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Méthode d’Ori-
eene.
Gre$, Thaum>ibf
n o H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
Tonnes de Ta fuite. Le public fournifibit les voitures, &j
en chaque ville il y avoit des perfonnes chargées de loger
Se de défrayer ceux qui voyageoientainii. Comme
il n’écoit pas de la bienfeancc que cette femme fit feule
un fi grand voyage ; onperfuada a fon frere Théodore
de la fuivre,puilqia’aufii bien Çefarée où ils a llo ien t,
n’étoit pas loin au-delà de Beryte , où il devoit aller
pour Tes études. Un fécond frçre nommé Athenodore
fut auffi de ce vo y ag e , au moins eft-il certain qu’ils fe
trouvèrent tous-deux enfemble à Cefarée.
Y fêtant arrivez ils s'attachèrent à écouter Origenej
qui les y retint plus qu'ils ne penfoient. Il commença
par les louanges de la philofophie, c’eilrà-dire,de la vi aïe
fagefle; montrant que pour vivre véritablement, de la
v ie qui convient à des perfonnes raifonnables , il fauc
s'appliquer premièrement à fe connoître foi-même;puis
connoîtreles vrais biens qu’il faut chercher, & les vrais
maux qu’il faut fuir. Il blâmoit l’ignorance,, & l’aveuglement
de ceux qui viv ent comme des b ê te s , fans longer
même à s’inflruire ; & faifoit voir que fans cette
philofophie on ne peut avoir de vraïe pieté envers Dieu.
Il continuoit ces difeours pendant plufieurs jouis, avec
une grâce 8c une adrefle merveilleufe. Il ne difputoic
pas avec-eux, comme pour les vaincre par le raifonne-
ment; mais il leur témoignoit une, bonté Sc une affection
finguliere, comme ne cherchant qu’à les fauver Sc
leur communiquer les vrais biens. Ces difeours avoient
une telle force, qu’il étoitimpoffible de lui refifber, &
il fe rendoit maître des efprits ; 8c. toutefois lft eoro;-
îtiun des hommes ne le connoiffoit poirutj, & n’y voyoit
rien d extraordinaire. Ainfi les deux freres demeurèrent
comme charmez Sc unis à lui de Tamitié la plus intime
j oubliant l'étude des-lobe j leur patrie &. leur s p^-
L ï v r e cinclui e’m e ; i n
fe fis, pour s’attacher uniquement à lui & à la philofophie.
Origene ne fe contentoitpasdeleur donner desinf-
trudtionsfuperficielles, ilereufoit Sc penetroit leurs fen-
timens, il les interrogeoit Sc écoutoit leurs réponfes ;
il les reprenoit 8c les terralfoit quelquefois par des
queftions focratiques quilesfurprenoient. Enfin ayant
découvert en eux un beau naturel,il n’obmit rien pour le
cultiver, pour dompter ces efprits encore fiers , pour
les rendre traitablcs Sc fournis à la raifon- Les ayant
ainfi préparez Sc excitez à s’inftruirepar un enchaînement
de difeours engageans , dont ils ne pouvoient fe
défendre, il commença à leOr donner les initructions
folides de la yraïe philofophie. Premièrement delà logique,
en les accoutumant à ne recevoir ni rejetter au
hazard les preuves ;.mais aies examiner foigneufemenr,
fans s’arrêter à l’apparence ni aux paroles, donc l’éclat
ébloüit, ou dont la fimplicité dégoûte; Scne pas rejetter
ce qui fembleparadoxe, Sc fouventfe trouve le plus
Véritable ; en un mot, à juger de tout fainement Sc fans
jarévenrion.Enfuiteilles appliquoitàlaphyfique ; c’eft-
à-dire, à la confideration delapuiifance Sc de la fage.fle
infinie de l’auteur du monde, fi propre à nous humilier.
Il leur enfeignoic encore les mathématiques, principalement
la geometrie 8c l'aftronomie , 8c enfin la morale
; qu'il ne faifoit pas confifter en vains difeours, en
définitions Sc en divifions fteriles ; mais i l l ’enfeignoit
par la pratique, leur faifant remarquer en eux-mêmes
les mouvemens des paillons, afin que l’ame fe voyant
comme dans un miroir, pùt arracher jufques à la racine
des vices,8c fortifier la raifon, qui produit toutes les vertus.
Aux difeours il joignit les exemples étant lui- même
un modèle de vertu.