le plus grand embarras, un bélier
tout à-coup leur apparut ; que ses
soldats se mirent à sa poursuite , et
qu’il les mena toujours en fuyant jusqu’à
l’endroit où depuis fut bâti le
temple d’Ammon, et que là il disparut
; et qu à ce même endroit ils y
trouvèrentune belle fontaine, qui leur
procura l ’eau dont ils avoient besoin.
Bacchus y mena toute son armée pour
l ’y rafraîchir , et par reconnoissance
il y éleva un temple à Jupiter Am-
mon , qu’il fît représenter avec des
cornes de bélier à la tête. Il plaça
aussi dans le zodiaque l ’image de ce
bélier et voulut que, toutes les fois
que le soleil arriveroit à ce lieu du
c ie l, la Nature reprît -une nouvelle
vigueur, comme la vue du bélier
l ’avoit rendue à spn armée qu’il
avoit guidée ». Voilà le conte que
rapportoit Hermippus.
Léon, qui avoit écrit l'histoire d’Egypte,
faisoit un autre conte. Il disoit
que Bacchus étant maître de l’Egypte
et des pays voisins, après avoir fait
part aux hommes des plus précieuses
découvertes , reçut la visite d’un certain
homme d’Afrique appelle Am-
mon , qui lui amena des troupeaux ,
et se fit un mérite auprès de lui de
cette première découverte. Bacchus ,
dit-on , l’accueillit et lui donna des
terres dans le voisinage dç Thèbes ;
et pour perpétuer le souvenir de la
découverte qu’il avoit faite le premier
de ces troupeaux , on. .le représenta
avec des cornes de bélier ; et la
figure d’un bélier fut placée dans les
constellations en mémoire de cet événement.
Voilà encore une autre fiction
, qui contient une allégorie* sur
le signe céleste voisin du Taureau ,
dont Bacchus prenoit les for mes , et
d'où il empruntoit le nom de Bovi-
gènes et de saint Taureau.
Nigidius assure que Bacchus donna
(1) Euseb. pnt'p. Ev. I. 3. c. 11«
(2) Æneid. i. 4. v. 156.
le nom de Jupiter Ammon à ce bélier
officieux ; qu’il lui consacra un
superbe temple dans le lieu même où
il lui avoit montré cette fontaine, et
qu’il le plaça aux cieux en regard
avec le Taureau. C’est là effectivement
la position respective de ces deux
signes , et l’origine de la fable , qui
mit Hammon ou le Bélier céleste ,
le Taureau , et la Chèvre placée au
dessus d’eux , dans la généalogie de
Bacchus C’est cette, union qui a été
consacrée dans la fameuse statue symbolique
d’Eléphantine ( 1 ) , destinée à
représenter la néomenie équinoxiale du
printemps. On y voit un dieu assis
, ayant pour tête une tête de bélier
, e t , au lieu de diadème , des cornes
de bouc ou de chèvre , qui sou-
tenoient un disque ou cercle solaire.
La fable sacrée à le même but ; c’est
l’ou vrage du même génie sacerdotal, et
vraisemblablement une fiction des prêtres
de Thèbes, qui passa aux. Li-
byens._ Servius ( 2 ) , dans, son commentaire
sur Virgile, l ’a rapportée à
peu près de la même manière , excepté
qu’il nous peint le bélier qui
avec son pied creuse la terre, et fait
jaillir , la source où se désaltéra l’armée
de Bacchus.
Le commentateur de Statius ajoute
une circonstance ; c’est que Bacchus
manquant d’eau; avoit prié Jupiter de
lui prouver par quelque miracle qù’il
etoit son pere , et qu’aussi-:ôt ce bélier
miraculeux avoit paru sortir du
milieu des sables où l’on trouva la
fontaine ( 3 ). Toutes ces petites va-
rietes ne nuisent en rien au rapport
principal que cette fiction a avec les
cieux et sur- tout avec les constellations
voisines de l’équinoxe, et ne sont que
des traits et des nuances, qui annoncent
une broderie différente d’un même
fond. Mais presque tous les auteurs
s’accordent à dire , que ce bélier ( 4 )
(3) Lutatius mThebaid. Stat.I. g,v- 476.
C4) Hygin* fab. 134. Isidore orig. ,1. 3 c. 47,
jest celui qui brille au ciel dans le
jsigne voisin du Taureau , et qui devint
ensuite signe équinoxial ; comme
ils conviennent que c’est ce bélier
iqui a donné lieu à la consécration
klu temple de Jupiter Ammon, et à
[l’établissement de son oracle, qui ,
[suivant Lucien, est soumis à l’influence
du Bélier céleste, comme l’oracle
d’Apis l ’est à celle du signe
du Taureau, qui le suit et dont Bacchus
prit les formes.
Ainsi nous dirons , que si les images
d’Ammon et de Bacchus représentent
ces dieux avec des cornés ,
[c’est que le Bélier et Je Taureau ,
aux influences desquels leurs statues
létoient soumises , en ont aussi. C’est à
icet oracle nouveau , soumis à l ’influence
du Bélier céleste, que .s’adresse
Bacchus, dans la fiction des
Libyens , pour consulter son père sur
[la marche qu’il doit tenir et sur le
plan de conduite qu’il doit se faire.
[C’est alors qu’il en reçoit cette belle
| réponse , qui devroit servir de leçon
à tous les princes, qu’il ne peut prétendre
à l’immortalité, qu’en devenant
le Bienfaiteur des hommes. Ce mot
seul caractérise bien la force bienfaisante
du soleil, que l ’on vouloit chanter
sons les noms de Bacchus et d’O-
siris ( 1 ).
Animé par cette réponse , Bacchus
s’empare de l'Egypte où il laisse le
jeune Jupiter, à qui il donne Olympe
pour précepteur. L’Egypte instruite par
Bacchus apprend l’art de planter la
vigne , de la cultiver, et d’exprimer
le jus de son fruit ç et le secret de
mettre en réserve et de garder les autres
fruits. La réputation de bienfaisance
, qu’il se fait, lui prépare d’a-
ivance le coeur de tous les peuples ,
(qui s’empressent d’aller au devant de
Pni, le reçoivent et lui rendent des
[hommages comme à un Dieu.-Fidèle
a ses principes de bienfaisance, Bac-
Ci) Dioder. c. 145 p. 24a.
chus parcourt tout l ’Univers , qu’il enrichit
de nouvelles plantations et s’attache
tous les hommes par des services
signalés , de manière que tous
les peuples s’accordent à reconnoître
son immortalité. Les Grecs, comme les
Barbares, tous éprouvent également
ses bienfaits. Cet éloge convient parfaitement
au dieu soleil. Ceux dont
le sol ingrat ne peut produire du
vin apprenent de lui l ’art de faire de
la bierre.
De retour à la mer, qui baigne
la Crête , il trouve les Titans qui se
préparent à attaquer Ammon. Il vole
à son secours accompagné de Minerve
et des autres Dieux. Il engage
un grand combat, dans lequel périssent
tous les Titans, et parleur mort ils
assurent la paix à son père et à
son parti. Jupiter alors libre et
tranquille s’empare de l ’empire du
inonde ( 2 ) , tandis qu’Ammon et
Bacchus son fils vont prendre leur
rang aux cieux parmi les immortels.
Tel est le récit des faits, que les Libyens
attribuent à Bacchus fils d’Ammon
et d’Amalthëe, lequel , disent-
ils , précéda le Bacchus Egyptien qui
établit les mystères , et le Bacchus
Grec fils de Sémélé.
En réduisant ce récit à ses élémens premiers
et les plus simples, Bacchus ou
le soleil, considéré dans ses rapports
bien faisans avec la terre et avec la
végétation annuelle , est allégoriquement
parlant un prince bienfaisant ,
peint avec les attributs du signe équinoxial
dans lequel se trouvoitie soleil,
ou avec ceux du Taureau. Il est fils du
signe qui le précède, uni à la belle constellation
qui est placée au-dessus , lesquels
tous les ans annonçoient l’aurore
du premier jour du printemps
par leur dégagement des rayons solaires
, et par leur première apparition
devant le char du Dieu qui al-
loit régénérer la Nature. Telle est la
(s)Diod. 1. 3 c. 145. p. 243.