
X L IV .
Confellïon du
prêtre Saturnin.
458 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
toire , & alors éloigné de la religion chrétienne , dit au
proconful : C ’eft l u i , Seigneur , qui pendant que nous
étudions ici a féduit notre foeur Viétoire, & l'amenée
de cette ville deCarthaçe avecReftituta&Secundaenla
colonie d’Abitine. Il n’eft jamais entré dans notre mai-
fon , que pour attirer ces jeunes filles par fes perfuafions.
Viéloire ne fouffrit pas qu’on accusât fauiTement Dativus.
Perfonne, dit-elle , ne m’a perfuadé de fortir,& je
ne fuis point venue à Abitine avec lui, je puis le prouver
par des citoïens. J ’ai tout fait de mon propre mouvement
& par ma volonté; j’ai aififté à l’affemblée & célébré
le myftere du Seigneur avec les freres , parce que je
fuis chrétienne. Alors fon frere fe mit à dire beaucoup
d’injures à Dativus. Dativus au contraire deifus le chevalet
, répondoit à tout & fe juftifioit. Anulin commanda
qu’on lui enfonçât les dens de fer , & les bourreaux lui
déchirèrent les cotez, enforte que l’on voïoit le dedans
de la poitrine. Dativus difoit : Seigneur J .C . que je ne
fois pas confondu. Le proconful fitceiferlestourmens,
puis il lui demanda s’il avoir aififté à la colleéte ;ceft-à-
dire à l’affemblée. Il répondit, qu’il étoit arrivé comme
on la tenoit, qu’il avoit aififté au myftere du Seigneur,
& qu’un feul d’entr’eux étoit la caufe de ce qu’on avoit
célébré la colleéte. Sa réponfe irrita le proconful qui le
fit encore déchirer avec les dents de fer. Dativus répéta
fa priere. Je vous prie J . C. que je ne fois pas confondu.
Et il ajouta, qu’ai-je fait : Saturnin eft notre prêtre.
Le proconful dit à Saturnin : Eft-ce toi qui les as aiTem-
blez contre l’ordre des empereurs & des cefars ï Saturnin
répondit : Nous n’avons point craint de célébrer le
myftere du Seigneur. Pourquoi ? dit le proconful. Il
répondit : Parce qu’on ne peut pas y manquer. Aulfi-
tôt qu’il eut fait cette réponie, le proconful le fit at-
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tacher auprès de Da t ivus , qui prioit cependant, & difoit
: Seigneur J e fu s -C h r i f t , fecourez-moi, je vous
prie ; ai’ez pitié de m o i , confcrvez mon ame, gardez
mon efprit. Je vous prie , Seigneur, que je ne fois pas
confondu,donnez-moi la patience. Le proconful lui difoit
: Tu devois bien plutôt travailler dans cette v i l le ,
à tirer les autres de l’erreur,que de défobéïr aux ordres
des empereurs & des cefars. Dativus crioit encore plus
haut : Je fuis chrétien. Le proconful dit : C ’eft allez, &
le fit mettre en prifon.
Le prêtre Saturnin étoit fur le chevalet, déjà teint du
fang que les autres martyrs y avoient laiffé ; on lui demanda
s’il étoit l’auteur de l’affemblée ? Il dit : Oüi , j’ai
été prefent à la colleite. Alorsleleéteur Emeritusfepre-
fenta pour le combat, & dit : C ’eft moi qui en fuis l’auteur,
puifque la colleéte s’eft faite dans ma maifon ; appa-
xemment il logeoit avec Oétave Félix. Le proconful
continuoit d’interroger le prêtre , & lui difoit : Saturnin
, pourquoi faifois tu contre les ordonances ? Saturnin
lui répondit : On ne peut obmettre la célébration
du faint myftere, la loi l’ordonne. Le proconful dit :
Tu ne devois pas pourtant méprifer les défenfes des empereurs
; puis il commanda aux bourreaux de le tourmenter.
Ils fe jetterenc fur le corps de ce vieillard, & le
déchirèrent de telle forte, qu’au milieu du fang on voïoit
les os à découvert. Cependant Saturnin difoit : J. C.
exaucez-moi, je vous prie ; je vous rends grâces, mon
Dieu. Commandez qu’orr me coupe la tête; J . C. aïez
pitié de m o i , je vous prie ; Fils de Dieu, fecourez-moi.
Le proconful lui dit : Pourquoi contreviens-tu aux ordonnances
? Saturnin dit : La loi l’ordonne ; la loi l’en-
feigne. Alors Anulin dit : C ’en eft afl’ez, & le fit mettre
en prifon , le deftinant au fupplice qu’il fouhaitoit.
M m m ij