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continent d’Asie , de la partie de l’Europe
habitée par les Grecs et par les
Thraces. En conséquence la petite île ,
connue sous le nom de Samothrace,
fut long-temps dépositaire des mystères
augustes, auxquels on venoit de tontes
leç parties de la Grèce se faire initier.
Cette île passe pour avoir été habitée
par les anciens Pélasges ; mais les Pélas-
ges , d’où venoient-ïls eux-mêmes ? La
tradition, qui les fait naître en Arcadie,
» ’est peut-être qu’une désignation du
premier pays où ils se fixèren t dans la
Grèce. Ce qu'il y a de certain , c’est
que le nom de Cabires , que l’on don-
noit aux Dieux de Samothrace , n’est
point un nom Grec ; qu’il est absolument
oriental; que c’est l'e mot Cabar, qui
Veut dire Grand , et qu’on a traduit par
les grands Dieux. Virgile fait voyager
Enée et tes Troyens, descendans deDar-
dànu's, sur des vaisseaux dans lesquels ils
emportent. leurs Dieux tutélaires, cmn
-jha.gn.is dits. Varron appelle ces Dieux
de Samothrace , divipoternes. Les Arabes
appellent encore Cabar Vénus , et la
Lune, la grande Planète (1). Les Cabires
sont .donc , à proprement parler , tes
grands Dieux ; dénomination qui a pu
.être.appliquée à plusieurs Divinités. On,
donna aussi le nom de Grands ou de
Cabires. aux Prêtres de Cybèle, Ce nom
de Grandoude Grand-Prêtre , lêsMinistres
des autels ont toujours aimé à le
partager avec leurs Dieux. Le culte de
Cybèle et d’Atÿs venoit de Phrygie ,
comme nous, l’avons vu plus haut, et
.Dardant® , un de ces Prêtres , avait
donné son nom à l’îLe Dardante , qui
le changea ensuite en celui de Samo-
thracê ; ce qui ràpproelis .ce culte de
! celui des. grands. Dieux d’Enée ; de6-
.cep dan t de. Bârdanus.
S.iiivain te Varron (2) , lies grandes Divinités^,
auxquelles. on. initioit à Samothrace
, étoient le Ciel et la Terre. 11
n’est pas étonnant,que ces deux parties
(0 Kuihÿm. 2/Sgàhen! et Cêdiren'.
(2) V.arro de Ling. Lut. I, 4, §. 10.
de l’univers les plus ‘apparentes, qui
renferment les antres ' Divinités dans
leur sein, étqui, àce titre, sontàlatête de
toutes les Cosmogonies , aient reçu
le nom de Grands D ie u x , ou de grandes
Divinités. Ils contenôient le principe
actif - et passif de la génération
universelle , qui étoit un des objets
principaux de la vénération des Initiés.
C’en étoit assez pour recevoir le titre de
Grands et de Puissans ; mais je ne crois
pas , quoi qu’en puisse dire Varron ,
qu’ils le possédassent exclusivement, et
que cette dénomination de Grand n’ait
pas été donnée à d’autres Dieux : par
exemple, aux Divinités tutélaires de k
navigation, ou aux deux Gémeaux célestes
, qui ont conservé le nom de
Dieux de Samothrace et de Dioscures.
Certainement ils dévoient être réputés
grands, dans une île où l’on venoit faire
des voeux pour obtenir des vents favorables
et une heureuse navigation. Il en
dut être de même de Cérès, de Proserpine
, de Pluton , dont les noms étoient
unis chez les Grecs par un culte commun
, et qui étoient les graiïdes Divinités
, sous l’empire desquelles pas-
soient les- âmes après la mort (b). Ru
la même raison , Mercure ^conducteur
des âmes, dut aussi être un Cabire,
puisqu’il jouoit un grand rôle dans
cette fiction Mystagogique sur le destin
des antes , qui étoit 1e principal et presque
l’unique but de l’initiation , comme
nous le ferons voir dans la suite. Aussi
le Scholiastè d’Apollonius (3) nous a
conservé , d’après Mnaséas, les noms
de quatre Divinités Cabiriques adorées
à Samothrace. ’ Ces Divinités, sont Cérès
, ProSerpine, Pluton et Mercure.
La première ;s’appelle en' langue, soi!
barbare, soit sacrée, Axièros ; la seconde
Axiocersa/î la troisième Âxiocersus,
et la dernière Casmi lias.
Mercure y faisoit, comme par-tout:,
la fonction de Ministre des Dieux, de
(3) Sckol. Apoll. ad J . x > v. <510.
Messager des Cieux et des Enfers ;
voilà pourquoi on a souvent donné le
nom de Mercures , ou de Camilles, aux
jeunes Ministres des autels , ou aux
enfans qui servoient dans les temples.
(l)-
Les Toscans , originaires de l’Asie
mineure, ou de Lydie, et qui avoient
passé avant les Troyens en Italie , prés
des bords du Tibre , avoient encore
conservé ce nom de Camilles (*), ou de
jeunes Mercures , aux enfans qui servoient
au temple. Ce nom prenoit son
origine dans les mystères des grands
Dieux , que les Etrusques et les Pelasges
avant eux honoroient d’un culte secret
et religieux.
Tarquin l’Etrusque , fils de Déma
rate de Corinthe , qui régna à Rome ,
initié -aux mystères de SamothràCe , et
instruit de ce culte , renferma dans un
même temple les trois grandes Divinités
des Romains , Jupiter, Junon et Minerve.
C’étoit chez'les Etrusques , -que l’on,
supposoit que s’étoient réfugiés les Cabires
, après le massacre de leur jeune:
frère (3). D’un autre côté , la tête de cfet
infortuné fut portée en Asie au pied du
mont Olympe. On voit, que cette fiction
fie l’Asie mineure,, ou la Phrygie avec
l’Etrurie, et cela par une raison simple ;
C’est que' ce culte étoit. Phrygien ou Lydien
, et que les colonies, qui passèrent
de l’Asie mineure*4 sur la*côte. lo.c.çi.den-
falè de l’Italie, çqiportèrent avec eux
leurs traditions , leurs rits et leurs
Dieux. Voilà pourquoi l ’Etrurie- avoit;
ses Dieux Çabires^cejnme L’Asie; coiimie
la petite île, appelée l’île sa-cpée , ët.ênf,
suite l’île de Dardpmns, et Samothrace,,
les avoit aussi., Darda,nus , né en Asie ,,
avoit été en, Italie,; c’est su^ cela,
meme que naît l’équivoque du n,om_ d.p
Dardanidae, donné par l’Oracle a<ux
(0 Plüf. ijDNûbia.'" '
mi yn i. fret: •
(4j AEoeid. Virg. 1, 3. y.
Troyens, et qui les jette dans une grande
méprise (4).
Suivant Diodore , Jasion avoit fait
quelques changemens aux mvslères de
Samothrace (5). Or Jasign passoit pou?
être le petit-fils de Dardanus par Electre.
Toutes ces observations nous portent
à croire, que le culte des Divinités Cabiriques
, établi à Samothrace , v étoit
passé de Phrygie, et en général de l ’Asie
mineure. Peut-être ces peuples eux-mêmes
l’avoient - ils reçu des Phéniciens :
car il est question des Cabires dans la
Cosmogonie Phénicienne par Sancho-
niaton (6) , et le nom de Cabar appartient
à la langue des peuples de cette
côté. Il est aussi dans lalanguë hébraïque.
Strabon et Hérodote ( 7 ) parlent des
Cabires , qui avoient des temples à
Memphis , ainsi que Vulcain ; et ils assurent
que ces templesfurent détruits par
Cambyse, Mais ces Cabires ne peuvent
être tes Dioscures, puisque le même
Hérodote assure , que les Dioscures n’t-
toient pas connus des Egyptiens.
Au contraire , les Cabires paroissent
singulièrement appartenir à la Phrygie,
au voisinage du mont Ida , et avoir des
rapports marqués avec la mère des
Dieux. On disoit qu’ils (8) tiroient
leur nom de la grande montagne , ou
du, mont Cabir en Bérécynthie ; c’est-à-
dire dû pays même, qui fat donner à Cy-
béle l’épithète de Déesse de Bérécynthe.
G’étoit l’opinion de Stésimbrote de Tha-
se, qui attribue aux, Cabires les cérémonies
sacrées de 'Samothrace (c). loi
tes Cabires, ne sont plus considérés que
comme les grands Prêtres,ou iesHiéro-
phan tes du culte Cabn.iq.ue.,
, Acusilas d’A.rgqts,, dit,, que Camille
étoit fils, de Cabire et dp Vujçain, tradition
qui rapproche ces Cabires .de Vul-
cain, comme ils, l’etpient dans le récit
d’Hérodote sur les, Cabires,de Memphis.
{5) Diod. I. 8. §. 49.
(6) Voy. Jablous. Proi., p. 5.9.
(7) Scrab. 1. 1©. Kerô&. 1. 3,
($) Strab. 1. 10.