
ié8 H i s t o i r e E c c l e s IÀ s t i q j j e .
j ’y foupçonne de l’artifice : la haine déciaicc eft moin*
nuifible, que des carefles tronipeufes.
Alors un certain Alexandre | homme m alin , lui dit ;
Ecoute-moi aufli. Pionius répondit : Ecoute - moi toi-
même; car je fç a i tout ce que tu içais ; ôct uneiçais pas
ce que je fçai. Alexandre lui dit en ie mocquant ; Que
veulent dire ces chaînes ? Pionius répondit : De peur
qu’en nous voyant paffer par la v ille ,o n ne croye que
nous allons facrifier, & a fin que vous ne noys meniez
pas aux temples comme les autres, & pour vous montrer
qu’il n’eft pas befoin de nous interroger , puifque
nous allons de nous-mêmes a la prifon. Le peuplé con-,
tinuoit de le p r ie r .; & comme Pionius demeutoit term
e , les reprenoit & leur parloiidcschofes futures, Alexandre
dit : Qu'eft-il beioin de tant de difcours, puifque
vous ne fçauriez v iv re , ni vous empêcher de périr l
Le peuple vouloir aller dans le théâtre pour entendre
plus commodément les paroles du martyr ; mais quelq
u e s - uns s'approchèrent de Polemon, & lui dirent,que
s’ il donnoit au Martyroccafion de parler, il en vien-
droit du tumulte & de la confufion. Polemon du donc
à Pionius : Si tu ne veux pas facrifier , du moins entre
dans le temple. U n’eft pasbon , dit-il , pour les idoles-,
que nous y entrions. Il eft donc impoihble , dit Polem
on , de te le perfuader. ht Pionius dit- : Plût a Dieu
qu e je puife vous perfuader de devenir Chrétiens, Quelques
uns dirent tout haut en s’en mocquant : Gardes-toi
bien de le faire , de peur que nous ne foyons brûlez
v i f s .C ’eft bien pis , dit Pionius, d’être brûlez après la
mort. Pendant cette conteftation ils virent que Sabine
rioit ; & lui dirent d’une voix menaçante : T u ris ? Elle
d it : Te ris fi Dieu le veut ,.car nous iommes Chrétiens.
T u iouffriras, dirent-ils ,.ce que tu ne voudroispas; car
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On jette dans les lieux infames celles qui ne veulent pas
facrifier. Le Dieu iàinty pourvoira, dit-elle.
Polemon dit encore à Pionius : Obéis-nous ? Pionius
répondit : Si vous avez ordre de perfuader ou de punir ;
vous devez pun ir, puifque vous ne pouvez perfuader.
Polemon piqué de lafecherelïèdece difcours, dit : Sacrifie.
Il répondit : Je n’en ferai rien. Pourquoi non ? Parce
, dit-il, que je fuis Chrétien. Quel Dieu adores tu ? dit
Polemon. Pionius répondit : Le Dieu tout-puiiTant qui
a fait le ciel & la terre, tout ce que le ciel & la terre contiennent
, & nous to u s , & nous donne abondamment
toutes chofes, que nous connoiffons par fort verbe J . C.
Sacrifie au moins à l’empereur ? dit Polemon. Pionius
dit : Je ne iàcrifie point à un homme;
Eniuite Polemon l’interrogea juridiquement, fai/ànt
écrire toutes iès réponlès, par un notaire qui lesgravoit
fur de la cire, & lui demanda: Comment t’appelles-tu?
Il répondit : Chrétien. De quelle égliiè? dit Polemon,
Pionius répondit : De la catholique. Il laififa Pionius, &
s’adrefla à Sabine, &dui demanda ion nom. Or elle avoit
changé de nom par le confeil de Pionius, de peur de retomber
entre les mains deiàmaîtreiTepayenne;quifous
Pempereur Gordien voulant lui faire quitter la foi ,
l’avoit enchaînée & releguée dans les montagnes, où
les freres l’avoient nourrie fecretement. Elle répondit
donc,qu’elle s’appelloitTheodote& Chrétienne. Polemon
lui dit : Si tu es Chrétienne, de quelle égliiè es-tu?
De l’égliiè. catholique , dit-elle. Quel Dieu adores-tu ?
dit-il. Elle répondit : Dieu tout-puiilànt qui a fait le ciel
& la terre , la mer & tout ce qu’ils contiennent, que
nous connoilïons par J . C. ion verbe. Enfuite il interrogea
Aiclepiade qui n ’étoit pas loin , & lui demanda
fon nom. Il répondit : Chrétien. De quelle églife ? Af-
Tome ll> Y
XXXT.
Premier interrogatoire,,