qui possédoit éminem ment l ’éternité delà
matière, dont il étoit la partie la plus
pure et la plus active. L ’immortalité de
l ’ame , ou la faculté de survivre au
corps organisé, après la destruction de
celui ci, dérivoitdes mêmes sources, que
sa préexistence. Elle fut donc le second
fondement delà Métempsycose. La nécessité
de la purification des âmes, après être
dégagées du corps , pour pouvoir être
admises dans le ciel, d’où elles étoient
descendues, fut un troisième fondement
de la Métempsycose; «t la véritable raison
qui la fit imaginer (g), fut l’idée d’un
certain ordre dans la justice divine, tempérée
par la miséricorde , en vertu duquel
Dieu ne livre les âmes aux Démons,
qu’après plusieurs répits, pour ainsi
dire, et plusieurs châtimens. Tels étoient
les fondemens de la Métempsycose, de
cette opinion religieuse, qui s’est répandue
de l ’Egypte dans la Grèce , et
sur-tout dans l ’Orient, où on la retrouve
encore. C’étoit un Purgatoire, que les
Sages de l ’antiquité avoient cru devoir
imaginer. Virgile, dans ce sublime morceau
de Théologie rapporté ci-dessus,
qu’il met dans la bouche d’Anchise ( i ) ,
et que Varburton croit, avec raison, renfermer
les principaux dogmes enseignés
dans les mystères, a posé ces trois grands
fondemens. On y voit la préexistence des
âmes, dans le feuéternel dont elles émanent
, feu qui anime les Astres, et qui
circule dans toutes les parties de la Nature.
On y voit aussi les âmes survivre aù
corps , pour être rendues à la région
sublime, d’où elles sont descendues ,
lorsqu’elles auront recouvré leur pureté
originelle. Enfin on y voit un intervalle
de temps, pendant lequel les
âmes, soumises à des épreuves très-
douloureuses , s’épurent assez pour être
admises dans la région lumineuse de
l ’Ether, Ce Purgatoire de Virgile paroi*
d ’abord un peu différent de la 'Métemp-
ayoose ; cependant, il ne l ’exclut pas ;
(i) Æneid. 1. 6, v. 7*4''
(#) Ibid, v . 7J I,
car Virgile convient, que peu d’ameg
sont admises à ce séjour heureux ; ce
qui donne à croire que d’autres sont repoussées
vers le monde des générations,
pour y expier leurs fautes , dans l’eau,
c ’est-à-dire, sous la forme de poissons,
dans l ’air , sous celle des oiseaux, et
effacer leurs anciennes souillures. Au
reste, Virgile admet aussila Palingénésie
au nombre de ses dogmes , quand il
nous peint les âmes (a) , qui désirent
de nouveau animer des corps. Servius ,
le plus savant des commentateurs de
Virgile (3) , explique, comme nous, par
la Métempsycose les purifications par
l ’eau et l’a ir, dont parle Virgile ; et
il prétend, que ces trois sortes ae purifications
étoient employées dans les
mystères de Bacchus : ce qui confirme
Iss rapports,que nous avons cru pouvoir
établir, entre ce morceau de Virgile,
entre le dogme de la Métempsycose,
et la doctrine et les pratiques des mystères.
Après avoir examiné quels étoient
les fondemens de cette doctrine , il
nous reste à en deviner le but. G’étoit
d’accoutumer l’homme à se détacher
ici bas de la matière , afin d’amortir
l’action des sens sur son ame , afin de
n ’être pas exposé après sa mort à des
métamorphoses humiliantes , et à des
épreuves douloureuses, et de se ménager
un retour facile vers le séjour de la félicité
éternelle. C’est pour cela qu’on
enseignoit, que les âmes des .médians
passoient dans des corps vils , ou mr
sérables,qu’elles étoient attaquéesde maladies
rigoureuses, afin de les châtier
et de les corriger ; que celles qui ne se
convertissoient p as, après un certain
nombre de révolutions , étoient livrées
aux furies et aux mauvais Génies , j>our
être tourmentées:après quoi,elles etoient
renvoyées dans ce monde, comme dans
une nouvelle école,et obligées de fournir
une nouvelle carrière. Les Manichéens
alloient plus loin (4) ■ Us avoient de*
(j) Servii» Comm. ad -AEoaid. h 6, v. 74®,
ii) Beausobr. t. a , p. 499.
métamorphose*
métamorphoses en courges et en melons,
dans lesquels passoient les simples auditeurs
, qui cultivoient la terre, se ina-
rioient , négocioient etc. et qui du
reste, vivant en gens de bien, n’étoient
point néanmoins assez purs pour entrer
dans le ciel, au sortir du corps. En conséquence
, on supposa que leurs âmes
passoient dans des melons , etc. afin
que ces fruits étant mangés par les
élus, qui ue se marioient point, elles ne
fussent plus liées avec le corps , et
qu’elles achevassent . leur purification
dans les élus. C ’estainsi qu’une métaphysique
subtile conduisit Homme au délire.
Tout ceci étoit pour les hommes ,
qui avoient eu des moeurs moyennes ;
c’est pour eux que fut imaginé le Purgatoire,
comme nous l ’avons dit plus
haut. Car le privilège des âmes des élus
étoit de retourner dans le ciel,dès qu’elles
étoient séparées du corps, parce qu’elles
étoient parvenues à la perfection requise
pour cela. Agapius Manichéen (î) di-
soit que les âmes, qui sont parvenues à
la perfection dp la vertu , retournent
vers Dieu ; que celles qui ont porté la
méchanceté jusqu’au comble sont livrées
au feu et aux ténèbres ; mais que celles
qui ont eu des moeurs moyennes, entre ces
deux extrémités , passent en d’autres
corps, pour y achever leur purification.
Nous avons fait voir plus h au t, d’après
Platon et Plutarque , que ces punitions
momentanées, qu’on appela ensuite Purgatoire
, furent imaginées pour les âmes
de moeurs communes ; et nous n’avons
rappoité ici ce passage d’un Manichéen ,
que parce qu’il ést en cela d’accord
avec le sentiment de toute l’antiquité ,
et qu’il nous confirme les dogmes de la
théologie orientale , dont Manès composa
la sienne.
D ’après tout ce que nous venons de
dire sur l’ame, sur sa nature , sur sa
préexistence, sur son immortalité , sur
( 0 Photjus Cod. 179.
fa) Eschembach. in Epigon. Orphico»
.(3) Symposiac. 1. a , c. 3 , p. 636.
Relig. Unir* Tome
les épreuves par lesquelles elle passoit ,
sur son origine, sur sa destination , sur le
but qu’on se proposoit dans les mystères,
savoir , de la perfectionner, il est aisé
de conclure , que l ’étude de l ’ame , et
de ses rapports avec le reste de la nature
étoit le grand objet de la science
des mystères. En un mot , l ’homme et
l ’Univers ; voilà le grand spectacle que
l ’on donna aux Initiés (A). Ce sont ces
deux tableaux et leurs rapports, que nous
allons envisager dans la suite de cet
ouvrage. Ouvrons donc les sanctuaires
et contemplons y l’homme mis en présence
avec la nature entière. Le inonde
et l ’enveloppe sphérique qui l ’entoure
y étoient représentés par un oeuf mystérieux
, placé à côté de l’image du Dieu
soleil, dont on célébroit les mystères.
La chaleur que l ’astre du jouryrépand,
et dont l ’activité imprime le mouvement,
et la vie aux germes , qui y sont contenus
, tenoit lieu de celle que l ’incubation
produit dans l’oe u f, dont elle
organise , vivifie et fait éclore le germe
caché dans le fluide, qui doit le nourrir;
Toutle monde connoîtle fameux oeuf
Orphique, que les Grecs (z) eonsacroient
àBacchusdansles Orgies ou dans les mystères
de ce Dieu (2). Il étoit, dit Plutarque
(3) , une image de l’Univers qui engendre
tout et renferme tout dans son
sein. Consultez, dit Macrobe (4) , les Initiés
aux mystères de Baschus, lesquels
honorent d’une vénération toute particulière
l’oeuf sacré. La forme arrondie
et presque sphérique de son enveloppe ,
qui le ferme dans tous les sens , et qui y
contient le principe de vie , est une
image symbolique du monde. Or le
monde, de l’aveu de tous , ajoute Macrobe,
est le principe universel de toutes
choses. Nous avons déjà parlé de cet oeuf
mystérieux , dans le second livre de
notre ouvrage (5 ). Cet emblème du
monde, exposé dansles mystères de Bac-
(4) Macrob. Sat. 1. 7 , c . 16 , p. 564.
(5) Ci-de«. t. 1 , l. i , c. 5, p. 235.
Aa*