
viii.
Lettre de S* Cy
prien à S. Cor
neil'le.
i j f ï H i s t o i r e E c c i e s i â s t i c i u è . ’
neille en donna ayis à Saint Gyprien, par une lettre pleine
de charité & de force, dont il chargea Satur acolyte.
Les ichifmatiques fe voyant rejettez, revinrent à la
charge , avec des menaces & des emportemens furieux ;
diiànt que s’il ne recevoir les lettres dont ils étoient porteurs
, ils les liroient publiquement, 6c diroient quantité
de chofes honteufes ; & faiiànt fonner haut le
nombre de vingt-cinq évêques, qu’ils diibient avoir
afïiité à l’ordination de Fortunat. Saint Corneille fut
ébranlé par ces menaces , 8c écrivit une fécondé lettre
à fàint Cyprien , où il ie plaignoit de n’avoir pointre-
çu d’avis de fà part, touchant la prétendue ordination
de Fortunat > car l’acolyte Felicien n’étoit pas encore
arrivé à Rome.
Saint Cyprien ayant reçu cette féconde lettre de
Saint Corneille, lui répondit en ces termes : S’il eft ainfi,
mon très-cher frere , que l’audace des méchans fe faffe
craindre , & qu’ils emportent par leur infolence , ce
qu’ils ne peuvent obtenir par la juftice ; c’eft fait de la
vigueur épifcopale , & de la puiifance fublime & divine
du gouvernement de l’églifè. Car les Gentils 8c
les Juifs nous menacent 5; les heretiques & tous ceux
que le démon obfedent témoignent leur rage par des'
difeours furieux ; il ne faut pas toutefois ceder pour
cela , ni croire que l’ennemi foit plus grand que J. G.
parce qu’il a tant de puifïânce dans le fiecle. Nous ne
devons pas feulement confiderer les menaces des Gentils
8c des Juifs. Il n’importe qui nous trabiffe , 8c ce
ne nous eft pas une honte de fouffrir de nos freres comme
J. C. en a fouffert ; ni à eux une gloire dé faire ce
qu’a fait Judas. Et enfuite r Les herefîes & les fchifmes
ne font venus que faute d’obéir au pontife de Dieu ,
6c de fonger qu’il y a dans l’églifè un feul évêque ÔC
L i v r e s i p t i e ’ m e . ¿43
irn feul juge pour un tems , qui tient la place de Jéfus-
Chrift. Autrement il ne fè trouveroit perfonne , qui
après le jugement de Dieu , le fuffrage du peuple , le
contentement des autres évêques , te fit juge , non de
l’évêque , mais de Dieu njême ; fi ce n’eft qu’il y ait
quelqu’un affez impie & affez intente , pour croire
qu’un évêque fe fait fans Je jugement de Dieu ; tandis
qu’il nous dit, qu’un paffereau ne tombe pas à terre fans
fà volonté. Il y a des évêques qui ne fè font pas par la
volonté de Dieu ; mais ce font ceux qui fè font hors de
l’églifè. Le Seigneur lui-même a fouffert que plufieurs
le quittaffent, fè contentant de dire à fes apôtres : Voulez
vous a.uiïi vous en aller ? Mais Pierre fur qui il avoit
bâti l’églife , répondit pour tous : Seigneur, à qui irons jean?r.<f7;
nous : montrant que ceux qui quittent J. C. periffent
par leur faute ; que l’églifè qui croit en lui ne le quitte
jamais ; & que ceux-là font î’égliiè qui demeurent dans
la maifon de Dieu.
Enfuite , parlant des calomnies des fchifmatiques :
Je ne dois pas, dit-il., les imiter en rapportant le détail
de leurs crimes; nous devons confiderer ce que doivent
dire 6ç écrire des pontifes de Dieu : la douleur doit
moins me faire parler que la modeftic ; &je ne dois pas
donner lieu de croire , qu’étant attaqué je me défende
par des médifànces. Je ne parle donc point des fraudes
qu’ils ont faites à l’églifè ; je paile les conjurations, les
adultérés, & divers genres de crimes ; il y en a un feul
dont je ne crois, pas pouvoir me taire , parce qu’il ne
s’agit , ni de mon intérêt , ni de celui des hommes,
mais de Dieu. C’eft que dès le premier jour de la per-
fécution, lorfque les pechez étoient recens, 6c que la
fumée des fàcrifices abominables fe voyoit encore ,
non feulement fur les autels* mais dans les mains & la
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