Outre cela, on comptait une foule
de personnes attachées au service du
temple , de Musiciens , de Joueurs de.
cors et de flûtes , de Prêtres appelés
Galles , et de Bacchantes , qu’agitait la
fanatique fureur. On sacrifioit deux fois ,
le jour. On offrait à la Déesse les prémices
des fruits ; on chantoit en son
honneur, des hymnes accompagnés
des concerts de voix , du bruit des
cymbales et des sons de la flûte ; ce.
qui rapproche encore ce culte de celui
de la Mère des Dieux ( 1 ). Comme les
Galles bu les Prêtres de Cybèle , ceux
de la Déesse de Syrie se tailladoient
le corps et se fîagelloient ( z ) , tandis
que d’autres jouoient de la flûte et
battoient le tambour, ou entonnoient
des hymnes, où régnoit l ’enthousiasme;
le plus exalté. Un délire religieux sai-
sissoit la multitude, étourdie par le son
des instrumens et par l’enthousiasme des
Prêtres ( 3 ). Un jeune Prêtre, quittant
ses habits , s’avançoit au milieu de la
foule ; et prenant un couteau ,il se eou-
poit les organes de la virilité ; puis les
ayant pris dans sa main , il couroit la
ville , iinissoit par les jeter dans quelque
maison, et se' revêtait alors des
habits de femme (m),
Telle étoit la cérémonie de la castration
chez eux. Toutes ces ressemblances
entre le culte de la mère des
Dieux , ou de la Cybèle Phrygienne et
celui de la Déesse de Syrie , nous ont
engagé à mettre cette dernière Divinité,
quelle qu’elle fût , sous le même titre.
Un autre trait, qui les rapproche', c’est
l’époque de la célébration de leurs
fêtes. C’étoit à l’équinoxe de Printemps,
que se célébroit la grande fête de la
Déesse' de Syrie ( 4 ) > laquelle attiroit
un concours nombreux de dévots de
toute la Syrie et des pays voisins. Dans
cette fête , on élevoit un grand bûcher,
(1) Ibid. p. 908.
(a) Ibid. p. 910, f*
Éj$ Ibid. p. 91 ü
(4) Luçiaa. ibid. p. 91?;
sur lequel- on brûloit des animaux- vi-
vans et des habillemens précieux. C’étoit
, en quelque sorte, une image du
triomphe du Feu ou du Soleil sur
toute la Nature, à ce moment, où
passant dans notre hémisphère , cet
astre embrase tout de ses feux. Cette
fête répond à celle qui , à la même
époque , se célébroit én Egypte ( 5 ) ,
en mémoire de l’embrasement de la
terre par le feu céleste.
C’étoit également à l’équinoxe du
Printemps, tous les ans (6) , que les
Romains célébroient la fête de la mère
des Dieux, dans laquelle on exposoit
tout ce qu’ou avoit de plus précieux ,
les riches étoffes et les monumens les
plus magniliques du travail des arts ,
afin d’en mieux décorer la pompe. Les
jeux et la licence la plus grande fai-
soieut partie du cérémonial. On s’y
masquoit.
Ovide fixe cette fête quatorze jours
après l’entrée du Soleil dans Aries , ou
au 4 d’avril Qy) , la Lune devant être
pleine alors , vers la fin de la Balance
; et en conjonction avec l’Escu-
lape céleste ; sans doute, toutes les fois
que le Soleil et la Lune , ou la néoménie
, avoient coïncidé avec le premier
décan du Belier; mais, quel qu’en fût
l’écart, c’étoit toujours l’Esmun, ou Serpentaire
, qui étoit la constellation la
plus voisine d’elle. Cette Lune avoit été
en quadrature vers la tête du Lion, qui
avance sur la division du Cancer. C’étoit
la partie du Ciel où elle s’étoit le plus
avancée alors vers notre Zénith. C’étoit là
le maximum, de son approche vers nous ;
et en quelque sorte la montagne, où elle
étoit exposée dans sa naissance. Si cette
Déesse est la Lune, Ifi fiction des lions qui
l’y avoient pourrie , est toute simple, et
on voit l’origine de cette allégorie. Au
reste, nous ne prétendons point décider
($) Epipb. Contr. Hareses.
(6) Mercd. 1. î , p. 18 et a$. Julian» Orat. 58-
Schoi. Nicom. ad Alexiphar. 8.
ici,
R E L I G I O N C
ici, si elle est la Lune ou si elle est la
Vierge céleste ( z ) , qui , dans. cette
pleine lune, sembloit fouler aux pieds le
disette lunaire , et s’avancer au Ciel
précédée du signe du Lion ; et alors ,
comme cette Vierge est Isis et Cérès ,
peut-être trouverait - on aussi l’origine
des traits de ressemblance, qu’elle avoit
avec ces DivinhésrNous avons cru devoir
seulement danner une position de
k Lune, nouvelle , en quadrature et
pleine , lorsqu’on célébrait autrefois la
fête de la mère des Dieux, ,à l’équindxe
de Printemps. Cette fête souvent, fut
fixée , ainsi que les Hilaries, au jour
même de l’équinoxe ( î ) , trois jours:
avant le 8 des kalendes.
Dans Ovide, elle est fixée quatorze
jours apès , puisqu’on lit au 4 d’avril,
He.be et riiatri ûeorurn Megalerlses
lucti facti , trois jours après l’apparition
des.Pieïades. Alors les cors de la DéeÊse
de Berecynthe se faisoient entendre, et
annonçoient la fête de la Divinité adorée
sur le mont Ida. On peut voir dans
Ovide ( 2) la description de cette fête ,
où les Chantres de Cybèle battoient leurs
tambours et leurs cymbales. Ce Poète
donne à sa manière' le sens des différentes
cérémonies de ce culte , l’origine
de la castration des Galles , et le récit
des amours de Cybèle pourAtys, et des
malheurs de celui-ci.
Il nous représente Atys, comme un
jeune Phrygien d’une jolie figure , dont
Cybèle' devint amoureuse. La Déesse
l’attacha au culte de ses autels, afin qu’il
lui appartînt toujours. Le jeune enfant
jura de lui être fidèle; mais il faussa
son serment, pay d’autres amours avec
la Nymphe Sagaris (a). Un arbre ,
taillé en plusieurs endroits, et auquel
le destin de la Nymphe étoit attaché ,
fut la cause de la mort de cette amante
infortunée, dont Cybèle voulut ainsi se
venger. Atys devint furieux, et se sauva
(i) Macrob. Sat. 1. x. c. ai.
(a) Ovid. past. 1. 4 , v. 1S0, etc.
U) Ibid.
lielig. Univ. Tome II.
N I V E R 5' Ë L L E. 81
sur les sommets du moiit Dindyme., Ce
fiit là que ;, dans le? accès de son délire ,
il prit un caillou tranchant, et se coupa
les parties viriles. Ses ministres , imitant
ses fureurs , crurent devoir aussi suivre
son exemple,1 en abdiquant leur virilité,
èt coururent les rues, lés cheveux.épars.
Ovide examine l’origine de l’usage que
Bon fai toit dans ces fêtes, dé cors, de
cymbales et de crotales , dont le bruit
sfervoit merveilleusement à inspirer et à
soutenir l’enthousiasme,dont ellesétoient
toujours accorupagnées. 11 l’attribue à l’u-
sïlge que firent autrefois les Curé tes et
les Corybantes de. çés; mêmes instru-
méns , jlour étouffer1 le bruit de? cris
enfantins de Jupiter , que Rhé? où
Cybèle avait soustrait aux regards de-
Saturne, qui dévorait ses enfans mâles,
et qu’elle avoit dépose dans un antre
du mont Ida.-C’était pour retracer , dit
Ovide (3 ) , cet événement, qu’on avoit.
Conservé , dans dés Orgies de la mère
des Dieux, les cors et les cymbales
des Corybantes de l’Ida, et dans la musique
, le mode Phrygien, qui était le
caractère original de cette ancienne
musique, dont les "'Corybantes et les
Curètes- firent autrefois usage. Les Co-
ry ban tes , attachés au culte de Saturne
et de Rhéè , passent pour avoir été les
plus anciens Jongleurs de la Phry'gié. (éj.
C’efoient eux qui étaient chargés de daii-1
ser armés , et d’exécuter des choeurs , au
bruit des flûtes et des cymbales, dans,,
les fêtes de pés Divinités j( 4 ) • C’est là ,
sans doute , ce qui a fait dire-, quïîs
étaient'les enfans dés Divinités même ,
au culte desquelles ils .étoient voués.
Strabon(5:j) ,• dans son dixième livre,
entqe dans les détails les plus. intéres-
sans sur l’origine et ; sur ies fonctions,
de ces différens Ministres de Cybèle,.
soit Corybantes, soit Curètes. Ce morceau
contient une dissertation très-
savante sur, les anciens Prêtres de la
(4) Suid. in voce kofv/}.
(5) Strab, 1, 10, p. 33J et 3z 6..
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