c p s fêles d’Isis ou de Cérès , célébrées
, à l’approche des moissons ,
chez les habitons dTIermione , en
honneur de Cérès - Chtonie , ou Infernale
(1 ). On y voyoit paroître de
jeunes garçons et de jeunes filles vêtus
de blanc, qui accompagnoient la pompé
sacrée ; et ensuite, les daines ou matrones
, qui consomrnoient le sacrifice. Il 'en
étoit à peu-près de même à Rome, dans
les- fêtes séculaires ( 2 ): En effet les
dames romaines, ainsi que les choeurs des
jeunes garçons et des jeunes -filles , y
j ouoient le principal rôle,les uns,en chantant
des Hymnes grecs et latins , et
}es dames , en se rendant le. second
jour au Capitole , pour y supplier Jupiter.
Hérodien cite les vers de l’ancienne
Sibylle (3) , qui ordonnoit, que ces fêtes
religieuses fussent célébrées . tous les
centclix ans , et qui en dictoit toutes les
loix rituelles Le sacrifice du porc et de
la truie , par lequel on honoroit Cérès,
y est recommandé, et-c’est à la Terre
qu’on l ’offroit. Les avantages, qu’on se
promettait de cette cérémonie, étaient,
suivant le même Hérodien, la conservation
de l ’empire actuel, et l ’espoir de
conquérir le reste du monde.
Ce sont ces rapports multipliés entre
les cérémonies religieuses de chaque révolution
de siècle , et les cérémonies sacrées
établies en Grèce , en honneur soit
d’Isis, soit de Cérès, de Pluton et de Proserpine,
qui nous ont déterminés à ranger
ces fêtes anciennes des Romains, dans
la classe des cérémonies mystérieuses
ou sacrées , dont les Divinités infernales
étoient le principal objet;
Nous passons maintenant à l’examen
des mystères de la bonne Déesse.
L ’origine de ces mystères se perd dans
l’obscurité des temps les plus reculés
de l’histoire de Rome , et remonte au- 1 2 3 4
(1) Paus. Corinth. c. 3 5 , p. 78.
(2) Zozim. 1. 2, p. 401.
(3) Herod. 1. 2 , p. 405.
(4) Cic. de Harusp. Resp. c. 37;
delà de la fondation de.cette ville , suivant
le témoignage de Cicéron , que
nous avons déjà cité , et suivant la filiation
de cultes , que nous avons établie
ci-dessus, entre la religion des Romains
et celle des Arcadiens. Les Romains
eux-mêmes, en faisant remonter l’oti-
gine de ce culte à une fille dè Faune
ou du Dieu des Pasteurs , nous rappellent
duç Divinités *de l’Arcadie-. -Une
Nymphe Dryade, telle que ,1a bonne
Déesse , est encore une Divinité sortie
des forêts du mont Menale ou du Cyllène.
Aussi Mercure, né sur cette dernière
montagne , p assoit-il pour son fils.- De
même que 4e nom dé Dcspoina , chefc
les Arcadiens, de voit être tû ; de même,
à' Rome , celui de la bonne Déessé
devoit aussi l’être. Car Cicéron dit, qu’il
étoit défendu aux hommes de savoir le
nom de la bonne Déesse (4), comme Pau-
sanias dit, qu’il n’étoit pas permis aux
Initiés de savoir celui de Desp'oina ( 5).
J’aime donc mieux rapporter aux Arcadiens
l’origine de ce culte, que de
l’attribuer aux Sabins, avec Lactan-
ce ( 6 ). Les Sabins eux-mêmes , venus
de Laconie , nous- rappellent encore
dans le Péloponèse et dans le voisinage
des montagnes et *ies fleuves d’Arcadie.
Ovide reconnoît lui-même , dans ses
Fastes, que le culte de Faune, père de
la bonne Déesse , et celui de Mereure,
avoient été apportés d’Arcadie par
Evandre ; et il fait cet aveu, en parlant
des fêtes des Calendes de Mai ( 7 ),
époque précise de la célébration des
mystères de Fatua ou Fauna, au lever
Cosmique de la Chèvre Amalthée. Alors
Rome dressoit des autels aux Lares, ou
aux Divinités .tutélaires des maisons,
comme la bonne Déesse l’étoit de l’empire
: tel qu’étoit Sosipolis , fils cl’Jllythie
ou de la Chèvre, dont les cornes or-
noient la tête de Fuune, Semicaper,
(5) Pausan. Arcad. p. je t.
(6) Lactan. 1. 1 , p. -125.
(7) Fast. 1. 5, v. 90—,994
Faune, père de la bonne Déesse, dont
la fête était annoncée par le lever de la
Chèvre d’Oleni.e, nom original, que lui
conserve encore Ovide (1). .
l'lutarque (2.) compare la Divinité,que
les Romains honbroient, sous le nom
de bonne Déesse, à celle que les Grecs
révéroient sous le titre de Gynaicaea
ou Déesse des femmes. Les femmes , qui
céiébroient safête,couvroierît leurs tentes
de branches de vigne. Macrobe assure,
qu’une branche de vigne s’étendoit au-
dessus de la tête de la Déesse. Pendant
tout le temps que duroit la fête , il
n'étoit permis à aucun homme d’entrer
dans la maison où l’on célébroit ces
mystères ; pas même aux maris d’y rester.
Voilà pourquoi Clodiud, qui étoit fort
bien avec Pompéia femme de César ,
mais dont il ne pouvoit approcher aisément
, à cause de la grande surveillance
d’Aurélia mère de César , profita de
cette fête , pour s’introduire dans la
.maison de César, chez qui se céiébroient
alors les mystères. Car c’était chez le
premier Magistrat, soit Consul, soit
Préteur , que cette cérémonie devoit
se célébrer.
Quand le temps de la fête étoit venu ,
le Magistrat sortoit de sa maison , et
a4ec lui tout ce qu’il y avoit d’hommes.
La femme restoit alors seule maîtresse
de la maison , qu’elle nétoyoit et pa-
rolt pour la célébration de la fête. La
plûpart de ces cérémonies mystérieuses
se faisoient pendant la nuit, et ces veilles
étoient mêlées de beaucoup de divertis-
semens et de concerts de musique. Clo-
dius , qui n’avoit point encore de barbe ,
se déguisa en femme , et se fit introduire
dans ce lieu par une esclave, qui étoit
dans la confidence. Il fut découvert ; le
sacrifice cessa, ün couvrit d’un voile
les choses sacrées. Clodius "fut mis dehors
; et les dames , toutes éperdues ,
sortirent pendant la nuit, et allèrent
(1) Ibid. !. 5, v. 113.
(a) Pluf. vitâ Cæs. p. 711. et vitâ Ciceronis,
(3) Civ, pro domo suâ ad Pontifie- 40 in Pis. c. 39.
annoncer à leurs maris ce qui venoit
d’arriver. Clodius est aussitôt accusé
d’impiété , et traduit en justice , comme,
ayant commis un attentat horrible , qui
devoit être rigoureusement puni, pour
l’honneur ,-non-seulement de la maison
qu’il avoit profanée, mais encore pour
celui de la ville et des Dieux (3). Toutes
les fois que Cicéron, son ennemi, a occasion
de rappeler ce fait, il l’exagère avec
tout l’enthousiasme du plus fanatique de
nos Prêtres. Cicéron n’étoit pas dévot ;
mais il avoit un ennemi en Clodius , et
la haine politique se sert de toutes les
armes. Encore de nos jours, nos Prêtres ,
incrédules et vicieux , ont invoqué les
droits sacrés de la religion , afin de
provoquer la guerre civile , et de faire nager
la France dans le sang de sesenfans;
et cela par esprit de vengeance et de
haine contre ceux qui les rappeloient à
la pauvreté et aux moeurs. La religion ,
dans tous les siècles , a fourni des armes
terril) es à ceux qui y croyoient le. moins.
Cicéron { 4 ) > dans l’endroit où il est
question de ces sortes de mystères, en
parle comme des plus anciens qui fussent
établis à Rome , et il en fait remonter
l ’origine jusqu’aux premiers Rois, et à
la fondation de cette ville. A cette
grande considération, que leur donnoit
une haute antiquité , il en joint une autre
, qu’il tire du secret impénétrable ,
dont ils étoient enveloppés aux yeux
des profanes , et de la loi sévère qui en
excluoit tous les hommes ; sans doute ,
pour empêcher que le mélange des sexes
n’introduisît la corruption dans ces cérémonies
saintes : car c’était, en quelque
sorte, le sanctuaire de la chasteté et de la
vertu des femmes.' Noh-seulement la curiosité,
mais le hasard même ne pouvoit
sans crime faire tomber les regards d’un
homme sur les objets de ce cuite mystérieux
(5). L’imprudence étoit au^si coupable
qu’une curiosité maligne.
4) De Harusp. Resp. c. 8, c. 37,
5) Üvid. Fasc. 1. 5, v. 153-