peloit aussi Minerve (i). Ce vaisseau fut
le premier , continue Eratostliène, qui
rendit la mer praticable aux hommes 5
et on a placé son effigie aux Cieux,
afin que sa vue fût un signe d’un heureux
présage pour les navigateurs.
Voilà l’origine du culte que les Egyptiens
rendoient au vaisseau d’Isis (a) ;
et conséquemment de celui que lui rendoient
aussi les Suèves ; car les Inventeurs
ne sont certainement pas les Germains.
Le culte Egyptien avoit passé
depuis long temps dans le Nord de
l’Europe.
On consacra donc soit à Minerve ,
soit à Isis, un navire, et on célébra
sa fête , comme celle des Cabires, ou
celle des Dioscures, Dieux tutélaires de la
navigation. Ces fêtes tomboient vers
la lin de l ’hiver , au moment où la
navigation commençoit à s’ouvrir ,
époque célébrée à Rome par des joutes,
c’est-à-dire, vers les ides de Mars.
C’est précisément à la même époque ,
que le Calendrier de Columelle ( 3)
fixe le lever du Vaisseau céleste et le
retour du Zéphyr. Toutes ces circonstances
réunies nous conduisent à la
véritable origine du culte d’Isis , comme
Déesse de la navigation, et inventrice
des voiles, et nous expliquent la forme
symbolique , que les Suèves donnèrent
à ses images.
C’étoitdonc à la Déesse des navigateurs
que les Corinthiens rendoient hommage
ainsi qu’à Neptune, quand ils établirent
chez eux le culte d’Isis. Aussi Apulée lui
attribue-t-il le pouvoir de calmer les
orages de la mer ( 4 ), et de faire échapper
les navigateurs aux dangers. Il fait
remonter l ’origine de soit culte à Rome
au temps de Sylla. Mais soit rivalité
de culte entre les Prêtres , soit raison
de police , il est certain que, sous le
consulat de Pison et de Gabinius, environ
60 ans avant l’Ere Chrétienne, 1 2 *4
Sérapis et Isis, leur fils Harpocrate,
et le Chien d’Isis, Anubis, furent chassés
du Capitole et leurs statues renversées
par ordre du Sénat (5 ). Le Peuple,
protecteur né de toutes les superstitions
, les releva, jusqu’à ce qu’enliu
les Consuls eussent fait respecter le décret
du Sénat, à qui ils crurent devoir
plus déférer, qu’à la volonté aveugle du
Peuple, et qu’ils eussent empêché le rétablissement
des autels de ces Divinités
étrangères. Mais la communication plus
libre de Rome avec l’Egypte et avec tout
l'Orient, et la fin des dernières guerres
civiles les y firent bientôt revenir, avec la
foule des autres Divinités Orientales ,
et avec tous les cultes de cette contrée
du monde, pour qui les superstitions
formoient une grande branche de commerce
, laquelle s’étendit plus que jamais
en Occident. Alors les mystères
d’Isis reprirent une nouvelle célébrité ,
et les initiés de tout genre se multiplièrent
à Rome. Car il semble, qu’à
proportion qu’un Peuple se corrompt,
le charlatanisme religieux se propage,
en variant ses formes, et en créant de
nouvelles sectes d’illuminés. La corruption
des moeurs est aussi près de l’ignorance
que la barbarie.
L ’aventure de l’Edile Volusius (6),
qui emprunta la robe de lin d’un des
dévots d’Isis , et son masque d’Anubis
à tête de Chien , pour se soustraire à
la proscription des Triumvirs, annonce
assez, que ce travestissement n’etoit pas
extraordinaire alors à Rome ; et il ne
l ’eût pas pris , s’il eût cru devoir être
remarqué (7). On sent bien, que cette
mascarade religieuse des Isiaques, qui,
le sistre à la main, alloient demander
l’aumône dans les rues, ne elevoit pas
inspirer une grande vénération pour
les ministres du culte Isiaque et pour
les Initiés. Ils étoient regardés avec le
mépris qu’on avoit pour les Orphéote-
(1) Theon p. 143— 168.
(2) Fulgent, fl ï , c. a y
(2) Columell. 1. ii.-c. a , p. 455,'
(4) Apulée Métamorph. J, 11.
(; ) T -Ttallt Apol. c. 6.
(t) A plan, de te ll. Civil. 1.-4.
jy) A.adem. Iusctip. 1 . 16, p. »76.
lestes et les Métagyrtes , et ils ne fai-
soient guère fortune , qu’auprès du
peuple de Rome. Les gens d’esprit,
tels que Virgile, plaisantoient l’aboyeur
Anubis ( 1 ) , et les Divinités monstrueuses
de l’Egypte, dont les formes
bizarres choquoient les yeux des Romains
, accoutumés aux belles formes
des Divinités Grecques. Cependant les
Empereurs, dans la suite, voulurent anoblir
ce Culte, par la protection qu'ils
lui donnèrent, en s’y attachant eux-
mêines. Mais les tyrans n’anoblissent
rien, et c’est peut-être le plus honteux
reproshe,qu’on puisse faire auxlsiaques,
que d’avoir eupourprotecteurslesDomi-
tien , les Commode et les Caracalla (2).
Si ces mystères n’eussent été dès-lors
déjà changés en école de prostitution ,
de scélératesse et de débauches , jamais
ces Princes cruels et vicieux ne fussent
entrés dans les sanctuaires d’Isis. Çara-
calla éleva des temples à Isis. ( 3 )'. Le
plus magnifique de tous étoit. celui
qu’avoit cette Déesse au Champ-de-
Mars , où se pratiquoient les cérémonies
mystérieuses de l'initiation. AEtlius
Spar tianus observe, que Caracalla chercha
à relever;la majesté,du culte d’Isis ,
en faisant célébrer ses mystères avec
beaucoup plus de respect qu’aupara-,
vant ; mais iil ne croit pas qu’on puisse
attribuer à ce -Prince l’introduction dé
ce culte à j Rome , puisque , d it - il,
Antopius Ç.oïnmode avoit;,; avant -lui
p.ousgé la déyotion ù .çes mystères,, au
point de f porter lui - même la statue
d’Anubis. Effectivement AElius Lam-,
pridius nous . peint ce prince féroce ,,
la tête rasée--, et s’amusant à heurter
Violemment,;la tête des initiés, avèC;Ift
museau de chien de la statue d’Anubis-
qu’il portoit. n -foriçpit souventdes majb
heureux dévots à se, meurtrir la.poit:
trme jusqu’au sang. La Fteligion, ;phez
'ui n’étoit qu’une nouvelle jïüauière
d’exercer sa cruauté, , e tiïlin,e;pherchoit>
(1) Æneid , 1. 8 , p. 498.
Ipl Sçhol, Juven. ad Sat, ü, v- 48?,
que des crimes dans les Sanctuanés. Aussi
l’Historien, remarque-t-il, qu’il spuilloit
lesTeinples par des actes de débauche,
et par l’effusion du sang humain. C’est
ainsi qu’il souilla les Mithriaques par
un véritable homicide , et qn’il ensanglanta
les sanctuaires du Soleil. Il est des
nommes qui sont destinés à flétrir tout
ce qu’ils touchent ; et à perdre à, jamais
les établissemens , qu’ils ont déshonorés
par leur protection. Tel fut le sort
des Isiaques à Rome, après ces Princes
vicieux et cruels. Ces mystères ne furent
plus que ceux de la débauche ; et la
Religion, destinée à corriger les moeurs J
fut entraînée dans leur ruine , et corrompue
entièrement par les moeurs publiques.
Presque tous ces mystères furent
infectés de la corruption générale, si
on exçeptelesMithriaqups, etla branche
des Mithriaques, .connue sous le nom
de secte Çhrétienne..A ,
Le culte- .d’Isis fit,-de grands; progrès,
malgré l ’avilissement où, fi, étoit
anciennement, tombé par le mépris des
Sages , et de ceux <j*û tenoient, àd’aiFr
cienne Religion des Romains, Lachôte
de; la; liberté ; et, cqUe ; dffl. moeurs favorisent
naturellement .lep, Religions. qui
dégradent l’hoimue, .ejt le. Rendent plus
facile à gouverner, par ,JiÇS .tytaùs., Occupé
de pratiques de, dévotion, de
processions -,çt - -dg lûtes , lé Peuple s se
prête' volontiers, à -l'habitude. ,de servir
; car ; rien ulavijitK,autaqt,-l’ame,
que le joug -des. Religjon%, et -ne la
rend pJus.iuçapable de grandes choses..
_ C?est. par cette .raison , -que.,,toutes
les treligions furen-t miens .querj apiais
accueillies'iàiRome!, -.quand la;,liberté
et Iqs, moeurs- en furent baumes. Ce fut
so.us les Rinperqurs. lçg;plu? .cprrouipus ,.-
que la jdftpart des .Cultes firyut le plus:
de; fortunée Ainsi iPofintien protégea les-
Isiaques, quand ces mystères dégénérés
né furent plus qulutie-école de débauche
(4). La licence de ces fêtes ne le cé--
(3) Ælius Spart, vit Carac. p. 932.
Juven. Sat. 6 , y. 488, .