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clepiade dit : De la catholique. Polemon lui demanda
Quel Dieu adore-tu? J . C. dit Aiclepiade. Quoi donc
eft-ce un autre, dit Polemon. N o n , dit Aiclepiade:
c’eft le même, qu’ils viennent de confefler.
Après cclaonlesmenaenprifon. La foule du peuple
qui lesfuivoit, remplilïbit toute la place: quelques-uns
difoientde Pionius: Voyez cet homme qui étoit toujours
pâle & défait, comme il eft devenu rouge tout
d’un coup. Comme Sabine le tenoit par fon habit pour
fe loutenir dans la foule , quelqu’un dit : Ilfemble que
tu craigne d’être privée de Ion lait. Un autre s’écria :
S ’i ls ne veulent pas facrifier, qu’ils loient punis. Polemon
lui répondit:Nous n’avons pas ce pouvoir;nous n’avons
ni faifeeaux ni haches. Un autre diloit en fe moquant
d’Afclepiade:Ce petit homme s’en va facrifier. Tuments,
dit Pionius, il n’en fera rien. Un autre difoit tout haut:
Celui-ci & celui-là fàcrifieront. Pionius dit: Chacun a fà
volonté : je m’appelle Pionius; il ne m’importe qui ce
ibir qui fàcrifie, qu’on difè le nom de celui qui l’aura
fait. Entre ceux qui parloient de côté & d’autre,, il y en
eut un qui dit à Pionius: T o i qui eft il lavant, pourquoi
cours-tu à la mort avec tant d’obftination ? Ce que vous
croyez-être ma perte, dit Pionius, m’oblige à tenir plus
ferme. Vous fàvez quelle mortalité & quelle famine vous
avez foufferte, fans les autres maux. Mais, dit un autre,
Tu a s aufïi fouffert la faim avec nous. O ü i, dit Pionius,
mais avec l’efperance que j’avois en Dïeu. La foule étoit
fi grande, qu’à peine les gardes purent entrer dans la
prifon pour y mettre les martyrs.
Ils y trouvèrent un prêtre de l’égliiè catholique,nommé
Lemnus, une femme du bourg de Carma, nommée
Macedonia, & un nommé Eutychien, de l’herefie des
Phrygiens ou Montaniftes. On les mit tous enfèmble :
L i v r e s i x i e ’ m e ; 1 7 1
8c les gardes s’apperçurent que Pionius par une refo-
lutionprifè avec les liens, ne recevoit point ce que les
fideles lui offroient. Car il difoit : Quelque befoin que
j ’aye eû , je n’ai jamais été à charge à perfonne ; qui peut
m’obliger à prendre maintenant. Les gardes qui avoient
accoutumé de recevoir des prefèns de ceux qui venoient
voir les Chrétiens, irritez de ce que ceux-ci ne leur atti-
roient rien ; les jetterent dans la partie intérieure de la
prifon, pour les tourmenter par les tenebres & la puanteur.
Ils acquiefcerent en loüant Dieu, 8c donnèrent aux
gardes ce qu’on avoit accoûtumé de donner. Le geôlier
en fut étonné, 8c les voulut remettre à la première
place ; mais ils y demeurèrent, difànt : Dieu foit loüé
nous nous en trouvons bien ; nous fommes en liberté
de méditer & de prier jour & nuit.
Plufieurs payens les vifitoientdans la prifon, & s’ef-
forçoient de perfuader Pionius ; mais ils admiroient fes
réponlès. Ceux qui avoient fàcrifie par force y entroient
aufîi, & excitoiint de grandes pleurs, principalement
ceux dont la vie avoit été fans reproche. Pionius difoit
en les voyant: Te fouffre un nouveau fupplice; il mefèm-
ble que l’on me met en pièces, quand je vois les perles
de l’églifè foulées aux pieds des pourceaux, & les
étoiles du ciel tirées à terre par la queue du dragon: % .m i, 4.
mais, dit-il, ce font nos pechez qui en font caufe. Et
comme il fçavoit que les Juifs invitoient quelques-uns
de ces Chrétiens tombez à venir à leurs fynagogues :
il parla fortement contre les Juifs, & dit entr’autres
choies. Ils prétendent que J . C. eft mort par force comme
un autre homme. Dites un peu, quel eft l’homme
mort par force dont les difciples ayent chafte les démons
pendant tant d’années ? Quel "eft l’homme mort
par force, pour quiiès-difciples 8c tant d’autres ayent