l i a K E L I G I 0 N TJ N I VERS ELLE.
toujours trompés par les promesses de
leurs Prêtres, se livrèrent sans réservé
à l’illusion, subjugués par le sentiment
du besoin, qui conduit l’homme souvent
le plus sage chez le charlatan, qui lui
promet un remède à sa maladie. L ’idéé
de la Divinité , si facile à faire naître
dans son esprit, par le speètaçlë du
inonde, et la justice qu’il y a de rendre
hommage à sa puissance , vint à l'appui
du prestige et le respect qn’c®
avoit pour le maître, fit qu’on s’abandonna
aveuglément àüx promesses de
ceux qui s’en disoient les ministres.
Telle étoit la disposition de l ’homme,
lorsque les Législateurs imaginèrent
d’appliquer là Religion à la politique
et à la morale (.c ) , et d’étayer les institutions
sociales par les opiliions religieuses
; car ils avoient assez méprisé
l'homme, pour croire qu’on ne pouvoit
le mener au bien que par l'illusion.
Dès ce moment la Religion eut
un but plus noble et plus utile ; et
peut-être eût-on, pardonné aux Législateurs
cette association bizarre, si
l’honnêteté du but pouvoit jamais excuser
ce que. les moyens ont de honteux
et de criminel. C’est calomnier la justice
et la vertu, que de prétendre qu’elles
ont besoin d’être appuyées de l’imposture
et du prestige. Or c’est ce qu’étoit
la Religion entre les mains de ces anciens
Législateurs. Il rie pOuvoit y avoir
de bon que le motif. On regarda eë
moyen comme la perfection de la législation
et de la morale ; mais en sortant
hors des homes du vrai, on sortit
aussi hors de celles du bien, qui n’a
jamais de plus grand ennemi que l’amour
du mieux. C’est cette perfection prétendue
de la Morale et des Loix, que
l ’on désigna sous le nom de Te le tê ,
ou d’initiation, qui civilisoit l’homme,
et qui l’élevoit à un genre de vie , à ce
qu’on croyoit, véritablement digne de
lui. On avoit senti toute l’insuffisance des
meilleures Loix, et le besoin de faire
venir la Divinité à leur secours. Le
spectacle de l’ordre, qui brille dans l’administration
de l’Univers, sembloit indiquer
aux hommes, que lés Dieux eux-
mêmës leur avoient donné l’exemple
de celui qui devoit régner dans les
institutions sociales , lesquelles, comme
le monde, rentreroient dans lé désordre
et le cahos , si l’harmonie n’en étoit
le lien. On ne pouvoit, leur: disoit-
on, mieux plaire aux Dieux, qu'en
les imitant ; la vertu plutôt que les offrande
® pouvoit nous les rendre favorables
; et on vanta leur justice {d),
au lieu que jusques-là on n’avoit célébré
que leur puissance. C’est sur cette
base,que furent posés lesfondemens des
initiations ; et la perfection de la société
fut; le grand but, qu’on s’y proposa.
Ausfei dohna-t-on le nom de Thés-
mophore ou de Législatrice à la Déesse,
à qui on fit honneur de cette institution.
On voulut par là appren dre à la postérité,
que les initiations et les Loix, sorties
de la même source, : avoient aussi; le
même but, la perfèction de® sociétés.
Dès-lôrs la législation1 appuya la Religion
, et la Religion de son côté étaya la
législation : telle fut l’origine du pacte
tyrannique fait entre les Prêtres tt les
Rois. Et comme l’observe judicieusement
Plutarque (1) , l'opinion des: Dieux fut
établie sur une triple base ; sur 1 a Philosophie
, ou plutôt sur la .Physique ; sur la
Mythologie et sur les Loix. Le tableau imposant
de l’Univers , et le merveilleux
de la poésie Mythologique, fournirent
aux Législateurs le sujet des scènes aussi
étonnantes, que variées, dont on donna
le spectacle dans les sanâuaires de
l’Egypte, de l’Asie et de la Grèce.
Tout ce qui peut coritribuer à l’illusion
et au prestige, toutes les ressources
de la mécanique et de la magie, qui
n’étoit alors que la connoissance secrète
et l imitation des effets de la Nature ;
toute la pompe des fêtes , la variété
et la richesse des décorations, et des
p ) Ibid. Mac. Phil, 1. 1 , c. 6 , p. 88o.
•yêtemens
vêtemens ,- la majesté du céréponial,
la force, enchanteresse de la musique, '
les choeurs, les danses, le son bruyant,
des cymbales destinées à exciter l’eç-
thousiasme et le délire, plus favorables
aux idées religieuses que le;calme de
laraison,frirent mis en oeuvre ppurattirer.
et attacher le Peuple à la célébration
des mystères. Sous ljappât; du. plaisir,
de la,joie et des fêtes, oh cacha le
dessein qu’on avoit de lui donner
d’utiles leçons ; et ori traita lé peuple
comme un enfant, qu’On n’instruit jamais
mieux, que lorsqu’on a l’air de
ne songer qu’à l ’amuser. C’est par cet.
art enchanteur, que l’on prétend qu’Or-
phée, à qui on attribue,l’établissement
des mystères en Grèce ( i ) , attira sur
ses pas les Sauvages épars, dans les
forêts de la Grèce , les, charma par
les sons harmonieux de sa Lyre et par
les accens de sa v,oix, et les accoutuma
insensiblement à recevoir les premières
leçons de morale, qui sent la
base de toute société. Il sentit que la
liberté doit s’appuyer sur la justice et
sur les passions douces, qu’on appelle
l’humanité ; que l’égalité des droits
trouve dans la Loi un contrepoids à
l’inégalité des forces ; et que l ’homme
n'est heureux, qu’autant qu’il est juste,
et qu’il' lie son bonheur à eelui des
autres; que la férocité est le caractère
de la vie anti-sociale, de la licence ,
et de la lâche peur. En effet, l’homme
n’est qu’un monstre faible, mais dévorant
dans la Nature, lorsqu’il est altéré
de sang et de. vengeances. Tel est
l’homme dégradé , quelque part qu’il
vive , quelque gouvernement qu’il
adopte.- 'La première des leçons-d'Orphée
fut de lui apprendre à être fort
<lê son courage , à respecter le sang
de ses semblables , et à se nourrir
dalimens plus dignes de lui.; à s’unir,
plutôt que de se combattre et de s’entre
dévorer. C’est pour cela qu’on dit,
qu’il avoit apprivoièé les Tigres et les
(i) Horat. de Art. Poetic. 389.
Relig. Uriiv. Tome II.
Lions cruels. Le® sociétés se formèrent,
les villes, s’élevèrent, et la poésie, devenue
l’organe de la sagesse , apprit
■ aux hommes à distinguer le bien public
de T ’intérêt particulier, et le sacré du
profane. Les moeurs s’adoucirent, et
on écrivit les loix sur le bois. Ce passage
de la vie sauvage à la civilisation,
que nous peint ici Horace, étoit attribué
à la force de l’harmonie , aux
charmes de la musique et à l’empire
de la poésie , dont le Chef .des mystères.
de la Thrace et l ’interprète des
Dieux avoit su si heureusement se servir.
L ’qsagp de,ces moyens n’étoit pas
particulier aux mystères de la Thrace ;
ils furent employés dans presque toutes
le® autres institutions religieuses- La
danse et la musique font un effet puissant
sur le peuple ; lés hommes les
plqs grossiers et les plus sauvages peuvent
être aisément réunis pari ce genre de
plaisir; et rien rie se perpétue autant
parmi eux , qu’une institution qui le
leur procure. Nos fêtes de campagne
ne se soutenoient que par lui; et la
dévotion n’étoit jamais le seul but ,
qu’on s’y proposoit. Ce goût du peuple
fut hien senti par les anciens Législateurs,,
qui unirent toujours les banquets
sacrés, la musique et la danse
aux actes publics de religion , et à la
célébration de leurs mystères. Stralmn
(.2) observe avec raison, dans son.
dixième Livre, en parlant dés Curètes,
des Coryhantes, des Telchines , et en
général de tous jes ministres des cérémonies
religieuses et mystiques de
la Crète et de la Phrygie , que tous
se ressembloient par l’enthousiasme et
la fureur Bacchique, par le bruit qu’ils
faisaient avec les tariibours et les cymbales
, et avec leurs flûtes. H recon-
n oît, que la musique par ses charme#
élève 1’ ame vers la Divinité ; "et il comprend
, dans l’idée .générale de musique ,
la danse, le rythme et la mélodie. La
mélodie, le rythme, l ’usage’ des ins-
(2) Strabon 1, 10, Dissert, sut Iss Curètes, p. 4 i i .
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