à l’état de l’homme malheureux ici bas,
et aux Génies malfaisans , qui livren t à
son aine les plus cruels asSlauts. On y
voit une théorie mystérieusesûr les
Génies bons et mauvais, sur les combats
qu’ils se livrent , et sur les défaites
et les victoires des principes du bien et
du mal de la'Notaire. Aussi Plutarque (1)
prétend-il, que la guerre des Géansetdes
Titans contre Jupiter; dans la théologie
des Grecs, que les crimes dè Saturne
contre son père , les combats d’Apollon
contre le grand Dragon Python , lés
exils et la fin tragique de Bacchus ,
les courses de Gérés , les aventures
d’Osiris et de Typhon , et toutes les cérémonies
mystérieuses de l’initiation,
dont les détails ne peuvent être rendus
publics, avoient pour objet cette théorie
des principes secondaires, ou des Génies ;
et non pas la Divinité suprême , qui
ne pouvoitse plaire à Ces sacrifices funèbres,
à ces cérémonies lugubres et’
cruelles, où l’on mangeoit quelquefois
des viandes Crues (2) , et oùl’on mettait
en pièces des hommes , comme dans
les Omophagies, ou représentations de
la mort tragique de Bacchus. Que ces:
fêtes tumultueuses ou obscènes , -dans
lesquelles on s’agitait.furieusement, et où
i’on se là mentait, n’avoient d’autre but,
que d’écarter l’influence des esprits malins
, et les effets de leurs fureurs.
Nousn’examiiierons pointjusques à quel
point l’explication de Plutarque est
Juste ; et si ces mouvemens furieux, ces
morts tragiques, n’étoient pas plutôt une
représentation des violences exercées
par les mauvais Génies sur le principe
de la lumière et du bien, qu’un moyen
sûr de les appaiser. Nous tirerons seulement
une conclusion , propre à établir1
la vérité dé la proposition que nous
avons avancée, et que nous cherchons ici
à prouver ; c’est que la théorie des Génies
faisoit partie des dogmes et des
spectacles de l’initiation , et qu’elle se
( i l De Bide, p. 3 '0..
(2) Plut, de Oracul. Defect, p. 417.
lioit aux mystères , parce que les sanctuaires
eux-mêmes, où l’on initibit , et
que les tableaux et les représentations
qu’on y offrbit, étaient destinés à peindre
tout l’Univers , avec les causes visibles .et
invisibles, qui y sont mises en jeu, et qui
ooncourent à former le système universel
dp monde , dans lequel l’ame
entre parla génération, où eDe vit quel-
que temps dan s une espèce de'captivité ,
et d’où elle sort à la mort, pour retourner
à son principe , lorsqu’elle a été
assez heureuse pour être régénérée. Çette
conclusion est confirmée par Plutarque
(3) , lorsqu’il nous dit, que le dogme
de la Providence , qui administre le
monde, par le moyen de puissances intermédiaires
, qui entretiennen t le commerce
de l’homme avec la Divinité ,
était consacrédans les 111 y stères desligyp-
tienSjdés Phrygiens, desThraces,des Mages
et des Disciples de Zoroastre , comme
on pouvoitle prouver par leurs initiations,
auxquelles des cérémonies lugubres
et funèbres sé inêloient. Nous avons parlé
plus haut de ces fêtes funèbres , dè ces
sépultures v et de "Ces morts fictives, en
honneur du Soleil, peint sous lés traits
de l’homme ùiortei. Plutarque ignore ,
quel fut l'inventeur de ce dogme sur
les Génies; mais il assure, qü’oh en' pë«t-
trouver des preuves dans les initiations-
des différens Peuples , que nous venons
de nommer. Platon admet également
cès, puissances intermédiaires’, éjtii lient
lès hommeS'aux Dieux, èt qui mit retiennent
entre eux ce commerce réciproque
de prières et dé bienfaits ( 4 ) , qui se
fait entre le Ciel et. la terre. C’est sur
eux que repose , dit Platon , taute la
science sacerdotale , et l’art des sacrifices
et des initiations , toute la science
des enchantemens, des prestiges, et de
la divination. C’étoit aussi sur cette dernière
base, sur les preuves tirées de la
puissanoe des Génies , sur les prédictions
des Devins , et sur les oracles , que les
U) Ibid. p. 415.
(4) Plut. t. 3, in Sympos. p. *01.
Mystagogues, et les chefs d’initiation,
réciproquement établissoient le dogme
des récompenses et des peines éternelles,
si nous en croyons le témoignage de
Celse (1). De tous ces témoignages , il
résulte clairement, que la théorie des
Génies , et le dogme de la Providence ,
qui administre par eux l’Univers , et
qui produit les biens et les maux de laNature
, faisoit une partie essentielle des
leçons, que l’on doiinoit aux initiés ,
pour leur apprendre les rapports3 dans
lesquels leur arne était avec toute la
nature ;-cè qui était la grande leçon ,
qu’on se proposoit.de donner dans l’initiation,
afin de rendre l’homme plus
grand à ses propres yeux , en lui apprenant
ce qu’il étoit dans l’Univers.
- :Voilà.- donc le tableau du monde , développé
dans toutes ses parties aux yeux
de l’initié;et l’antre symbolique, qui le
représente , orné et revêtu de tous ses
attributs. C’est dans ce monde, ainsi
organisé, doué d’une double force active
et passive’ , partagé entre la lumière
et les ténèbres , mu par une force vive
et intelligente , gouverné par des Génies
, qui président dans ses différentes
parties , et dont la nature et le caractère
sont plus ou moins dégradés, à
proportion qu’ils ont une portion plus
ou moins' grande de la matière téné.-
breuse, que descend l’ame, émanée du feu
Ether,et sortie de la région lumineuse,que
l ’on cOncevoitsupérieureaumonde. Elle
entre dans la matière ténébreuse, où les
deux principes,secondés de leurs Génies
familiers, se combattent, poury subir une
ou plusieurs organisations dans le corps
qui va l'enchaîner; jusqu’à ce qu’enfin
elle retourne au lieu de son origine, à
sa véritable patrie , dont elle est exilée
pendant la vie. Car c’est à cela que se
réduit toute la théorie de l’ame. Sui-
vons-la donc dans sa route et dans son
(1) Orig. contr. Cels. 1 8 , p. 420.
(i) Somn. Scip. 1. 1 , c. 8.
(-3) Æneid. 1. 6 , v. 724, etc.
(4) Ibid. Virg. v. 730 et 747.
2 l 3
retour à travers les constellations.et
les Sphères planétaires. Mâcrobe va
d’abord nousservir de guide (2).
Il faut avant tout nous rappeler ce
que nous avons dit plus haut sur
lame , d’après Virgile (3) , qui n’a fait
que consacrer dans ses vers l’opinion
des Pythagoriciens , des Stoïciens , des
Platoniciens etc. en général de tous
les plus grands Philosophes de l’antiquité
, qu’elle est une émanation de
l’ame du monde , et du feu principe
universel,quicircule au-dessus des cieux,
dans une région infiniment pure , et
toute lumineuse. Ce feu céleste , pur,
simple et sans aucun mélange ,se trouve
placé au plus haut (lu monde , par sa
légèreté spécifique (4) ; s’il en descend ,
sa nature est contrariée, et c’est un désir
inconsidéré de la part de l’intelligence
, un amour perfide pour la matière
, qui l ’en fait descendre ( x ) , pour
connoître ce qui se passe ici bas , où le
bien et le mal sont eh opposition. La
matière est censée lui tendre des pièges ,
lui présenter une amorce; s’il succombe
à la tentation, alors il fait l’épreuve des
maux , qu’il ne connoissoit pas encore,
et qui n’approchent jamais de l’empire
du bien , et de la lumière, où les âmes
sont établies. Elles s’écartent donc de
ce monde lumineux par la génération ,
c’est - à - dire , en descendant vers le
monde sublunaire, où s’opèrent les générations,
et en s’unissant à la matière ténébreuse
des corps. Cette idée métapliy-
que a souvent été rendue d’une formero-
manesque et mythologique dans la théologie
des Orientaux, comme on peut le
voir dans Beausobre (5). Elle se présente
d’unemanièreplus simple dansMacrobe.
L ’ame , suivant ce Pliilosophe (6) ,
est une substance simple , une
monade, considérée dans son origine
, lorsqu’elle est séparée de la ma-
(5I Beausobre, Traité du Maaichéis. t. 2 , 1. 6 ,
c. 2, 3 , 4 , etc.
(6) Somn, Scip. 1. 1 , c, ë , p. 1 y ; c. 9 , p. 3p.