suivant le témoignage d’Hérodote (i).
Cicéron va plus loin (a) ; il fait accourir
à cette cérémonie des Initiés de toutes
les pantieade la terre. Aristide, parlant
des Initiés aux mystères d’Eleusis ,
compte unedonle innombrable d’iiom-
mes et deifemmes , qui venoient y jouir
des représentations mystiques (3). Quoique
les mystères d’Eleusis attirassent
autant de monde , et aient eu assez de
célébrité, pourifaire presque oublier les
autres mystères , célèbres ailleurs en
honneur des mêmes Déesses p cependant
Athènes et Eleusis ne sont pas les
seuls : endroits où le cidte Egyptien, et
les mystères d’Isis , métamorphosée "en
Cérès Grecque, fussent établis (4). Les
Béotiens honoroient Cérès la grande,
ou Gabirique, à qui ils avoient planté
Un bois sacré dans lequel y conjointement
avec''Proserpine , elle recevoit un
culte. (5). Les Initiés seuls pouvoient y
entrer. Les pratiques religieuses qu’on
y observoit, les traditions sacrées de
ces mystères , se lioient avec le culte
des Divinités, ou Dieux Cabires, honorés
à Samothrace , et sur lesquels Pausa-
nias croit devoir garder un silence
mystérieux ( f ) . Le mois, durant lequel
s’y célébroient les Mystères , s’appeloit
mois de Cérès , ou Damétrien (6) , et
cette époque , suivant Plutarque , corresponded
aux fêtes de deuil Célébrées
au mois Athur en Egypte, à l’occasion
de.la perte qu’Isis venoit de faire d’O-
siris'son époux , que lui avoit ravi Typhon.
Cette fête Béotienne étoit, comme
Gelle d’Egypte , une fête de tristesse ,
e t avoit pour objet l’enlèvement de Proserpine.
.Tontes ces circonstances nous
ramènent encore en Egypte, et nous
•y fon t fixer l’origine du Culte de la Cérès
de Béotie. Quant à la liaison de ce
culte avec les Cabires de Samothrace,
, (1) Herod. I. 8, c. 63.
(2) . Cicer. de Nat. Deor. 1.1 .
(3) Aristid. Eîeusin.
(4) M,earsms;E)eus.c.33.
(5) Pausan. Bseotic. p. 300.
(6) Plut,'de Iside, p. 378.
cela peut s’expliquer par un passage du
Schoiiaste d'Apollonius de Rhodes, qui
nous donne le nom des quatre Diyh
nités Cabiriques honorées à Samothrace
, et qu’il appelle Axieros , Axio-
chersa, Axiochersus etCasmillus. La première
e st, suivant lu i, Ce-rès ; la seconde,
Proserpine ; le troisième , Plu.
ton, et le quatrième-, Mercure.
LeS ’Cëléens et les-PMiassiens avoient
aussi re'çu les mystères de Gérés ( 7 ),
dès la plus haute antiquité. Ils étoient
célébrés chez les premiers , comme I
Eleusis ; avec cette-senle différence , que
l’Hiérophante n’y étoit point perpétuel,
mais renouvelé tous les quatre ans, -à
l’époque où revenoit.la célébration des
mystères , qui y étoit quadriennale.
Les Phliassiens cônvenoiënt, qu’ils
avoient aussi formé chez eux le même-
établissementsur le modèle de celui
d’Eleusis.
Il en étoit de même des Phénéate&(8),
dont nous avons parlé ci - dessus. Ils
avoient adopté entièrement l’initiation
de Cérès Eleusienne, dont un descendant
d’Eumolpe leur avoit apporté le
culte , suivant -quelques-uns ; car, suivant
d’autres , c’étoit Cérès elle - même,
qui leur avoit fait présent de oette initiation.
Les Argiens (9) prëtendoient, que leur
ville fut la première qui reçut Cérès, à
qui Pélasge donna l’hospitalité. Onl'lio-
noroit Chez eux ; à Hermione , sous le
nom de Cérès-Terrestre ou Chtonienne
(10). Ils célébroient tous les ans une
fête en son honneur au Printemps (g)-
La vache, que l’’o-npromenoit-dans les
processions Egyptiennes, comme symbole
de la Terre (11), suivant l’explication
d’Apulée, et dont Io-Argienne prit
la forme, y figuroit aussi. -Une foule
d’hommes et de femmes suivoient la
(7) Pausan. Corinth. c. 14 , p. 57.
(8) Pausan. Arcad. c.15 , p. 249.
(9) Pausan. Attic. c. 14, p. 12,
(to) Ccrintji. c. 37, p. 78.
(11) Apul. Metamorph. 1. 11.
ftonspe sacrée.'De jeunes enfans,vêtus de
Marie, ayant >une couronne sur la tête.,
se ioignoient à leur marché. Tout se
passoit dans le temple d’une manière
asséz mystérieuse , -pour qu’il n’y eût
nue les Prêtresses qui en fussent i insultes
Qk ). C’étaient de vieilles femines
Cu matrones, qui étoient chargées de ce
sacerdoce, et qui tenoient le fer , sur lequel
la vache furieuse se préeipitoit. Il
me semble, que tout ceci nous reporte
encore vers l’Egypte , où , dit-on, Ifais
fameuse n’étoit que la' jeune lo , métamorphosée
en vache , et placée dans le
si<me du Taureau du Printemps ; signe
dans lequel lo ou la Lune ( 1 ) [ car la
Lune s’appeloit lo , en langue mystique
des Argiens ] avoit-son exaltation.pLa
Pable Argienne ' d’ailleurs faisait Cérès
Clitonie, fille de Phoronée, fils d’Inaohits,
père d’Io ; par conséquent, lo se trouve
soeur et fille d'HPilorortée ( i ). ; _
Les Argiens , parmi les -autres pratiques
religieuses , en honneur de Cérès
PélasgiqUe et de Proserpirie, avoient coutume
de jeter des flambeaux allumes
dans une fosse profonde ( x ) , allusion
faite, san s doute, à l’éloignement dùSoieil
et à l’affoiblissèiiient de la lumière, que
dans les fêtes du rapt de Proserpine ,
on avoit-intention d.e peindre , et a. la
fameuse fête des1 flambeaux , qui se oé-
lébroit à Bais. Près de-là, etoit aussi le
temple de Neptune.
Mais lé culte le plus singulier, rendu
à Cérès ; étoit celui qu’elle recevoit &
Phigalie en Arcadie. On honoroit cette*
Déesse, sous la forme d’une femme, qui
avoit'pour tête une tête de cheval, et
dont la crinière étoit formée paï un'
assemblagë -de serpens. Nous aurons
occasion , dans la suite de cet ouvrage ,
d’analyser ce -simulacre monstrueux , et
de donner fa raison des attributs étranges
de cette Déesse. En-attendant, nous
dirons , que rien ne décèle mieux 1 ori-
, (1) Eusthat.-.Cotmn,;in Dionys. Perr. v. 94’*
Çhron..Alex, p. 9^. i : „
(a) Gorinth. g. 22, p. 64.
(3) Tacit. Hist. -* 5'
gine,Egyptienne ( k ) de son culte en
Arcadie , qu’une pareille statue ; car
elle >est absolument dans le.style Egyptien
, et elle a tous les caractères d’une
figure oudmage.Hiéraglypkique: Cen’est
gbères qu’en UEgypte que l’on trouve de
ces figures bizarres de la Divinité, ou au
moins mulLé part ailleurs on in’en trouve
autant. Les Égyptiens , dit Tacite ,
aiment ces statues composées ( 3) , sous
l’emblème desquelles ils révèrent la Divinité
: leurs monumens , d’ailleurs ,
l’attestent assez. Nous verrons , que
l’union du cheval à -Gérés oti à ïsis.,
étoit consacrée' dans la procession des
initiés aux mystères d’Isis. Car on
y voyoit pa roi re Pégase. 91 c’est - à-
dire , le cheval même dont la tête se
trou voit sur les. épaules de Cérès ; 'Pégase
qui étoit le fils de Neptune. Or, cette
tête; *de clieval fut-donneeeà) Gérés, en
mémoire d’une aventure avec Neptune,
d’où naquit le cheval, fils, de Neptune
eu Pégase' ( 4 )* Gn disoit que Ceres.,
déguisée en jument p avoit ete couverte
par’Neptunéÿdj), et'que: de.cette union
naquit le ’ cheval Ario-n , contraction
cl ’Ali ri 011 , .nom du-Pégase ou cheval
aérien ou céleste ( On trouve p dans
une des pierres gravées du cabinet de
Stosch, un monument de cette aventure
(• 6 ). Ç' * h , H p'
Cette Cérès porte le nom de Melanie
ou de Notre , à causé des vêtemens ,
dont sa'statue étoit'couverte ; ce qui
rappeloit le deuil de Cérès - , qui prit
aussi l’habit noir pour pleurer sa fille,
et la chercher à la lueur des flambeaux.
Elle étoit adorée dans un antre sacré,
où l’on supposoit qu’elle s’étoit retirée-
pendant son deuil, et où le Dieu Pan
la découvrit. Jupiter en étant instruit ,
envoya près d’elle les Parques, qui l’adoucirent
et la consolèrent. G’étoit dans
cette grotte, que l’on sacrifioit à Cérès ,
à qui on offroit des raisins et du miel.
(4) Paysan. .Àrcad.p. 271 > G* 25*
(5) Pausan. Arcad. e. 15 » P- 257-
-j (6) Stcoscÿi. n°t,2jO. ]