
3 5 0 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
tu lie rallenciras pas par là l’ardeur qui me poufle, ton
argent pcrijfe avec toi. Il n’eue pas achevé ces paroles
que le plat s’évanoiiit comme de la fumée,
Antoine continuant fon chemin y vit répandue une
grande quantité d’or , non plus imaginaire, mais réel ;
ioit l’ennemi qui le lui fit voir, foit un ange pour l’éprouver.
Antoine paffia fur cet or commeTur un feu ;
& fans fe tourner prit fa courfe ,afin de n’en pas même
remarquer la place. Il arriva donc à la montagne : ou
aïant trouvé au-delà du Nil à l’Orient, un vieil château
abandonné depuis long-temps 6e plein de reptiles, ij s’y
arrêta ôc y établit fa demeure. Tous ces animaux s’enfuirent
auffi-tôt, comme fi on les en eût chaiTez ; il ferma
1 entree ¿¿fit provifion de pain pour fix mois : car
en Thebaïde on en faifoit de tel, ôc qui duroit même
un an entier fans fe corrompre ; il y ayoit de l’eau là-dedans.
Il y demeura feul fans en forcir, ôç fans voir perfonne
de ceux qui y vinrent.
Il vécut long-temps de cette forte , recevant feulement
deux fois 1 annee du pain, qu’on lui jettoit de
deilus le toit. Çeux de fes amis qui venoient le yifiter
g tant contraints, à eau le qu il ne les laiifoit point entrer,
de pafler fouvçnt au dehors les jours & les nuits ; ilsen-
tendoienc au dedans comme des troupes de gens, qui
murmuroient , qui fajfoient grand bruit, ôc qui
crioient avec des voix lamentables ; Retire-toi d’un
lieu qui nous appartient ; qu’as-tu affaire dans le defert?
te ne refileras pas a nos attaques. Ses amis croïoient
à abord que ç’etoiem des hommes qui étant defeendus
avec des échelles, difputoient contre lui ; mais ai'ant
regarde par une fente , ôc ne voïant perfonne , ils conclurent
que cetoient des dénions, ôc faifis de frai'eur,
ils appelloient Antoine , qui ne témoignoit pas moins
L i v r e h u i t i e ' m ï , '$$%
de charité pour eux, que de mépris pourles démons. Ses
amis venoient continuellement ainfi le voir : 6c croïanc
le trouver mort, ilsl’cntendoient qui chantoitdespfeau-
mes pour invoquer le fecours de Dieu ôc montrer fa
confiance. Il demeura environ vingt ans en cette retraite,
fans fortit ni fe laifTer voir à perfonne. ,
Les empereurs Diocletien ôc Maximien furent longtemps
favorables aux chrétiens, & ne firent des édits
contr’eux qu’à la fin de leur regne. Nous trouvons toutefois
des martyrs dès le commencement, ce qu’il faut
attribuer aux occafions particulières & à l’humeur des
gouverneurs de provinces, qui agiffoient en vertu des
anciennes loix. A Egée en Cilicie Claude , Afteriüs ôc
Neon, furent déferez au magiftrat municipal, par leur
belle-mere, comme chrétiens ôc ennemis des dieux ,
Domnine Ôc Theonille furent accufées du.même crime
& on les mit tous en prifon , jufques à l’arrivée du pro-
conful Lyfias..
Le proconful vifitant la province vint à Egée , ou
étant ailis fur fon tribunal , il dit : Qu’on amene devant
moi les chrétiens , que les officiers ont livrez au magiftrat
de cette ville. Eulalius geôlier dit ; Suivant vos ordres,
Seigneur, le magiftrat de cette ville vous prefen-
te ce qu’il a pû prendre de chrétiens. Il y a trois jeunes
freres Ôc deux femmes, avec un petit enfant. En voici
un que l’on a amené devant vous, que. voulez-vous
qu’on en faffe ? Lyfias lui dit : Comment tappelles-tu?
Il répondit : Je m’appelle Claude. Lyfias dit : Ne perds
point ta jeuneffe par cette folie, viens facrifier aux dieux,
fuivant l’ordre de l’empereur, pour éviter les tourmens
qui te font préparez. Claude dit : Mon Dieu n’a point
befoin de tels facrifices, il aime mieux les- aumônes ôc
1 innocence de la vie , mais vos dieux font des démons
xvf.
Martyre de Cfatf-»
de Aftere &
Neon.
Luf. 3. kifl. c.ty
AU#Jîne. p. 2.72»