
le mépris qu’ils ont conçu pour ceux
qui n’ont pas le courage d’imiter leur
délire. S i, pour arriver à ,l'Elysée des
Chrétiens , il faut abjurer la raison ,
on ne peut pas dire, que cette sorte
d’initiation ait perfectionné , comme
celle d’Orphée , 1araison de l’homme ,et
l’ait amené à un genre de vie plus digne
de lui. S i, pour obtenir une place distinguée
N I V E R S E L L E .
conque n’osa l’abjurer, fut dévoué pour
toujours aux horreurs du Tartare. Car
les incrédules seront les plus rigoureu-
i sement punis aux enfers ; et à ce titre,
j’avoue que je ne mérite pas de grâce.
dans la cité sainte , il faut
se séparer des hommes ici-bas, et vivre
reclus dans la solitude , ou au moins
fuir le monde , on doit convenir, que
cette initiation n’auroit pas, comme
les anciennes, formé les premières sociétés
, et rassemblé les hommes épars
dans les forêts , puisqu’au contraiie elle
les y renvoie et les isole. C’est donc
une initiation qui, pour avoir voulu
etre plus parfaite que les autres, a précisément
contrarié leur but, et s’est
privée des heureux effets, qu’on pouvoit
en attendre pour le bien des sociétés.
Ce n’est.point là l’Elysée de Virgile,
ni celui de Cicéron ; c’est celui d’un
Visionnaire et d’un Misanthrope , de
l’être le plus anti social; et par conséquent
, cette institution n’est point du
nombre de celles , dont on vanta les
avantages pour l’humanité, comme a'
fait Cicéron en parlant des mystères
d’Eleusis.
Il en fut pour le Tartare , de même
que pour l’Elysée ; et la distribution
des récompenses , comme celle des
peines, ne fut pas plus sagement administrée.
Comme on avoit proposé des
récompenses à des pratiques ridicules,
ou à un genre de vie le plus contraire
au bien général des sociétés, on établit
aussi des peines çontre les actions
ou les jouissances les plus naturelles,
et contre l ’inobservation des préceptes
les plus absurdes. Le premier sacrifice
qu’on exigea de l’homme , fut celui
de la raison et du bon sens ; et qui-
Ici la Religion Chrétienne a imité
les anciennes initiations qui, pour se
soutenir, ont cru devoir faire main-
basse sur tous les incrédules. C’est ainsi
que tous les charlatans déclament contre
ceux qui décréditent leur baume
merveilleux. Les initiations anciennes
n’ont donc rien à cet égard à reprocher
au Christianisme. Mais elles ont à tout
autre égard un avantage décidé sur l'initiation
de Christ, en ce qu’elles n’ont
puni qus tout ce que-la Nature, la
justice et la raison condamnent. Il n’en
est pas de même chez les Chrétiens ;
ils ont multiplié les crimes à l’infini ,
et ouvert mille routes vers le Tartare.
Tout péché mortel chez eux tue l’ame,
et la dévoue aux supplices éternels ;
et Dieu sait combien le nombre des
péchés mortels est grand. Il n’est presque
pas d’action , en fait d’amour ,
qui ne soit un péché mortel. Il n’est
presque pas de pratiques commandées
par l’église, dont l’inobservance ne
soit aussi un péché mortel; en sorte que
la mort environne notre ame de toutes
parts, pour peu que nous ayons de
tempérament et de raison. Celui qui
se permet de manger de la viande les
jours consacrés à Vénus et à Saturne ,
durant toute l’année, et tous les jours
de la semaine, durant les quarante jours
qui précèdent la Lune équinoxiale de
Printemps, est digne des horreurs du
Tartare. Celui qui manque plusieurs
fois de suite la Messe.le jour du Soleil
ou le Dimanche, donne aussi la mort
à son ame. Celui qui satisfait le besoin
et le désir, que la Nature a donnés à
l’homme de se reproduire, est encore
livré aux supplices, si le Mystagogue,
qui extérieurement a abdiqué lui-même
la liberté d’en jouir, ne lui en accorde
la permission ; ou s’il ne lui accorde sa
grâce, lorsque trop pressé par le besoin