nomme d’abord l’Hiérophante, qui étoit,
dit-il, paré des attributs du grand Demiourgos
de l’Univers. Après lui venoit
le Dadouque ou porte-flambeau , représentant
le Soleil. Puis le porte-autel,
qui figuroit la Lune ; et enfin i’Hiéro-
ceryx, ou porte-caducée, qui représen-
toit Mercure.Ileûtété à désirer,qu’Eusè-
be nous eût explique le car actère énigmatique
des autres ministres, et des diffé-
rens emblèmes , qui composoientMun-
clum Cereris (i) , ou l’attirail mystérieux
de l ’initiation, qu’il n’étoit pas permis
aux profanes devoir, si nous en croyons
Apulée. Il paroît que ces emblèmes et
les autres ornemens du temple faisoient
partie des objets mystérieux, sur lesquels
il n ’étoit pas permis de s’expliquer clairement.
Aussi Paasanias (2) n ’ose décrire
lesdifférens sujets exposés dans le temple
appelé 1El.eusin.ium ; et il annonce , qu’il
ne parlera que de ce dont il peut parler.
Le premier tableau , qu’il nous offre à
l ’entrée du temple , est le boeuf, c ’est-à-
dire l ’animal dont Osiris et Bacchus prirent
les attributs , et qui fut long-temps
le premier des signes ; ce boeufné des
amours de Proserpine et de Jupiter serpent.
Pausanias n’a pas jugé a propos
de nous introduire plus avant. Les Dieux
en songe l’en ont empêché ; il ne permet
pas même aux profanes de le questionner
sur des objets, dont la vue leur
est interdite. Nous ne pouvous donc en
juger que par comparaison avec les autres
antres ou temples mystiques (b). L ’unité
du monde étoit représentée , sans>doute,
>ar l’imité de l ’édilice. Car , suivant
observation du Rhéteur Aristide (3); ;
ce qu’il y avoit de plus étonnant et de
plus divin, c’est qu’un seul temple con-
tenoit la foule immense des Initiés.
L ’enceinte on Péribole extérieur devoit
être très-vaste , si on en juge par le
nombre des initiés assemblés au champ. 1 2 3
(1) Apulée, 1. 11.
(2) Pausa.11. Attic. , p. 15— 36.
(3) Arist. t. i , p. 413. Orat. in Ekusin.
(4; Herod. 1. 8, c. éj.
de Thriase , lorsque Xefxès entra dans
l ’Attique. Ils'étoient plus de trente mille,
comme on peut le voir dàns Hérodote
(4). Ce temple étoit placé sur une
Colline environnée de murs. Les ornemens
intérieurs, qui le décoroierit, et les
tableaux mystérieux,qui étoient disposés
en cercle dans les pourtours du sanctuaire,
étoient faits pour piquer la curiosité
de tout le monde, au rapport
d’Aristide (5) , qui dans un discours
déplore l ’incendie de ce magnifique
temple , arrivé de son temps.
Il le regarde comme le sanctuaire commun
de la religion des Grecs, ét comme
celui de tous les lieux sacrés, qui étoit le
plus propre à imprimer une frayeur religieuse
, et en même temps à donner les
spectacles les plus agréables (6). Tout ce
qu’on y racontait étoit merveilleux; tout
ce qu’on y faisoit tendoit à imprimer l’étonnement
à l ’initié ; les yeux et les
oreilles y étoient également frappés.
Des générations nombreuses d’hommes
y étoient témoins de spectacles ravis-
sans , sur lesquels il n’étoit pas permis
de s’expliquer, et dont les poètes , les
orateurs et les historiens ont donné
quelqu’idée , dans ce qu’ils débitent de
Cérès et de sa fille ; ce qui donne à
penser, que la représentation de leurs
aventures faisoit partie de ces scenes
mystérieuses , et des tableaux magiques
qu’on y faisoit paroître. Ainsi on y
voyoit les dragons ailés , qui atteloient
le char de la Désse , et qui sembloient
planer sur la terre et sur les mers. C’«-
toit au milieu de cette salle mystique,
que paroissoit l’Hiérophante, qui, semblable
au grand prêtre des Juifs , étoit
revêtu de tous les attributs du Dieu modérateur
de l’Univers. I! étoit assis sur
un trône, comme la Divinité sur les sommets
de l’Olympe, et comme lé Demiour-
gos (7) dans la fameuse statue symbolique
(3) Arist. ibiè. p. 453.
(.6) Ibid, p 449.
(7). Porphyr. de Styge, p. 1 5 1.
dn Blonde, qu’on voyoitcbezles Brames,
et dont nous parlerons bientôt. Son
habit, sa chevelure, les bandelettes qui
ceignoient sa tête, le distinguoient des
autres prêtres (1) : sa taille majestueuse ,
les traits nobles de sa figure, sa chevelure
, sa gravité , son grand âge , une
voix douce et sonore, tout sem bloit se
réunir pour imprimer un grand respect
au peuple, et soutenir l’idée de majesté;
que l’on attribuoit au chef de l’ordre
du monde. U introduisoit, de concert
avec le Dadouque, les initiés dans l’intérieur
du temple (2).
Le Dieu moteur de la nature, enveloppé
dans son ouvrage, étoit censé caché
sous un voile , que nul mortel n’a-
voit encore levé. Par une raison d’ana- 1 ogie (3) , sbn représen tant dans les mystères
s’enveloppoit d’une robe longue
et traînante. Tout étoit caché , jusqu’à
son nom, comme on tenoit caché celui
du Demiourgos, dont le nom étoit ineffable.
Dè même que le Demiourgos, placé
au-dessus de son ouvrage, était censé
séparé par sa nature delà matière (4)
susceptible de génération (c) , de même
l’Hiérophante étoit obligé par sa chasteté
d’imiter , en quelque sorte, çette
espèce d’immatérialité, ou d’affranchissement
de la matière (5),dans laquelle s’opèrent
les générations. On exigeoit en
conséquence, qu’il s’abstînt des femmes
et de tout acte de génération pendant
toute sa vie (6). Pour amortir le feu de
la passion , et rendre nuis les besoins
de l’amour , il avoit recours au jus de
ciguë et à d’autres remèdes froids, dont
fusage fut souvent connu des dévots de
l’Orient et de tous ceux qui ont voulu
garder un voeu ridicule, fait pour injurier
la nature et la force féconde qui se développe
en elle , sous prétexte d’honorer
esprit ou l’intelligence immatérielle ;
{>) Eunap.vit. Max. p. 90. Ariiar. inEpictet. 1. 3 » c. a z.
(*) Sopatr. Quæst. 3 3 S,
(3} Plut, in Alcibiad. p. 26a. Eua. in Maxim.'
(4) Julian, orat. 5 , p. 313.
(<f) Meursiûs Eletts. c. 13.
Arrian.inËpict.l. 3,ç. ai. Jul.opéra,p.32?.
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qn’on place hors la matière (7). Ainsi
les Galles (8), ministres de Cybèle et
de son amant Âtys, qui s’étoit fait eunuque
, se privoient par une pieuse imitation
des organes de la génération
hommage que nos prêtres plus sages
n’ont pas voulu rendre à la mère de
Dieu et à son filé (9). Ils ont suivi les
conseils du maître, qui vfeut qu’on'ne se
fasse eunuque qu’en esprit, et ils ont lai-
sé à l’organe corporel les liqueurs
spiritueuses,qui leur ont paru préférables
au jus de ciguë; et ils se sont bien
trouvés de leur usage.
Après avoir vu Te grand architecte
de l ’Univers revêtu dès attributs, dom
l ’entouroit le génie mystique des^heshf
des anciennes initiations, passons au
premier ministre de’ la Divinité dans
l ’ordre visible, au Dieu chef du monde
sensible , àu Soleil. Il étoit représenté
par lé Dadouque, bu par le porte-flambeau,
ministre assez Semblable à ces
Génies, que nous voyons dans les monu-
' mens de la religion du Soleil, connus
sous le nom de nionuméns de Mithra (1 o).
Il étoit, comme l ’Hiérophante, vêtu de
l ’habit long , et portait la chevelure'
longue et un bandeau sur le front ; mais
il pouvoit se marier; ce que ne pouvoir
l'Hiérophante.. Du reste, son ministère
étoit à vie , suivant l’opinion de quelques
auteurs. Gallias à la journée de Marathon,
combattant revêtu des ornemens
de son sacerdoce, fut pris pour un Roi
par les Barbares (11). Il avoit la parure
du Dieu Roi de la' nature.:
Dans la farce que joua Alcibiade (12)
pour ridiculiser les mystères , farce q u i
pensa lui coûter la vie , il s’habilla en
Demiourgos , et Polytion en Dadouq ue
tandis que Théodore faisoit le rôle dé
Mercure. Le Dadouque cônduisoit la
procession des initiés , dont il ouvroiî
(7) Scheliast. vêtus Pers. ad Sat. 5, v. 14;.
($) Servius ad Æneid. 6, y. 66t.
(9) Hieronym. contr. Jovfan. 1. x, c. 9.
(10) De vet. Pers. R el c. 113. Meurs. Eleus. e. 14.
( i ï ) Plut, in Arktid. p. 121.
(iaj Plut, in Alçibiad. p. 202. ' ■ ■