aux ni aux, parce qu’Orrousd et Ahriman
agissoient ici bas avec, un égal pouvoir ;
ruais qu’il viendroit un temps, où Ahri-
inan seroit vaincu, où la terre prendrait
une forme nouvelle, et où les hommes ,
formant une seule cité, ne parleroient
plus qu’un seul langage. On trouve dans
le Voluspa, poème des Scandinaves, une
description d’un nouveau monde,comme
dans l’Apocalypse, qui s’élève Sur les
ruines du premier , et destiné à être
habité par un peuple vertueux et fortuné.
Cette nouvelle terre est toujours
couverte de verdure , et un soleil
pur y répand une douce chaleur. Tel
devoit être le Paradis des hahitans du
Nord , qui sont long - temps privés de
verdure et de chaleur. Cette théorie du
choc des deux „principes, de la victoire
que remportera le bon sur le mauvais,
de la destruction du monde de ténèbres,
pour faire place au monde de lumière ,
est absolument la même , que celle des
Clirétiens sur la lin du monde et sur le
passage des justes à la félicité, éternelle.
C’est cette même liction,quifait la basede
l ’Apocalypse, que nous allons bientôt
expliquer , d’après les principes de la
Théologie ancienne , sur le combat du
bon etdu mauvais Génie, sur la destruction
de celui-ci et sur le rétablissement
d’un nouvel ordre de choses , ou tout
sera bien et lumière , mais auquel les
Initiés seuls auront part, tandis que les
profanes resteront ensevelis sous les
ruines ténébreuses de l’ancien monde.
En effet, comme la liction Mystago-
gique avoit tout accordé aux Initiés,
elle avoit tout refusé aux profanes ,
c’est-à-dire , à ceux qui n’avoient point
adopté cette sottise religieuse, et elle
les dévouoit aux plus grands maux après
la mort. Pour eux on avoit créé le Tar-
tare , dans lequel leurs âmes dévoient
être renfermées, pour y ramper éternellement
, dans un noir bourbier; d’épaisses (i) *3
(i) Platon in Phædon.
( î ) Aristid. in Elausia.
(3) Temisth. ap. Stob. Ser. » i9.Cyd0n.de co»-
temn. morte.
ténèbres couvraient cet affreux séjour.
C’étoit là un dès grands dogmes de l’initiation
, que l’homme, dont les vertus
n’avoient point été sanctifiées par l'initiation
, descendant après sa mort aux
enfers, resteroit plongé dans la fange et
le bourbier, comme T’observe très-bien
Platon dans le Phédon (1). L ’initiation
donnoit cette espérance consolante , dit
Aristide, de passer, à la mort, à un état
plus heureux , et de n’être point plongé
dans’.les ténèbres et le bourbier, sort
affreux, <yii étoit réservé à ceux qui ne
se seraient point fait initier (2). Cebùur-
bier , Ces ténèbres épaisses étoient regardées,
comme le dernier des malheurs
poùr l ’homme , et comme le partage inévitable
des profanes.(3)■ Ges malheureux
charlatans, connus sous le nom dOr-
phéotélestes, qui alloient mendier dans
lès rues et frapper à la porte des riches
et des grands , faisoient métier d’initier,
et, pour quelques pièces de mon-
noie , vendoient à ceux qui- 'avoient la
' sottise de les payer , de riches possessions
dans l’Elysée, ’ef mena çoienx des
horreurs du bourbier ceux qui négüge-
roient de se faire initier (4). Ils pro-
noncoiént contre eux ce terrible anathème
: Quiconque ne se fera pas Initié ,
sera aux enfers plongé dans un bourbier;
c’est-à-dire , hors dé l’Eglise ; point de
salut. Aussi la crainte dé l’enfer leur
a-t-elle valu plus d’argent, que le désir
de l’Elysée! C’étoit une grande branche
dp commerce pour ces imposteurs, qui
sentaient tout ce que péut la frayeur sur
les crédules mortels. C’est la crainte du
Diable, qui a enrichi les Prêtres dans
tous les siècles , et qui a fortifie jeur
empire. Nos Moines et nos Missionnaires
ont continué de jouer le rôle de
ces anciens charlatans, auxquels ils ont
succédé. Dans les premiers siècles dfe
l’Eglise , ces Mystagogues forains ,
connus sous le nom d Orphiques,
(4) Olymp. Comoe. ins. in PHsd, Plat, ad
Cale. Orph. ad Gcansr. p. 4®9'
Métagyrtes,
Métagyrtes,Galles, Prêtres d’Isis, alloient
vendre dans les provinces la même
drogue, que l’on débitait en gros et avec
plus de dignité à Eleusis (ƒ). Les Orphiques
sur-tout firent quelque fortune
, et reprirent une nouvelle vigueur.
Ces imposteurs, qui donnoient le Ciel à
si bon compte, attirèrent dans leur parti
le peuple ignorant et crédule, qu’ils ef-
fray oient par la crainte des maux d’une
autre vie, comme s’il n’eût pas été déjà
assez malheureux dans celle-ci. Cette
idée des Mystagogues, qui consistait à
exagérer les maux prétendus de l’autre-
vie, dont il n’y auroit d’affranchis que
ceux qui s'enrôleraient dans leur confrérie
, :fut un des grands moyens qu’on
employa, pour augmenter le nombre des
confrères , et multiplier les disciples de
cette doctrine. Cette ruse fut mise en
usage principalement par les. Chrétiens,
pour attirer dans leur parti le petit peuple
et les femmes ; car ce fut dans cette
classe, qu’ils cherchèrent à faire d’abord
des prosélytes, persuadés qu’ils seroient
bientôt redoutables, quand ils seroient
appuyés du grand nombre , et forts de
la crédulité de la multitude. On inculqua
sur-tout au peuple, qu’il y avoit tout à
craindre à ne se point faire initier, au
lieu qu’on ne risquoit rien de le faire ;
qu’il y avoit au contraire tout â gagner.
On s’imposoit, il est vrai, des devoirs;
mais il y avoit des remèdes à l ’infraction
des loix religieuses, et il n’y avoit
guère de crime que la religion n’expiât.
Une fois purifié, on recouvrait tous les
droits de la vertu et de l’innocence , et
on pouvoit prétendre même aux récompenses
de la vie future. Ainsi, l’espérance
et la crainte furent les deux grands
ressorts, que la politique, aidée de la
religion, fit j ouer pour contenir les
hommes dans les bornes de la justice,
et pour attirer le peuple à ces associations
religieuses, hors desquelles la vertu
même la plus pure ne pouvoit se promettre
de récompense après la mort.
0) Cicer. Tuscul. 1. 1, e.-ij.
Relig. Univ. Tome II.
C’est ce. privilège exclusifd;e l’Initiation,
qui la fit rechercher par, plusieurs, et
qui leur fit craindre d’être à jamais
plongés dans les ténèbres et le sale bourbier.
On enseignoit aux Initiés, que Bac-
chus , Hercule , les Dioscure , etc.
après avoir bien mérité des hommes ,
avoient obtenu-des Dieux le prix de leurs
vertus, et avoient été placés dans les
deux ; mais on leur enseignoit aussi,
qu’ils avoient été Initiés , en sorte
qu’il n’y avçjit de vertu récompensée ,
que cella-qû’avoit sanctifiée l’Initiation.
La doctrine des mystères, comme l’observe
un des interlocuteurs des Tuscu-
lanes (1) , tendoit à prouver,, que les
Dieux que l’on honorait avoient auÇfq-
fbis vécu sur k. terre. Et en effet, comment
auroit-on pu proposer leur conduite
pour modèle , s’ils n’eussent été
originairement deshommes, de lanatore
de ceux qu’on exhortait à suivre leur
exemple ? Le Ciel et l’Elysée n’étaient
donc ouverts, qu’à ceux qui auraient le
sceau de l’Initiation , ou , comme dit
l’auteur de l’Apocalypse, qui seroient
marqués du sceau de l’Agneau (g). C’est
ce qui fit dire sagement à Diogène (2)
« Quoi donc, le sort du brigand Pat®-
» cion , parce qu’il est Initié , sera rneil-
» leùr que celui du brave Epaminondas >»!
Quelle absurdité , s’écrioit Diogène 1
C’est par une suite du même" principe ,
quelçs Chrétiens damnent tous ceux qui
ne sont pas de leur communion, quelque*
vertus d’ailleurs qu’ils, puissent avoir.
Ainsi le vertueux Socrate , le sage
Marc-Aurèle , les bons Antonins , les
Trajans , seront condamnés aux supplices
de l’enfer, pour ne point s’être
fait initier à la confrérie des Chrétiens;
tandis qu’un cuistre: de la Communauté
de Saint-Lazare ou des Eudistes, un.
insensé Trapiste , rayonnera de gloire
au sein de la lumière divine. Quelle absurdité,
s’écrierait encore, avec au moins
autant de raison, le sage Diogène! Il faut
convenir, que tpusles privilégiés ont tçu-
(a) Laertius, 1. 5, c. 3. >
S * ■