
 
        
         
		f'ection fie  l.’ame  était toujours Je  grand  
 Lut,  et  les  leçons, qu’on  donnoit  dans  
 les  sanctuaires,  rappelaient l’homme à  
 son  origine  ,  et  nullement  à  l’Agriculture. 
 Nous  avons  poussé  la  mysticité jusque. 
  dans  les  derniers  retrancliemens  
 de  l ’Autopsie  , et  de la  contemplation  
 des êtres  iricréés et divins,  et  de la  lumière  
 éternelle ,  quJun voile  épais dero-  
 boit à l’oeil  mortel et ans  profanes  ,  que  .  
 l'initiation n’avoit point élevés aurdessus  
 de  la  matière  ténébreuse ,  qu  i sert de  
 prison  ici - bas  à.  nos  âmes. Nous  ne  
 croyons pas que le simple peuple  fût admis  
 à  cette dernière perfection, qui étoit  
 comme  le.  dernier  terme de  la  mysticité. 
  Il  y  avoit  plusieurs  degrés  dans  les  
 vertus  ,  comme  nous  l’ayons  vu  clans  
 Macrobe ,  e.tplusieurs degres aussi dans  
 l'initiation. On  en comptait jusqu’à sept  
 dans l’initiation Mithriaquc ;  etil paraît,  
 qu’on  donnoit dans  les  sanctuaires des  
 leçons  proportionnées, à tous  les degrés  
 d’intelligence des  initiés. Sans doute  les  
 peuples sauvages  de  l’ancienne Grecs  ,  
 que civilisa Orphée, n’auroient point facilement  
 suivi  1©  vol  du  Mystagogue  a  
 travers les régions  célestes jusqu’à  i’em-  
 pyrée  ,  et ensuite jusqu’au  monde  intellectuel, 
  quecréa la Métaphysique (-/«).On  
 ne leur enseigna donc à eux,  que les premiers  
 élémens de la morale, et ces vertus  
 dont l’effet, dit Macrobe, est de calmer la  
 fougue des  passions , et  d’amollir la rudesse  
 du caractère. Ce sont ces vertus qu’il  
 appelle politiques,  qui font de  1 homme  
 un  bon  père, un  bon  fils ,  un  bom citoyen  
 , un  bon  magistrat.  Tel  dut etre  
 le premier but et le plus universel de l’ancienne  
 législation.  La Philosophie  et  la  
 Mysticité  dans  la suite imaginèrent  les  
 autres  vertus, et conçurent  une  perfection  
 encore  plus  grande ,  à  laquelle  on  
 pouvoit  élever  l’homme. Mais le peuple  
 resta toujours dans la première enceinte,  
 et  on  ne  lui  parla  de  l’origine de son  
 ame  et de  sa destination ,  que pour l’attacher  
 à la morale, par le dogme des  ré- 
 ■  (i)  Euseb. Prsf. Ey. 1.  i ,c. 9. 
 compenses et des  peines à  venir.  Quant  
 aux tableaux  savans,  qu’on  exposoit  à  
 ses  yeux,  et qui  supposoient  des  con-  
 noissances  métaphysiques  etastronomi-  
 ques,  il  n’en comprit  jamais  le  sens.  11  
 les v it, comme il  voit ceux  qu’offre l'Univers  
 , sans y rien entendre. Cependant  
 ces tableaux n’étaient point  inutiles, en  
 ce  que  leur  appareil  imposant  ,  et  le  
 charme  du merveilleux ,  donnoient  un  
 nouveau poids aux vérités morales, qu’on  
 vouloit  lui  enseigner.  Car  c’étoit  là  
 le  grand  talent  des  chefs  d’initiation,  
 de  subjuguer  l ’esprit  du  peuple  ,  en  
 étonnant tous ses sens , ut  en  montrant  
 l’action  des  Dieux  dans  des  tableaux  
 et  des  opérations  magiques  ,  propres à  
 tromper  l’oeil du  vulgaire,  et  à lui  faire  
 soupçonner quelque chose de surnaturel,  
 dans des effets dont iln’appercevoitpoint  
 les  causes. Ainsi l’Hiérophante Thabion  
 et  les  autres  Mystagpgues  Phéniciens  
 employèrent tous les ressorts du merveilleux  
 (  1  )  ,  pour  exciter  l’admiration  
 et  l’étonnement  des mortels, qu’ils ini-  
 tioient à leurs mystères,Ce même moyen  
 fut  employé  par  tous les  autres  chefs  
 d’initiation ,  qui  cherchèrent  à  subjuguer  
 le respect  de» peuples ,  et  à  leur  
 imprimer une  grande  idée  des  leçons,  
 que  l’on donnoit  dans  les  sanctuaires,  
 soit  par  les  préliminaires  ,  qu’on  exi-  
 geoit,  soit par l’appareil pompeux, dont  
 on les accompagnoit.  Leurs  disciples ne  
 se croyoient plus les élèves des hommes,  
 mais  les, disciples des  Dieux ,  qui  eux-  
 mêmes ,  par  l ’organe de . leurs Prêtres.,  
 débitoient les grands  principes ,  sur lesquels  
 s’appuient  la  morale  et  les  lois.  
 On prépara l’initié à recevoir ces grandes  
 leçons, par de longues épreuves, comme  
 dans les Mithriaques, ou par l’abstinence  
 et la chasteté. L’homme, qui vouloit jouir  
 d.e la vision  des Dieux  ,  devoit  prouver  
 un  grand désir  ,  et apporter  une  ame  
 libre  des  affections de la matière.  Il devoit  
 s’en  dégager  , .comme  les  Dieux  
 l’étoient eux-memes.  Pour  s’unir à eux ,  
 jl falloiten quelque sorte leur ressembler. 
 est tl apres  ce  principe  ,  que  l ’initié  
 fût  soumis pendant  plusieurs jours  à  la  
 loi du jeûne  et de  la continence ,  que la  
 Philosophie croyoit si propres à dégager  
 lame  de  la matière et  du monde  cle  Ja  
 génération.  L’initié  étoit  obligé  d’affirmer, 
   qu’il avoit jeûné,  et qu’il  avoit bu  
 duCycéon (1),liqueur, sans ddute, propre  
 à. affoiblir  en lui  la faculté  génératrice..  
 Les  Hiérophantes  eux - mêmes  se  frottaient  
 avec  du jus de ciguë , pour.afnor-  
 tir le feu de l’amour, et pour pouvoir plus,  
 facilement garder la chasteté,  dont il fai-  
 soient voeu  (a). 
 Oh étoit persuadé,  qu’on ne recueillerait  
 point les  fruits  de l’initiation ,  si on  
 ne  s’y étoit préparé  parla chasteté,  ou  
 au moins , par une  continence  de  quelques  
 jours, (3). 
 Les femmes se préparoient  également  
 par  le  jeûne  et  par  la  continence à la  
 célébration des Thesmophories (4). Elles  
 laisoient même usage de 1’ agnus-castusy  
 pour  calmer  leurs  désirs  ,  et  d’autres  
 plantes froides ,  qu’elles étendoient  par  
 terre,  et sur lesquelles  elles  couchoient.  
 Ovide prétend, qu’elles  étaient obligées  
 de  garder  la  chasteté  pendant  neuf  
 nuits.  Elles  se préparoient, par  la  continence  
 ,  à  approcher  de  l ’autel  de  
 Cérès  (  5  ).  La continence  était  exigée  
 ' dans  les  mystères  de  Cybèle  et  
 a ’Atys,  et la  pratique  de  la  chasteté,  
 suivant Julien (6),  avoit  pour but  de faciliter  
 le retour vers les Dieux. On l ’exi-  
 geoit aussi dans la  célébration  des fêtes  
 de Minerve ,  et même  dans  celles  de  
 Bacchus (7). Tite-Live fixe à dix jours la  
 durée  de  cette  continence  , .qu’on im-  
 posoit aux  initiés  aux mystères de  Bae-  
 chus (8). 
 Les  Gerairai ou  femmes vénérables,  
 occupées  du  sacrifice  de  ce,  Dieu dans,  
 les Dionysies  ( 9)  ,  attestaient  qu’elles 
 .(>)  Clem.  in Protrept.  p,  .  Arnob.  1.  5. 
 O)  Hieron. Coût.  Joyian.  1.  2. Meurs,  c.  13. (3)  Arrian.  in  Ep, 1. 3, c. 21. Meure. Etau. c. 7. (4)  Set-  6, v. 44* Meurs,Grimii feriatà, 1. 4>  p- >5s— 1J9. 
 (?)  Juven.  Sat.  1.  5 ,  v.  47. 
 »SS  Julian. Crat, 5. p.  as8—302. 
 étaient  pures, qu’elles n ’avoient souffert  
 l’approche d’aucun  homme,  et  qu’elles  
 étaient, exemptes  de  toutes  souillures.  
 Les jeunes Canéphores, qui portaient les  
 cistes mystiques ,  dévoient  être sur-tout  
 recommandables  par moeurs  (10), la pureté de  leurs  
 On  oblige oit  aussi  au  célibat  et. à  la  
 virginité  les  initiés  aux  Mithriaques  ,  
 tant  Û’un-sexe  que  de l ’autre,  qui  aspiraient  
 à  la  perfection (11).  Ils  avoient  
 leurs viergés  et leurs célibataires , et leur  
 Grand-Prêtre  devoit  être  monogame  ,  
 comme  Saint  Paul  l ’exige’ d’un Pièce  
 Chrétien,  unius uxoris  conjux. 
 Isis, .daps Apulée  (12) , dit à cet initié,  
 que  si ,  par une  chasteté inviolable ,  il  
 vient  à  bout de  mériter  sa protection  ,  
 elle lui déclare, qu’ibpourra prétendre à  
 une  vie  plus  longue ,  que  celle  qui  lui  
 est  prescrite  par  le  destin.  L e ‘Grand  
 Praire d’Isis,1e condamna  à un jeûne de  
 dix  jours ;  et  à l’abstinence  de la chair  
 de  toutes  sortes  d’animaux  ,  avant  de  
 l’introduire  dans  le  sanctuaire  ,  ou  il  
 devoit être  éclairé de  la  lumière  divine.  
 Nous  avons vu plus haut,  comment les  
 Prêtres  de  cette Deesse, et les.  initiés  à  
 ses mystères,évitaient, tout cequipouVoit  
 irriter la  passion  de  l’amour, et  se sevraient  
 pendant  quelque  temps  de ces  
 plaisirs  ,  regardant  la chasteté, comme  
 un  moyen  d’arriver  plus  aisément à la  
 contemplation  de  la  Divinité  ,  et  de  
 l’être  intellectuel. 
 Les Vestales  à Rome étoient chargées  
 des cérémonies mystérieuses de la bonne  
 Déesse  ;  et  les  femmes  peuvoient  
 seules  y  assister , * à l’exclusion  de  tout  
 homme, quel qu’il  fût.  La  pudeur  et la  
 chasteté  passoient pour avoir  été la vertu  
 de la bonne  Déesse.  Cette  vertu  ne  
 fut  pas, sans doute  , toujours respectée  
 par  celles  qui célébrèrent ses mystères;, 
 (7)  Ibid.  p.  333.  ' 
 (8)  Tit.  Liv.  1.  39,  c.  9. 
 (9)  Demostlf.  Orat.  in  Neær. 
 (■ «)  Strab.  1.  jo,  p.  322. 
 (i 1)  Tertull. de Prescripr. c. 40,  p.  2A7; 
 fia)  Mstamarph,  n ,  ,  p.  281.