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colonnes, dont nons ayons parlé plus
haut, et sur-tout celle qui retrace l’a-
▼ enture du Cocher , Hippolyte , Para-
natellondu Taureauavec leSerpentaire.
On nourrissoit des serpens sacrés (1)
dans tout le territoiie d’Epidaure, et
on les apprivoisoit. Le culte d'Escu-
lape passa d’Epidaure dans l’isle d’E-
gine, placée vis à-vis cette ville et dont
le nom semble tiré d’Aiga ou de la
fameuse chèvre , qui nourrit Jupiter ,
et qui reste entre les mains du fcocher
celeste, adoré dans toute cette con-
t ée (2).
C etoit sur-tout à Messène en Mes-
senie , (3) qu’Esculape avoitun magnifique
temple , rempli de belles statues,
au nombre desquelles se trouvoient,
outre celles du dieu et de ses enfans,
aussi celles d’Apollon, des Muses et
d’Hercule , ou de ce dieu Soleil sous ses
différentes formes équinoxiale et solsli-
tiale. On xetrouvoit près des mêmes
lieux le temple de Triopas (4), divinité
placée aussi parles anciens dans la constellation
du Serpentaire (S), et les images
des Bioscures ou des Cabires, que la
théologie des Phéniciens donnait pour
fi eres a Esculape. Ceci semble^ reporter 1 origine de cet établissement aux Phéniciens,
qui voyagèrent les premiers dans
tout ce pays, et qui y portèrent leur dieu.
Nous entrons dans ces détails, pour fa-
ciliterle travail de ceux qui voudront
retrouver la filiation des peuples et
suivre leur marche sur la terre, en suivant
la filiation des cultes, et en observant
leurs différentes traces dans les
monumens religieux de l’Egypte , de la
Phénicie, de la Libye et de la Grèce,
et même sur les bords du Pont-Euxin ,
a Sînope, où nous retrouverons encore
le Cadmus Phénicien , l ’Eseulape Egyptien
et Grec , sous les traits et le nom
de Sérapis. C’est en mettant sous un
f l ) Ibid1. 70..
(2), Ibid. 72..
f p j Meffeniaç. pi 14*,
#6 pau%.. ilwd. p. 14p.
même point de vue tous ces rapports
et en formant ce rapprochement de
tous les points du globe, où les mêmes
formes de culte se retrouvent, qu’oa
peut faire naître des idées utiles , qui
mènent à d’autres découvertes précieuses
pour la physique ou l’histoire. C’est ce
motif sur-tout, qui nous a déterminé à
donner une description des monumens
religieux de la Grèce, dans la première
partie de nos mystères. Qn’on nous
permette donc ces détails , qui ne sont
pas une digression perdue pour la
science.
On trouvoit, près de Thelpussa en
Arcadie, un temple d’Esculape , ainsi
que des* temples consacrés à Cérèà et à
Proserpine. (6) Cette union n’a riend’é-
tonnant, puisque dans les fêtes Eleusi-
niennes le dernier jour étoit consacré
à Esculape , qui d’ailleurs , comme nous
le verrons bientôt , n’est autre chose
que Pluton. Aussi cette Cérès avoit-elle
tous ses attributs empruntés d’une Fu-
rîe (7]. Nous en donnerons ailleurs
l ’explication, dans notre traité des mystères.
C’étoit à Thelpussa , que I on
prétendoit qu’Esculape enfant avoit été
exposé, et on y Yoyoit le tombeau de
Trugone (8) , sa nourrice. On trouvoit
aussi à Mégalapolis un temple et une
statue d’Esculape enfant. On sent bien,
que cet Esculape enfant ne fut que le
soleil du Solstice d’hiver même ; car
telle étoit la forme que ce dieu prenoit
à cette époque. Le nom d’Esculape
pouvoit bien lui être conservé , quoiqu’il
eût déposé ses formes viriles et sa
barbe touffue , qui sont les attributs
distinctifs d’Esculape proprement dit.
Dès qu’on le faisoit homme, dès qu’on
le faisoit naître , les peintres et les
poètes le représentèrent sous les traits
de l ’enfance , quoique le véritable Esculape
, le soleil des trois mois d’auÇ&
Hygin. f- *•
(6) Paulin. Arcacï* p* &g$Jq -
(7; Idem. Corinth pi éçj;
§(jf idem Arcadie.
tomne ou de la fin de l ’année, n’eût
rien de semblable à l ’enfance.
Les habitans d’Aigium en Achaie ,
sur le golphe de Corinthe (i) , avoient
aussi un lieu consacré à Esculape, place
à côté du temple de la déesse Illithye.
On y voyoit la statue du Dieu et celle
de la Santé ou d’Hygiée , son épouse.
C’est dans le sanctuaire d’Esculape, que
Pausanias rencontra un Sidonien , qui
l’assura , que les Phéniciens connois-
soient infiniment mieux la nature des
divinités Grecques, que les Grecs eux-
mêmes , et entt ’autres celle d’Esculape ,
à qui ils ne donnoient point de mortelle
pour inère , et qui, suivant eux,
n’avoit qn’Apollon pour père. Ce passage
d* Pausanias semble confirmer ce’
que nous avons déjà dit des phéniciens
et du culte d’Esinun et d’Esculape ,
depuis long temps établi chez eux. Le
Sidonien reconnoît, que dans Esculape
on aduroit la qualité bienfaisante du
soleil , qui entretient dans l’air cette
heureuse température , qui contribue a
la santé j et on a vn plus haut, que telle
est notre opinion , appuyée du témoignage
de Porphyte.
Tout le long de cette côte , dans le
territoire de Sicyone (2) , on retrouve
le culte d’Esculape. A Sicyone, il y
avoit un temple à l’entrée duquel se
trouvoit, d’un côté le fameux C.ocher
qui annoncoit le printemps ou le dieu
Pan, et de l ’autre l’imcge de Diane
on de .la lune , qui au printemps se
trouvoit pleine dans le signe opposé ou
en conjonction avec Esculape. Cet Esculape
n’avoit pas de baibe. Il étoit imberbe
, comme Apollon. On peut donc
le regarder comme un véritable Apollon
ou comme le soleil de printemps, qui
avoit pourParanatellon Esculape , Qu la
constellation dajns laquelle lalimesetrou-
voit. tous les ans pleine à cette époque. U
paroît, qu’il avoit ici eaucoup de rapport
(1) Paufan. Achaïca. p. ego.
(2) Paulin. Corinth. p, 45.
(î) Ibid. p. 53 ■
au couchant et à la lune opposée au
soleil ; aussi y trouvoit-on les images du
sommeil et des songes (3).
Esculape y étoit représenté , tenant
d’une main un sceptre et de l ’autre les
fruits dn pin (z 5). On disoit, que ce
dieu, sous la forme de serpent , avoit
été transporté d'Epidaure à Sicyone.
Les traditions Grecques portent-en effet,
que c’étoit d’Epidaure , que le culte
d’Esculape étoit passé dans les autres
villes (4). C’étoit d’Epidaure , que les
habitans de Pergame croyoient le tenir ,
et par suite ceux de Smyrne. Ce point
mériterait d’être examiné , sur-tout
pour ce qui concerne le culte d’Esculape
en Crète et dans la Cyrénaïque ,
où les Phéniciens ont tiès-bien pu la
porter immédiatement. Nous avons vu
dans la théologie Phénicienne, qu’il y
passoit pour fils d’une Titanide. Or ,
nous le trouvons sous cette dénomination
Phénicienne près de Sicyone , à
Titané , ville bâtie par Titan, frère
du soleil. On attribuoit à Alexanor ,
petit-fils d’Esculape , la dédicace de ce
temple, qu’avoit Esculape à Titané. Ge
dieu paroissoit enveloppé , comme 1 e
dieu des hivers ,4 ’un manteau de laine,
qui ne laissoit paroître que sa figure
et l’extrémité des mains et des pieds (5).
On voyoit prèsdelui la statue d’Hygiée,
celles d’Aiexanor (a6) et d’Euéniérion ,
êtres moraux personnifiés. On sacrifiqit
à Alexanor , après le coucher du soleil,
comme <1 un héros , et on honoroit
Euéuiérion commeun Dieu. La Nymphe
Coi onia , mère' d’Esculape , , cette
ïitanide , dont parle Sanchoniaton ,
y avoit ausd sa statue ; piès de là oit
trouvoit un autel où r l’on saci ilioit aux
vents. Les Phéniciens y sacrifioient
aussi, et ils avoient élevé deux colonnes,
l ’une au feu et l’autre au vent , comme
on le voit dans le passage de San- I10-
niaton ou de ce même Phénicien, qui fait
(4) Ibid. p. 69,.
(g) Ibid. p. 54.
Y a