R Ou E L I G I O N U N I V E R S E L L E .
C’étoit alors, qu’on les voyoit se taillader
les bras, se priver des caractères
de leur sexe, et porter, comme en
triomphe, clans les rues les dépouilles
sanglantes de leur virilité. Us prati-
quoient à la lettre le précepte de Christ,
qui veut qu’on se fasse eunuque pour
mériter le Ciel. Nos Prêtres, plus sages,
n’y ont vu qu’une allégorie. Ils se préparaient
à cet affreux sacrifice de leur
personne ,, par tout ce qui pouvoit aliéner
leur raison , et les étourdir sur les
effets de leur délire ( r ). Le son des
cymbales , des cors, le bruit des clairons
, étonnoient leur ame et la trans-
portoient en quelque sorte hors d'elle-
même. Us s’y préparaient par un breuvage
mixtionné des eaux du fleuve Gal-
lus. De-là , sans doute , la tradition que
les eaux de ce fleuve les faisoit entrer
en fureur. Qui bibit, indè Jurit, dit
Oyide.
Ces Prêtres , au reste (2) , étoient les
plus infâmes et les plus misérables de
tous les hommes ; et les farces horribles,
qu’ils avoient cru propres à en imposer
au Peuplé , ne firent que les rendre en-
core.plus méprisables à.ce même Peuple,
qui ne vit en eux que des êtres vils,
efféminés, dégradés de l’humanité, parleurs
propres mains. Les Métagyrtes ,
qui couraient les campagnes et les villes,
pour vendre au Peuple 1, à bas prix, les
faveurs des Dieux , dont Atyset Cybèle
étoient garants, étoient de vils men-
dians, comme nos moines, qui n’aniu-
soien t que la canaille , par le son des in s-
trumens dontils jouoient, etle bruit des
cymbales et des tambours, qui étoient
l ’accompagnement de leurs mystères (3)1
Ces derniers Prêtres n’offroient qu’une
image dégradée des choeurs etdesflanses
des ari ciens ministres du culte de Cybèle,
auxquels on a appliqué le nom dé Cory- 1
(1) Lucr. !. 2. Ovid. in-ïbin. TibuII. Ï.ILEleg.4,
- (2) August. de Civ. Dei, t. 7 , c. 26. ;
(3) Vandale de Sac. Rit. Taurobol. c. tr. Acad.
Inscript, t. 2, p. 443. Mém. de Boze.
(4) Serv. adÆncid. 1.9 , v. 114.Tat.Cofu.Gent.
bantes, et dont Strabon nous donne uns
plus grande îaée , que celle qu’on en
avoit, en voyant les Métagyrtes et les
derniers Galles. Le Çhef des Galles pre-
noit le titre d’Archi - Galle , et il étoit
obligé d’être eunuque, à l’imitation de
l’amant de la Déesse (4).
Le Récipiendaire aux mystères étoit
interrogé par le Grand-Prêtre , à qui il
devoit répondre ees paroles énigmatiques
:
« J’ai mangé du tambour ; j ’ai bu de
» la cymbale ( o ) ; et j’ai porté le cer-
» nos ».Ce sont de vraies phrases deFran-
maçonnerie , qu’il n’étoit donné qu’aux
Frères de cette Confrairie d’entendre :
c’étoit l’argot des mystères (5).
Ce culte de Cybèle fut assez répandu
dans les premiers siècles de l’Eglise et
sous les Empereurs. Julien inyoque cette
Déesse et nous donne des détails sur
ses fêtes. Constantin (6) avoit fait placer
à Constantinople la statue de la mère
des Dieux, que les compagnons de Jason
lui avoient élevée sur le mont Dindyme.
.La licence et la débauche suivirent naturellement
les représentations lubriques
de ces fêtes. Aussi les Pères ont-ils crié
contre l’obscénité et la licence des cérémonies
religieuses de Cybèle (7)..
On retrouve des temples de Cybèle J
non-seulement en Syrie , comme nous
l’avons vu par Lucien, mais encore en
Colchide , à l’embouchure du Phase,
fleuve qui donna à cette Déesse le surnom
de Phasiane ou Déesse du Phase(8).
Elle étoit représentée assise, ayant
des lions' au pied de son trône, et
tenant des cymbales dans ses mains.
Elle étoit honorée chez les Cirniné-
riens , et elle en prit le nom de Déesse
Cimmérienne (9).
On trouve à Rome beaucoup d’inscriptions
où son nom est toujours uni
(ï) Clem. Protrep.
(6) Zor.im. Hisr. [. 2 , p. 43$.
(7) Theaphyl. ad Autol. p. 122.
(8) Arrianus in Pepiplo Ponti Kxini.
(ÿ) Hesych.
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à celui de son amant Atys. Les figures
du Belier et du Taureau, l’un , signe de
l’exaltation du Soleil , et l’autre de celle
de la Lune, deux signes qui successivement
occupèrent le point équinoxial,
se trouvent unies dans les monumens
au pin sacré, auprès duquel .elles
sont placées ( i) l.
On voit même, dans une de ces inscriptions,
l’épithète de Minotaure donnée
au Dieu Atys ( 2 ) ; ce qui le- rapproche
du Mithra monté sur le taureau,
du Bacchus à tête de taureau, enfin
de l’ancien Dieu-Soleil équinoxial, fils
de Pasiphaë, une des Pléiades placée
sur le Taureau , ou sur le fameux amant
de Pasiphaë.
C’estce Taureau, qui'joue un si grand
rôle dans les monumens du culte Mi-
thriaque ou de Mithra , Dieü-Soleil, la
grande Divinité des Perses. Mithra est
représenté montant un taureau , qu’il
égorge , et accompagné du lion , du
serpent ou de l'hydre , du scorpion et
du chien ; tous animaux des signes et
des constellations, aussi-bien que le
taureau. Ce monumentest toub-à-fait As-
V fU U lU iC U U U O C i l U .U U I1C I U U 9
ailleurs une explication détaillée (3) ,
nous n’insisterons point ici sur ce monument
, ainsi que sur d’autres à-peu-
pres semblables, que l’on trouve gravés
dans le savant traité de M. Hyde sur la
Religion des anciens Perses : nous pas*
serons tout de suite à l’historique du
culte Mithriaque.
Si le culte du Soleil, sous le nom
d’Adonis, appartient à la Phénicie ;
sous celui^ d’Atys, à la Phrygie ; sous
celui d’Gsiris, à l’Egypte ; sous celui de
Mithra , il doit être rapporté à la Perse,
d où est venu ce nom, ainsi que les sa-
vans emblèmes de cette religion (p).
Les Perses, adorateurs du Feu, virent
dans le^ Soleil le siège le plus brillant de
energie féconde de cet élément, qui
(1) Grutter Inscrip. p. i f , ne. ut.
Xoss-de Ut'g. Mol. f. 2, c. ij», p. 596.
(3) Ci-après ,t. 3 , p. 6a.
(4) Freret. Acad.Intc. 1.1 é . p. iSi.Fouch. Acad.
«Ber. t. 29, Socr. Hist. Eccl. 1. 1 , c. 2,
R e lÿ > . J J n i v , T o m e //,
vivifie la Terre, et qui circule dans toutes
les parties de l’Univers , dont il est en.
quelque sorte l’ame. Ce culte étoit passé
de la Perse en Arménie, enCappadoce
et en Cilicie, long-temps avant qu’il fût
connu à Rome. La communication des
Romains avec les Asiatiques, pendant
la guerre, de Mithridate, et durant celle
que Pompée fit aux Pirates, paraît avoir
donné lieu aux Romains de connoître
ces mystères barbares. Us ne furent d’abord
connus que d’un petit nombre
d’hommesjmais une communication plus
générale et plus facile , après Auguste
et sous les Empereurs , livra Rome à
foutes les superstitions de l’Orient. Parmi
le grand nombre de cultes étrangers ,
dont nous venons de parler, tels que les
Isiaques , les mystères d’Atys , etc. les
mystères de Mithra et le Christianisme,
qui en est une secte „sont ceux qui firent
le plus de fortune. Ce fut sur-tout sous
Trajan ( 4") , que ce culte commença à
fleurir à Rome. Adrien les défendit, à
cause des scènes cruelles dont ces cérémonies
donnoient la représentation ; car
on y immoloit des victimes humaines , et
on consultoitl’avenirdansleurs entrailles
palpitantes. On les vit reparoître avec
plus d’éclat que jamais sous Commode r
qui immola de sa propre main un homme
à Mithra. Un pareil culte ne pouvoit
manquer de plaire à un Prince aussi féroce
, et il étoit bien digne de le protéger.
C’est sur-tout sous Constantin,
et sous les règnes suivans, que parurent
les fêtes et les inscriptions en honneur
du Soleil invincible, Mithra, et les monumens
savans de cette Religion. Plusieurs
de ces monumens ont été retrouvés
à Rome et en Angleterre (5) , où
Mithra semble avoir eu grand nombre
d’adorateurs. Les Prêtres de ce Dieu s’é-
toient répandus dans toutes les parties
de l’Empire Romain.
On consacra des antres à Mithra, dans
(5) Monuoe. Roi. Antiq. p. 157. Qrjitt. htsar,
p. 31, Spon. t. J , p- 71.
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